Les dispositions de cette nouvelle loi se réfèrent : au
droit de prorogation des locataires ; au droit de reprise des
propriétaires ; à la majoration des loyers ; à la compétence des
tribunaux en cette matière. De ces quatre dispositions, celle relative à la
majoration des loyers paraît la plus importante.
1° Prorogation des locataires.
— L’article premier de la loi accorde aux locataires
une nouvelle prorogation de plein droit jusqu’au 1er juillet
1948. Cette prorogation, qui s’ajoute à tant d’autres, est destinée à assurer
le maintien des locataires dans les lieux en attendant qu’un régime normal des
loyers d’habitation ait été institué.
2° Droit de reprise des propriétaires.
— Le droit à prorogation des locataires peut cependant
être mis en échec par les propriétaires qui veulent reprendre les lieux pour
les habiter effectivement ou les faire habiter par leurs descendants ou
ascendants et qui se prévalent à cet effet des dispositions soit de la loi du
28 mars 1947, soit de la loi du 30 juillet 1947.
Sur ce point, la loi nouvelle a apporté des précisions en ce
qui concerne le droit de reprise des propriétaires fonctionnaires, etc., admis
à la retraite.
On sait qu’aux termes de l’article 4 de la loi du
30 juillet 1947 le droit de reprise peut être exercé par des
fonctionnaires ou agents civils ou militaires de l’État, des départements et
des communes, ou des ouvriers et employés logés par l’administration ou
l’entreprise dont ils dépendent, lorsqu’ils justifient les uns et les autres de
leur admission à la retraite n’ayant pas le caractère d’une mesure
disciplinaire ; par des sinistrés ayant perdu la disposition de leur
habitation.
La loi du 27 décembre 1947 prévoit que ce droit de
reprise peut être invoqué non pas seulement en cas de mise à la retraite, mais
aussi en cas de cessation de fonctions.
Dans quelle mesure ces fonctionnaires, agents,
militaires ... admis à la retraite ou cessant leurs fonctions et voulant
exercer le droit de reprise en vertu de la loi du 30 juillet 1947,
doivent-ils se conformer aux conditions de reprise généralement exigées tant
par la loi du 28 mars 1947 que par celle du 30 juillet 1947 ?
Ces conditions, que nous avons énumérées dans nos précédents
articles, se réfèrent soit au preneur, soit au bénéficiaire éventuel du droit
de reprise.
Or, à la suite des divergences d’interprétation qui se sont
produites à ce sujet, même dans les décisions des tribunaux, et aussi en raison
des difficultés que rencontrait dans la pratique la réalisation des conditions,
la loi du 27 décembre 1947 précise qu’aucune condition n’est exigée pour
l’exercice du droit de reprise ; il suffit donc que l’intéressé
propriétaire soit privé, par suite de retraite ou de cessation de fonctions, du
logement que lui fournissait l’administration ou l’entreprise qui l’occupait.
La même solution doit être adoptée pour le propriétaire sinistré ayant perdu
l’usage de l’habitation qu’il louait.
3° Majoration du prix des loyers.
— La nouvelle majoration des loyers est toujours
établie en distinguant à la fois suivant qu’il s’agit, d’une part, de baux
régis par la loi du 1er avril 1926 ou par la loi du 28 février
1941 ; d’autre part, de baux à loyer d’habitation ou de baux de locaux
professionnels sans caractère industriel, commercial ou artisanal.
A. BAUX RÉGIS PAR LA LOI DU 1er AVRIL 1926.
Locaux d’habitation.
— Rentrent notamment dans le champ d’application de
cette loi les locaux de maisons construites avant 1915 et se trouvant dans les
villes, dans les communes de plus de 4.000 habitants ou situées à moins de
5 kilomètres d’une ville de 10.000 habitants et plus.
Pour ces loyers, la loi du 28 juin 1945 a autorisé, en
principe à compter du 1er juillet 1945, une majoration de 30
p. 100 du montant du loyer et des charges au 30 juin 1943.
La loi du 30 juillet 1947 a permis, à compter du 1er juillet
1947, d’élever de 30 à 43 p. 100 le montant du loyer et des charges au 30 juin
1943, sans que cette majoration ait pour conséquence de porter le principal du
loyer à un chiffre supérieur à 572 p. 100 de la valeur locative de 1914.
La loi nouvelle du 27 décembre 1947 élève, à partir du
1er janvier 1948, de 43 p. 100 à 70 p. 100 la
majoration du montant du loyer et des charges, sans que l’application de cette
mesure ait pour effet de porter le principal du loyer d’habitation à un chiffre
supérieur à 680 p. 100 de la valeur locative de 1914.
Locaux à usage professionnel.
— Les locaux professionnels sans caractère commercial
ou industriel comportent la même majoration que ci-dessus, c’est-à-dire une
augmentation de 70 p. 100 (au lieu de 43 p. 100), à partir du 1er janvier
1948, du montant du loyer et des charges au 30 juin 1943, plus une
majoration spéciale de 10 p. 100.
Toutefois, cette majoration de 10 p. 100, au lieu de
frapper l’ensemble des locaux, comme cela existait jusqu’à présent, n’est
calculée que sur la partie du local affectée à l’exercice de la profession.
B. LOCAUX RÉGIS PAR LA LOI DU 28 FÉVRIER 1941.
Locaux d’habitation.
— Rentrent dans le champ d’application de cette loi,
notamment, les locaux de maisons construites après 1914 et avant le 1er septembre
1939 ou situées dans les localités de moins de 4.000 habitants et se
trouvant à plus de 5 kilomètres d’une ville de 10.000 habitants et
plus.
Peur ces locations, la loi du 28 juin 1945 a autorisé,
à partir du 1er juillet 1945 en principe, une majoration de 15 p. 100
du montant du loyer au 1er septembre 1939.
À son tour, la loi du 30 juillet 1947 a porté cette
majoration du loyer au 1er septembre 1939, de 15 à 25
p. 100 à compter du 1er juillet 1947.
Enfin, cette loi du 27 décembre 1947 a élevé, avec
effet du 1er janvier 1948, de 25 p. 100 à 35 p. 100
la majoration du loyer au 1er septembre 1939.
Locaux professionnels.
— Les locations de locaux professionnels comportent la
même majoration et aux mêmes dates que les locaux d’habitation, plus une
majoration spéciale de 10 p. 100 qui ne porte que sur la partie des locaux
affectés à l’exercice d’une profession.
Charges.
— Le propriétaire a, en principe, le droit de réclamer,
en outre, la majoration que les charges et prestations ont subie depuis le 1er septembre
1939.
C. DISPOSITIONS SPÉCIALES.
— Les indemnités d’occupation et de réquisition versées
par les occupants à un titre quelconque sont majorées dans les mêmes
proportions et conditions que celles indiquées ci-dessus.
Par contre, les majorations dont il vient d’être question ne
peuvent s’appliquer aux immeubles sinistrés qui ont été reconstruits ou
réparés, dont le prix de location a été fixé sans qu’il soit tenu compte des
maxima de majoration.
4° Compétence des tribunaux.
— La légère modification apportée par la loi du 27 décembre
1947 aux règles de procédure semble avoir pour but de faire désigner l’expert,
chargé de visiter les locaux offerts par le propriétaire voulant exercer le
droit de reprise, par le tribunal compétent suivant le cas.
L. CROUZATIER.
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