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Le choix d'un étalon

On aurait tort de penser que ce choix soit spécialement réservé aux acheteurs de ces sortes d’animaux, faisant profession d’exploiter leurs services en tant que reproducteurs. Tous les propriétaires, éleveurs ou cultivateurs possédant une ou plusieurs juments peuvent être amenés à désirer en faire des poulinières, à l’intention desquelles ils auront aussi à choisir, dans un champ plus limité sans doute, parmi les étalons se trouvant à leur disposition au cours de la saison de monte.

Car, pour le moment du moins, l’insémination artificielle ne se propage pas dans l’espèce chevaline avec autant de rapidité que chez les vaches laitières, et l’étalonnage, sous ses formes officielle et privée, appuyé par la « loi Macarez » du 8 mars 1923, reste encore un des facteurs les plus importants de la reconstitution de notre cheptel hippique et de sa prospérité. Ladite loi, qui porte le nom de son promoteur à la Chambre des Députés, spécifie, entre autres, qu’un étalon doit être un cheval convenablement choisi par les appréciateurs autorisés, sinon parfait (rara avis !), du moins possédant les caractères les plus saillants de la race que l’on désire produire, maintenir et, encore mieux, améliorer. Sous ce rapport, la garantie de l’État, par l’intermédiaire de l’Administration des Haras, s’exerce complètement et utilement sur les étalons nationaux, qu’elle achète et entretient dans ses dépôts ou stations de monte ; plus superficiellement déjà sur les étalons approuvés, qu’elle classe seulement comme « susceptibles » d’améliorer une race, et enfin sur les étalons autorisés dont l’autorisation qui leur est donnée de faire la monte signifie tout au plus qu’ils ne sont pas dangereux pour le maintien des caractéristiques de la race à laquelle ils appartiennent.

Après les Arabes et les Anglais, qui furent nos premiers maîtres pour tout ce qui concerne les questions d’élevage, nous répéterons que trois qualités essentielles doivent toujours être recherchées chez les étalons : l’origine, le modèle et le mérite (qualité). C’est pourquoi, dès 1846, Gayot, le directeur des Haras, qui était, en même temps, — et si heureusement, — un vétérinaire distingué, rédigeant le Code des achats d’étalons à faire par son administration, écrivait : « Pour être achetés, les chevaux devront réunir les conditions ci-après : la bonne origine, authentiquement constatée, tant du côté du père que du côté de la mère ; la bonne et régulière conformation, l’harmonie des formes et le mérite éprouvé. »

Hors de ce principe d’ordre général, on s’expose à ne rencontrer que déceptions et déboires, ce pourquoi un hippologue éminent a pu dire : « Un bon reproducteur est un principe, tandis qu’un bon cheval de service n’est qu’un résultat.

La physionomie d’un étalon, à quelque race qu’il appartienne, doit être fière dans son port de tête, avec les yeux grands et pleins de feu, un front large, les naseaux très ouverts et une encolure assez longue, mais bien musclée et greffée dans un garrot élevé. Le jargon hippique réunit cet ensemble de qualités dans une seule expression, en disant qu’un tel cheval « a du chignon » (pour cerveau), et beaucoup de ceux qui l’emploient ne se doutent pas que, pour une bonne part, c’est de ce côté que siègent les sources de la fécondité. L’étalon doit avoir une grande ampleur de poitrine, qui dénote une vaste capacité thoracique, des poumons volumineux et un « cœur bien accroché », dont le bon fonctionnement constitue le principal agent de la force physique. L’ampleur de la poitrine doit être recherchée surtout en hauteur et en largeur plutôt que dans sa circonférence, le tour de poitrine variant trop souvent avec l’épaisseur des poils ou l’état d’embonpoint. Il faut se méfier d’un étalon trop rond de partout, malgré son aspect extérieur engageant, car la graisse permet de dissimuler bien des défauts et ne le prédispose pas à ces fonctions spéciales qui ont fait dire qu’ « un bon coq n’est jamais gras » !

L’étalon doit avoir une bonne charpente, une forte ossature, qui est le point d’appui de toute la machine animale ; des articulations larges ; un système musculaire bien développé ; les membres en bonne direction avec les aplombs réguliers, des pâturons et les canons courts, accompagnés de tendons épais et bien détachés, donnant l’impression qu’il repose sur une base solide, en parfait équilibre.

La ligne de dessus (dos et reins), faisant suite à l’encolure bien greffée et au port de tête conquérant dont nous avons parlé plus haut, doit être irréprochable, courte avec un rein large, puissamment musclé, bien soudé et bien tendu ; elle se continuera par des quartiers et des cuisses fortement développés et des jarrets dont la netteté, la direction et la force ne laisseront rien à désirer. Les fonctions particulières de l’étalon occasionnent pour ces différentes régions et organes, au moment de la saillie, des causes de grande fatigue, auxquelles il faut toujours penser pour se montrer plus exigeant dans leur appréciation.

Les sabots de l’étalon devront être proportionnés à sa corpulence et d’une bonne nature de corne ; les poils de sa robe seront fins, souples et brillants ; les crins doux et peu abondants ; quant à leur couleur, elle sera de préférence foncée, bien qu’il soit bons chevaux de toutes robes ! Mais il faut tenir compte que les marques blanches, balzanes et listes, ont une grande tendance à se transmettre, quelquefois en s’amplifiant, et, si elles ne sont pas toujours un signe de dégénérescence, de même que les robes claires ou lavées ne sont pas fatalement l’indication d’un tempérament lymphatique, elles donnent souvent aux chevaux qui les portent un cachet peu séduisant.

Un étalon ressemblant au portrait que nous venons d’esquisser,— car il s’est agi surtout de modèle, — s’il est du format trapu et près de terre qui doit être recherché, donnera une grande impression de force et de vigueur, de vitalité et de virilité, que l’on qualifiera en disant qu’il est bâti en père et en bonnes dispositions pour devenir un bon « racer », selon l’expression anglaise, c’est-à-dire capable d’imposer ses ressemblance, modèle et qualités à tous les produits qui s’inscriront dans sa descendance au cours de sa carrière de reproducteur.

J. H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 80