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Canons longs, canons courts

Parmi les questions posées par nos correspondants, nous sommes un peu surpris de constater la fréquence des demandes de renseignements concernant la longueur des canons des armes de chasse. Nous allons examiner dans la présente causerie l’influence que peut exercer sur les résultats balistiques une variation de quelques centimètres dans la longueur des canons destinés à l’emploi des munitions actuelles.

En même temps qu’il donne la direction à la charge, le canon a pour fonction d’utiliser au mieux la détente des gaz explosifs : à première vue, on est donc tenté de conclure à l’emploi de canons aussi longs que possible. Les armes établies au XVIIIe siècle, époque des poudres noires, comportaient, en effet, des canons dont les dimensions nous laissent aujourd’hui quelque peu rêveurs ; à ces raisons, il faut ajouter un motif de sécurité basé sur la crainte des accidents pouvant surgir dans le chargement des armes par la bouche : l’opérateur se trouve mieux placé, en cas de départ inopiné, avec un canon long qu’avec un canon court.

Mais, avec les fusils modernes à bascule et employant la poudre pyroxylée, dont le régime de combustion est assez différent de celui des poudres noires, il n’y a plus guère à prendre en considération que la précision de la visée. À notre avis, cette question est entièrement subjective et ne dépend par conséquent que des habitudes de l’usager, de sa vue, de la rapidité de ses réflexes et de sa manière d’épauler. Dans la limite de variation d’une dizaine de centimètres, la ligne de mire est pratiquement aussi bien définie avec un canon de 65 centimètres qu’avec un canon de 75 centimètres, et, en donnant aux armes les plus usuelles des canons de 0m,70, on satisfait pleinement à la précision du pointage en direction.

Examinons maintenant la question au point de vue de la balistique intérieure.

Compte tenu de l’utilisation des poudres pyroxylées, les expériences du général Journée ont établi qu’une longueur de 40 calibres était la plus convenable pour les armes usuelles ; nous obtenons ainsi les longueurs ci-après :

Calibre 10 78 centimètres.
12 74  —
16 68  —
20 64  —

Une variation de 5 centimètres en plus ou en moins ne modifie les vitesses initiales que d’une manière insignifiante ; aux distances moyennes de tir, les variations de vitesses restantes sont négligeables et la pénétration pratiquement la même.

En ce qui concerne la dispersion, elle est aisément réglable par le degré de rétrécissement du choke ; l’importance qu’attachaient autrefois les tireurs à l’emploi des canons longs à forage cylindrique n’est plus motivée actuellement.

En revanche, le bon équilibre de l’arme obtenu par l’emploi de canons d’environ 0m,70 est un facteur de maniabilité aisée autrement important pour le tir que le gain problématique des quelques mètres de vitesse dû à l’adaptation de canons de 0m,74. On reste donc parfois à bon droit surpris de l’attachement de quelques chasseurs aux canons longs et de l’insistance qu’ils montrent à ce sujet lors de la commande d’un fusil.

Nous ferons, bien entendu, exception en ce qui concerne l’emploi des armes destinées aux charges lourdes et chambrées pour douilles longues. Il est certainement indiqué dans ce cas, en particulier pour les calibres 12 de tir aux pigeons, d’employer des canons longs et plus étoffés.

On a construit, il y a une quarantaine d’années, des fusils à canons de 0m,65 particulièrement agréables à utiliser sous bois et qui donnaient, d’autre part, d’excellents résultats en plaine. Ces armes comportaient des chokes appropriés assurant à chaque canon la dispersion convenable ; nous avons fréquemment entendu leurs possesseurs en faire l’éloge.

On peut enfin se demander ce que l’on peut obtenir d’une arme à canons extra-courts, au-dessous de 65 centimètres par exemple en calibre 12. Ce genre d’essai a été effectué assez souvent, soit pour utiliser une paire de canons détériorés à la bouche, soit par simple curiosité.

Disons tout de suite que, si l’on ne peut s’attendre à trouver dans une arme ainsi modifiée la pénétration et la dispersion d’un canon normal, il est possible d’en obtenir d’excellents résultats pour certaines chasses, celle du lapin par exemple. Nous avons souvent affirmé aux possesseurs de canons détériorés à la bouche que l’on pouvait en faire tomber une dizaine de centimètres sans grand inconvénient, et l’expérience a toujours confirmé que l’arme était encore utilisable dans beaucoup de cas. Nous conseillons aux chasseurs qu’une telle expérience intéresserait de faire rogner progressivement leurs canons en vérifiant à chaque fois la dispersion. Ne pas employer des bourres trop dures et trop lourdes, et, en cas de besoin, un concentrateur dans le coup gauche diminuera la dispersion.

Notre conclusion sera donc la suivante : sauf cas spéciaux, la longueur de 0m,68 à 0m,70 est la plus convenable pour les armes de chasse des calibres 16 et 12, et, s’il est possible d’utiliser parfois avec profit des longueurs de canon inférieures, il n’y a rien à gagner à l’emploi de canons plus longs que les types standardisés actuellement aux dimensions précitées.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 97