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Causerie vétérinaire

Les gales du lapin

Considérations générales.

— L’élevage du lapin est, avec celui des volailles, une précieuse ressource pour les petites exploitations. Cet élevage ne nécessite que des installations assez sommaires et peu coûteuses pour les élevages limités. L’utilisation des débris de cuisine ou des plantes sarclées des jardins offre, par ailleurs, des ressources alimentaires qui, sans cela, seraient perdues. Dans ces conditions, les maladies sont assez rares, les pertes toujours minimes.

Dans les élevages en grand, organisés pour la production de la viande et celle des fourrures, les épidémies sont au contraire fréquentes et s’y développent souvent avec rapidité, en proportion même de la densité des effectifs et de la promiscuité qui en est fatalement la conséquence. Étant donnée, d’autre part, la valeur actuelle de la viande de lapin, l’éleveur a tout intérêt à bien soigner ses animaux, à les visiter souvent, de façon à s’opposer à l’extension de certaines maladies contagieuses qui pourraient gravement compromettre l’avenir de son élevage. Parmi celles-ci, les gales doivent particulièrement retenir son attention en raison des pertes qu’elles provoquent, même parmi les jeunes.

Le lapin peut être atteint de deux sortes de gales, différentes par l’acare qui les produit et les régions sur lesquelles elles évoluent : la gale des oreilles et celle du corps. Nous les étudierons successivement.

Gale des oreilles.

— La gale des oreilles est une affection contagieuse, assez fréquente chez les lapins, surtout dans les élevages subissant de nombreuses mutations. Elle peut atteindre les sujets à n’importe quel âge ; mais elle est beaucoup plus grave chez les jeunes, où elle peut provoquer une forte mortalité.

Causes et symptômes.

— La maladie est provoquée par un parasite microscopique, un acare découvert par Delafond, en 1857, le Psoroptes communis. La contagion est extrêmement facile dans les clapiers, par contact direct et par contagion indirecte dans les loges infestées.

La contagion de la mère aux jeunes se fait de très bonne heure ; les petits lapereaux peuvent succomber à l’âge de quelques semaines, alors qu’on voit à peine les lésions se constituer dans l’oreille de ces jeunes.

C’est, en général, l’introduction de lapins étrangers dans un élevage qui est le point de départ de l’affection. Un seul malade suffit à contaminer tout le reste du lot.

Les symptômes qui révèlent l’existence de cette gale ne sont pas nombreux, et il peut arriver que des animaux meurent sans que l’on se soit aperçu de rien. Cependant, les jeunes étant très sensibles à la maladie, il est rare qu’ils ne présentent pas quelques signes qui attirent l’attention.

Bien que l’appétit soit conservé, les malades, maigrissent ; on les voit souvent porter la tête de travers ou agiter les oreilles. La démangeaison, violente chez certains, provoque des grattages, qui arrachent les poils et irritent la peau au voisinage des oreilles. Ces signes sont d’autant plus frappants qu’ils se présentent généralement chez plusieurs sujets à la fois.

Ce sont ces dépilations qui conduisent à examiner l’intérieur des oreilles et, dès la première inspection, on est fixé sur la cause du mal. Le conduit auditif est rouge et suintant ; dans le fond, on aperçoit des croûtes minces, grisâtres, feuilletées, dégageant une très mauvaise odeur. Ces croûtes forment une sorte de bouchon, difficile à enlever, car il constitue une masse plus ou moins adhérente dans laquelle se trouvent en abondance les parasites à tous les stades de développement. Il est rare qu’une seule oreille soit atteinte ; mais cela peut arriver au début de la maladie chez un sujet donné.

Traitement.

— La maladie pouvant causer d’énormes ravages tant chez les mères lapines que chez les lapereaux, il faut agir énergiquement.

Tout d’abord, on devra passer une revue de tous les sujets en regardant attentivement le dedans des oreilles de chacun. Ceux qui présentent le moindre signe suspect sont isolés dans des loges séparées des autres, autant que possible. Toutes les cases où ils ont séjourné auparavant seront nettoyées et minutieusement désinfectées, ainsi que nous l’exposerons plus loin. Ce n’est qu’après cette opération qu’on pourra y laisser les lapins non contaminés.

Le traitement des malades est assez commode. Toutefois, il faut envisager deux cas, selon qu’il s’agit d’un élevage modeste ne comportant que quelques lapins, ou, au contraire, d’un important élevage industriel. Dans le premier cas, on commence par ramollir les croûtes en injectant dans l’oreille quelques gouttes d’huile. Puis, le lendemain, à l’aide d’une petite curette entourée d’un linge fin et un peu de savon et d’eau tiède, on enlève la plus grande partie possible de la masse pâteuse qui bouche le fond du conduit, en ayant bien soin de ne pas blesser l’animal.

Ce nettoyage terminé, la guérison sera obtenue en deux semaines si l’on a soin de verser dans les oreilles des malades, trois fois chaque semaine, VIII à X gouttes du mélange suivant : crésyl, 1 partie ; pétrole, 10 parties ; benzine, 10 parties ; huile, 30 parties.

Si l’élevage comprend de nombreux malades, on adoptera la méthode suivante, qui a l’avantage de ne pas trop manipuler les sujets gravement atteints d’otite, troubles cérébraux, etc. Faire tous les deux ou trois jours, au compte-gouttes, de simples instillations d’un mélange d’huile, de pétrole et de benzine, une partie des deux derniers produits médicamenteux pour trois parties d’huile : VII à VIII gouttes suffisent chaque fois. Au bout de quelques jours, les instillations peuvent être espacées et réduites à deux ou une par semaine, les oreilles se nettoient seules et la guérison est définitive. Le succès ne peut être obtenu toutefois que si les locaux, cases, etc., sont rigoureusement désinfectés en fin de traitement ; sans quoi l’affection reparaît au bout de quelques semaines, à la faveur de réinfestations par des parasites qui avaient pu temporairement se cacher dans les litières ou les anfractuosités des cases.

La désinfection des locaux, cases, etc., comprend le grattage suivi d’un brossage énergique à la brosse en chiendent trempée dans l’une ou l’autre des solutions suivantes : eau chaude crésylée à 3 p. 100 ; eau chaude additionnée d’un cinquième d’eau de Javel.

Gale du corps.

— Infiniment plus rare que la gale des oreilles, celle du corps des lapins débute par le bout du nez et les joues, qui se recouvrent de croûtes épaisses, adhérentes, avec démangeaisons assez vives. L’extension se fait ensuite vers la région des mâchoires, les oreilles, et peut gagner certaines parties de la surface du corps, les membres, le voisinage des griffes, et exceptionnellement le ventre et le dos. À la fin, les malades s’alimentent mal, maigrissent, dépérissent, les lapereaux succombent.

Deux acares peuvent provoquer cette gale : le Sarcoptes Scabiei et le Sarcoptes minor, variété Cuniculi, tous deux microscopiques.

Le traitement comporte des applications d’huile, destinée à ramollir les croûtes et les faire tomber sans faire saigner, suivies de badigeonnages avec l’un ou l’autre des mélanges indiqués ci-dessus pour la gale des oreilles.

L’isolement des galeux et des suspects, la désinfection des loges des clapiers et la surveillance étroite de l’élevage durant des mois sont nécessaires, comme pour les cas de gale des oreilles.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 83