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L'épagneul français

L’amateur de chiens d’arrêt connaît au moins superficiellement la physionomie de cet épagneul de taille, sous robe pie marron, parfois plus ou moins mouchetée.

Tel qu’il est, on peut le considérer comme la forme sans doute la plus pure du chien d’arrêt à long poil, au vu de sa ressemblance avec la première image connue de cette entité, datant du XVIe siècle. Autour de ce prototype gravitent des variétés de gabarit et de moral identiques, n’en différant que par la pigmentation ou la taille.

La parenté est plus ou moins rapprochée entre nos grands épagneuls, ceux d’outre-Manche, et en particulier le Gordon, ceux des pays centraux également.

Ce qui distingue ces chiens est leur parfait équilibre moral, l’aménité de leur caractère, la facilité du dressage qui s’ensuit, la précocité avec laquelle ils se déclarent et leur disposition à l’arrêt naturel.

Notre épagneul a eu à souffrir des discussions entre partisans du modèle lourd et du léger, comme nos braques nationaux. Cette querelle n’a pas avancé ses affaires. C’est sans doute pourquoi, en dépit de ses qualités aimables et de l’excellence de son nez, il a été abandonné, en de nombreuses régions, au profit des chiens anglais. Depuis bien longtemps, en effet, l’amateurisme ne veut plus entendre parler des modèles volumineux et épais de chiens de chasse. Le gibier se raréfiant, ceux qui quêtent au petit trot à dix mètres du tireur sont, on le comprend, condamnés.

Ce goût pour les gros chiens lents semble avoir été une fantaisie inexplicable du dernier siècle, présentée sous couvert du respect d’une prétendue tradition. Or rien n’est plus inexact. Il suffit d’étudier les œuvres des peintres Desportes et Oudry pour s’en convaincre. Les chiens massifs, pourvus de fanons, lippus, chargés dans l’avant-main, leur sont inconnus. Au grand siècle, l’épagneul français était plutôt plus léger que les plus élégants des nôtres.

Actuellement, et depuis plusieurs années, la doctrine a évolué dans le bon sens grâce à l’action d’un club où prévaut le sentiment des réalités. Plusieurs très bons élevages, disséminés à travers le pays, produisent suivant ses conseils. Si les épreuves se tenaient plus souvent dans l’ambiance favorable à l’exercice de la véritable chasse au chien d’arrêt, il n’est pas douteux que notre épagneul y brillerait. Or il n’est d’autre procédé pour conquérir une clientèle ; les expositions seules sont incapables de faire regagner les positions perdues.

L’épagneul national tel qu’actuellement conçu, c’est-à-dire pas plus volumineux qu’un setter anglais étoffé, sans en avoir ni les lignes, ni l’influx nerveux, est cependant assez rapide pour couvrir du terrain à un bon galop de chasse soutenu. C’est ce que presque tous les chasseurs désirent. Avec cela à sa place partout, plaine, bois et marais. Très peu porté, en vertu de son bon équilibre nerveux et ses qualités olfactives, à procurer à son maître les désagréments de la tape à bon vent. Tous ceux qui ont recouru aux bonnes adresses ont toujours été satisfaits d’un chien aussi aisé à manier sur le terrain que bon compagnon à la maison. Inutile de rappeler ses qualités de retriever, tant sur terre qu’à l’eau.

Parce qu’il n’est pas agité et piste volontiers, il a donc ce qu’il faut pour le travail des runners, dont la bonne exécution qualifie le véritable retriever.

Extérieurement, un spécimen bien venu de la race est un très beau chien d’une taille gravitant autour de 0m,60 ; fort sans lourdeur, distingué même, avec sa robe au long poil soyeux à fond blanc marquée de taches marron plus ou moins étendues, il fait racé aux yeux les moins avertis. La tête, maintenant décrite par le standard, est très belle, sans lourdeur, d’un ensemble allongé, aux formes arrondies, bien sculptée, à face longue terminée par des lèvres en cassure affinée, encadrée d’oreilles longues bien frangées insérées un peu bas, non roulées. L’encolure est forte, mais dégagée, tronconique. L’épaule longue et oblique accompagne une cage thoracique profonde en hauteur et longueur, aux côtes arquées sans excès. L’arrière-main se distingue par la puissance de la musculature. Le fouet bien frangé est porté dans l’horizontale et un peu incurvé en bras de pompe. L’ossature des membres est forte, avec des pieds bien fermés, feutrés de poil, de forme ovale, mais non pieds de lièvre.

Les sujets tricolores sont complètement rejetés et ne doivent pas figurer sur les bancs des expositions. Il est bon de le rappeler afin d’éviter des déconvenues.

Les robes, par ailleurs correctes, mais très mouchetées, ne sont pas recherchées. L’avenir nous dira ce qu’il faut penser de cette décision à laquelle nous devons la formation d’une prétendue race qui, pour le zootechnicien, est seulement une variété parce qu’il n’y a là que caractère secondaire. L’école zootechnique moderne sait, en effet, distinguer le décor de la forme, celui-là étant, dans la hiérarchie des caractères, subordonnée à celle-ci.

R. DE KERMADEC.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 109