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Les hormones herbicides

Les hormones de synthèse, dont nous vous avons déjà entretenus, n’ont pas fini de vous étonner, car rien n’est plus paradoxal que ce que vous pouvez en attendre. Elles portent vie dans des cas déterminés ; font enraciner les boutures de plantes réfractaires au bouturage ; favorisent la reprise d’arbres, d’arbustes, en atténuant le choc de la transplantation ; font naître des fruits parthénocarpiques, donc sans fécondation ; accrochent les fruits aux arbres à tel point que les vents ne peuvent les détacher.

Mais aussi, elles détruisent les mauvaises herbes ; les chardons jusqu’à 40 et 50 centimètres de profondeur ; toutes les mauvaises herbes, autres que les graminées, dans les céréales et dans les prairies.

Actuellement, une hormone sélective fait fureur aux États-Unis ; 500.000 acres sont traités au Canada cette année. L’industrie chimique l’a introduite en France, où des essais ont été effectués avec succès l’année dernière. Et plusieurs marques sont déjà constituées ayant cette hormone de synthèse pour élément de base. Cette phytohormone n’est autre que l’acide (au nom très compliqué) 2-4-dichloro-phénoxy-acétique, et plus simplement le 2-4-D.

Aux doses indiquées dans les spécialisations, ce désherbant sélectif 2-4-D n’exerce aucune action nuisible sur les céréales, sauf sur l’orge, si la concentration est trop forte. Une seule application suffit, celle-ci étant faite avant la formation de l’épi, dans le chaume, pour produire tout son effet.

Les doses prescrites sont de 1l,500 à 2 litres pour les blés, dilué dans 1.000 à 1.500 litres par hectare ; pour les orges et les avoines de printemps, de 1 litre à 1l,500 dans la même quantité d’eau ; la même dose de 1 litre à 1l,500 pour les prairies naturelles comportant des chardons.

La période de traitement se situe entre la fin de janvier dans le Midi à la seconde quinzaine d’avril pour les régions plus septentrionales.

Cette phytohormone remplace très avantageusement les solutions à base d’acide sulfurique, qui décalcifiaient le sol, le dinitrocrésol, le pentachlorate de soude, qui apportaient des perturbations.

Aux doses prescrites, les chardons, sanves, ravenelles, renouées, renoncules, marguerite, oseille sauvage, etc., sont détruits ; les liserons le sont partiellement, mais leur croissance est diminuée et raréfiée. Sauf les céréales, toutes les autres plantes sont touchées ; aussi, gardez-vous de mettre une spécialité à base de 2-4-D dans votre potager, sauf en sol nu, car vous détruiriez irrémédiablement plantes et légumes.

Le 2-4-D n’a pas le pouvoir de détruire les plantes nuisibles en respectant les plantes utiles, comme vous le faites par sarclage, mais de détruire toutes les plantes qui ne sont pas des graminées.

Par contre, vous pouvez mettre le 2-4-D en œuvre dans vos plantations d’arbres fruitiers, à condition que les pulvérisations ne touchent ni n’approchent les arbres ; ou, mieux, en opérant par poudrage par temps calme, avec une poudreuse ordinaire, à raison de 300 grammes à l’are d’une préparation dosée.

J’ai assisté, l’an dernier, à un essai dans un verger que l’on n’avait pas biné dans ce but, en laissant pousser les plantes adventices jusqu’en juillet-août.

Le poudrage a été fait par temps calme.

L’effet du 2-4-D, à l’encontre d’autres produits, n’est pas fulgurant, instantané. Mais, deux ou trois jours après, les herbes au feuillage le plus tendre apparaissent cassantes, lorsqu’on marche dessus, y compris le mouron. Quelques semaines après, les chardons disparaissent. Le produit, en pénétrant dans l’intérieur des tissus, les désorganise complètement, détruisant feuilles, tiges, racines. Chez les chardons, les tiges souterraines, comme les racines, étaient détruites, dans l’essai en question, jusqu’à 40 à 50 centimètres de profondeur, après plusieurs semaines qui suivirent le traitement, ce qui indique le pouvoir de pénétration.

Et, je le souligne, le sol n’est pas touché ; il n’est pas immunisé. Alors que toutes les plantes sont détruites après quelques semaines, germent mourons, ravenelles, sanves et autres. Cela n’a rien à voir avec le traitement, car les chardons touchés au cœur ne repoussent pas. Ce sont les graines qui sont dans le sol qui ont germé et levé. Car le 2-4-D n’exerce aucune action, ni sur le sol, ni sur les graines, même en surface, pas plus d’ailleurs que sur les graminées comme le chiendent. Il ne détruit que les plantes et les plantules qui ne sont ni céréales, ni graminées, aussi bien les plantes nuisibles que les plantes utiles.

Par conséquent, si vous avez un potager, un verger enherbé, n’ayez pas recours au 2-4-D, pas plus qu’à une autre phytohormone sélective, car vous détruiriez de pair légumes et plantes nuisibles, même les légumes racines. Dans ce cas, laissez une partie de ce potager en jachère ; au lieu de répandre du crud ammoniac, qui détruit immédiatement mauvaises herbes et racines, mais qui vous oblige d’attendre une saison avant la remise en culture, laissez pousser les mauvaises herbes. Lorsqu’elles sont bien développées, faites une application de cette auxine, la destruction sera totale. Faites une légère façon culturale pour faire germer et se développer les graines non touchées ; appliquez un nouveau traitement, et vous assurerez une destruction en masse.

Charles JOLIBOIS.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 122