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Causerie médicale

Le choléra

La récente épidémie de choléra en Égypte a immédiatement alerté toutes les autorités sanitaires européennes, et, grâce à leur vigilance, le fléau a pu être circonscrit. Il n’est pas sans intérêt de rappeler les mesures prises et de donner un court aperçu de cette redoutable maladie.

Toute personne venant d’un pays contaminé, présentant de la diarrhée ou des vomissements, est immédiatement isolée dès la gare frontière ; si ces accidents surviennent en cours de route, la personne suspecte doit être immédiatement isolée dans un compartiment que les autres voyageurs doivent quitter et remise aux soins du commissaire spécial de la première gare où se trouve un de ces fonctionnaires. Tout cas qui pourrait survenir par la suite doit être aussitôt déclaré afin que les mesures d’isolement et de désinfection puissent être prises sans délai. D’autres mesures concernent les navires en provenance d’un port contaminé ; ils ne sont pas considérés comme suspects si aucun cas ne s’est produit au cours de la traversée, au moins depuis cinq jours.

Toute la prophylaxie repose sur un diagnostic précoce ; ce diagnostic, facile en cas d’épidémie, peut présenter quelques difficultés lorsqu’il s’agit d’une atteinte isolée.

L’incubation varie de quelques heures à plusieurs jours ; les conventions sanitaires internationales ont adopté comme durée maximum cinq jours ; pendant cette période d’incubation, le sujet peut émettre des vibrions cholériques et disséminer l’infection ; il ne présente généralement que quelques malaise vagues et de la lassitude. Le début est habituellement brusque, et la diarrhée constitue le premier signe ; c’est elle qui permet le dépistage précoce.

Dans sa forme moyenne, le choléra présente deux phases successives. Une première phase d’évacuations avec diarrhée et vomissements ; la diarrhée prend rapidement une forme caractéristique : émissions extrêmement fréquentes (jusqu’à une centaine par jour) de liquide louche, laiteux, dans lequel flottent de petits fragments de muqueuse intestinale desquamée ayant l’apparence de grains de riz ; les vomissements accompagnent ou suivent la diarrhée ; l’un et l’autre de ces symptômes s’accompagnent de douleurs et d’angoisse. Le malade accuse des crampes musculaires.

La seconde phase, qui survient rapidement, est dite période d’algidité ; la température cutanée s’abaisse fortement alors que la température rectale peut être normale ou même élevée, ce dernier signe étant d’un très mauvais pronostic ; la diarrhée et les vomissements diminuent sans cesser tout à fait. Au bout de cinq à six jours survient la phase terminale, aboutissant le plus souvent à la mort. On observe cependant des rémissions qui, dans les cas favorables, peuvent amener à la guérison, mais qui sont parfois suivies de recrudescence, fatale cette fois. Quand la guérison survient, elle est suivie d’une très longue convalescence, au cours de laquelle le sujet peut continuer, pendant deux à quatre semaines, à éliminer des germes pathogènes.

Il existe des formes bénignes, avec des symptômes atténués ; elles surviennent surtout au début des épidémies et risquent alors d’être méconnues. La forme foudroyante peut amener la mort en quelques heures. On signale aussi une forme spéciale, dite choléra sec, où manquent les signes d’évacuations, avec des douleurs thoraciques violentes et angoissantes pouvant être confondues avec un œdème aigu du poumon ou une crise d’angine de poitrine.

En temps d’épidémie ou de menace d’épidémie, le moindre trouble intestinal doit immédiatement éveiller l’attention et être soumis à un examen bactériologique, seul moyen de certitude pour confirmer la nature de l’affection.

La contagion peut se faire par contact direct avec un malade ou un porteur de germes ; elle peut aussi se produire par des objets, des vêtements, par des eaux polluées par des déjections de cholériques, par des aliments contaminés, soit directement, soit par l’intermédiaire des mouches.

La prophylaxie, en dehors des mesures collectives d’hygiène urbaine concernant surtout la distribution des eaux, consiste en une propreté corporelle stricte, en évitant les fatigues et les refroidissements. En temps d’épidémie, il ne faut consommer que de l’eau bouillie ou javellisée, du lait bouilli, des aliments, surtout des fruits cuits, qu’on aura soin de préserver des mouches en cas de conservation. Dans toutes les collectivités, la vaccination s’impose ; elle est également recommandable à tous ceux qui risquent de se trouver en contact avec des cholériques.

Quant au traitement, il faudra employer, si possible, le sérum spécifique à hautes doses. Vomissements et diarrhée éliminent une quantité considérable d’eau, le malade est totalement desséché ; aussi faut-il lui restituer le liquide perdu au moyen d’injections sous-cutanées ou intraveineuses de sérum artificiel ; il faut aussi combattre le refroidissement par des enveloppements chauds, des boules d’eau chaude. Quand le malade peut ingérer, on a souvent obtenu de bons résultats avec l’administration, en forte quantité, de poudres absorbantes : charbon, kaolin ou argile pulvérisée. Aucun médicament chimique, n’a jusqu’ici fait preuve d’efficacité.

L’alimentation, dès qu’elle devient possible, consiste tout d’abord en eau de riz, puis en riz sous forme de soupes, très claires au début, pour revenir de plus en plus consistantes. On passera ensuite graduellement et avec prudence à une nourriture plus substantielle.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 87