Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°620 Juin 1948  > Page 123 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Le rôle de la fleur

dans la production fruitière

La culture fruitière a pour but l’exploitation méthodique des arbres et arbrisseaux à fruits comestibles pour obtenir une production constante maximum. Ce résultat sera atteint à la condition de connaître le fonctionnement de leurs organes, afin que le praticien puisse intervenir d’une manière efficace dans les diverses phases de la vie de l’arbre.

Cycle végétatif d’un arbre fruitier.

— Pour les diverses essences fruitières, on remarquera dans leur cycle végétatif deux phases :

    1° la formation de la charpente de l’arbre et de son système radiculaire, dès que cette phase est établie ;
    2° la fructification, qui lui fait suite.

À la formation de la charpente, tout le système aérien augmente en surface et en volume ; la tige grossit, les charpentières s’allongent. Le système souterrain forme des racines, qui, en se divisant, exploitent le sol pour absorber les éléments solubles de la terre et les conduire dans la tige, branches et feuilles. L’arbre prend la forme qui lui est propre, les yeux se transforment en rameaux feuillés avec des entre-nœuds longs. À mesure que l’arbre se développe, la surface des feuilles augmente, l’évaporation devient de plus en plus active. Il arrive que la puissance d’évaporation dépasse la capacité d’absorption des racines. L’arbre va rétablir l’équilibre entre ces deux fonctions en diminuant sa surface foliacée.

L’arbre va entrer dans la deuxième phase, caractérisée par la formation des rameaux feuilles à entre-nœuds courts et l’apparition des bourgeons fructifères.

La croissance de l’arbre étant terminée, la sève élaborée, ayant son utilisation réduite, va constituer d’importantes réserves dans les rameaux à entre-nœuds courts en formation. À la faveur de ces réserves apparaissent de nombreux bouquets de feuilles au centre desquels se trouve un œil ou bourgeon de grosse dimension qui s’est constitué, selon les espèces, de juillet à septembre. Après la chute des feuilles, cet œil est renflé, ovoïde ; c’est le bourgeon fructifère, renfermant une ou plusieurs fleurs, selon les essences fruitières.

À partir de ce moment, l’arboriculteur n’a plus qu’à veiller que le nombre de bourgeons fructifères ne dépasse pas la capacité productive de l’arbre, afin que celui-ci ne s’épuise pas, tout en donnant ses récoltes régulières.

Ces yeux, à la chute des feuilles, sont piriformes dans le poirier, globuleux dans le pommier, coniques dans le cerisier, prunier, abricotier, et aplatis dans le pêcher.

Le bourgeon fructifère renferme dans son intérieur des fleurs solitaires, le plus souvent groupées en inflorescences, parmi lesquelles on remarque : le corymbe, sur le poirier (les pédoncules s’insèrent sur un axe à des niveaux différents pour se terminer tous à la même hauteur) ; l’ombelle, sur le cerisier (les pédoncules sont d’égale longueur et partent du même point) ; la grappe, sur les groseilliers (les pédoncules sont d’égale longueur, insérés latéralement sur un axe à la même distance.

La partie supérieure du pédoncule s’élargit et forme le réceptacle, sur lequel vient s’insérer les quatre verticilles des pièces florales. On y trouve, de l’extérieur à l’intérieur :

    1° Le calice, formé de sépales, généralement verts ;
    2° La corolle, composée de pétales blancs, rosés ou rougeâtres, qui entourent et protègent les organes reproducteurs ;
    3° Les étamines, organes mâles de la fleur, composées d’un pied mince ou filet supportant deux sacs, anthères, renfermant les grains de pollen, poussière fécondante très fine ;
    4° Le pistil organe femelle dont la partie essentielle, l’ovaire, en forme de bouteille, est quelquefois divisée en compartiments ou carpelles, chaque carpelle étant surmonté d’un goulot, ou style, dont la partie terminale est renflée ou aplatie, stigmate.

Les parois de l’ovaire sont formées de trois membranes ; les carpelles sont au nombre de cinq dans les fleurs de poiriers, pommiers. Dans les fleurs des essences à noyau, on trouve un seul carpelle. Celui-ci peut être comparé à une feuille simple, repliée sur elle-même, si bien que la ligne de soudure persiste sur le fruit, où elle forme un sillon : abricot, pêche, prune. Les pétales et les sépales sont soudés au pistil, avec lequel ils se confondent jusqu’à la naissance des styles. L’ovaire semble au-dessus des autres verticilles ; le calice persiste après la fécondation et forme l’œil des fruits à pépins, poires, pommes.

Dans chaque carpelle sont renfermés les ovules, qui deviennent, après fécondation, les graines.

La fonction de la fleur, en arboriculture, est de produire le fruit et la graine, qui, elle-même, reproduira l’espèce. Si un ovule est fécondé, l’ovaire grossit pour donner le fruit, et l’ovule se transforme en graine.

La fécondation, c’est l’union du grain de pollen avec l’ovule. Les anthères s’ouvrent quelques jours après l’éclosion de la fleur. Les grains de pollen mis en liberté sont transportés soit par le vent, soit par les insectes, sur le stigmate de leur propre fleur ou sur celui d’une fleur voisine. Ces grains, retenus à la surface du stigmate par sa viscosité, ses aspérités, ne tardent pas à germer, à moins toutefois que des influences contraires ne viennent entraver la germination. Il se forme un tube pollinique, s’enfonçant par le style jusque dans l’ovaire, où il atteint l’ovule et y déverse son contenu. La graine ne peut se former que si la fleur est fécondée, sinon elle tombe sans rien produire ; on dit qu’il y a coulure.

Coulure. — Les plantes cultivées les plus exposées à cet accident très préjudiciable sont les arbres fruitiers, la vigne. Cet accident peut résulter soit d’une constitution anormale de la fleur, soit d’une végétation trop vigoureuse, soit enfin des intempéries : pluies prolongées, froid anormal.

Caractères des fleurs bien nouées.

— Il est facile de se rendre compte, après la fécondation, si la fleur a noué. On peut suivre la marche de cette importante fonction. Dix jours après la floraison, le pistil s’allonge, les pétales restent attachés au calice, signe que les fruits sont bien noués.

Températures auxquelles résistent les organes floraux pendant leur développement.
Essences fruitières. État de la végétation. Température de l'air. Organes détruits.
Poirier Pleine floraison. - 1° C. Toutes les fleurs détruites.
Pommier Pleine floraison. - 1,5° C. Toutes les fleurs détruites.
Pêcher Bourgeons floraux entr'ouverts. - 6,5° C. Tous les bourgeons détruits.
Bourgeons épanouis. - 3,5° C. Récolte détruite.
Après la chute des pétales. - 2,5° C. 3/4 de la récolte.
Après la chute du calice. 0° C. 1/4 —
Abricotier En plein débourrement. - 3° C. 1/5 —
En pleine floraison. - 1° C. 1/2 —
Fruits formés. - 1° C. 1/8 —
Prunier Bourgeons fructifiés non épanouis. - 4° C. 2/3 —
Pleine floraison. - 2° C. 1/6 —
Cerisier Pleine floraison. - 1,5° C. 1/10 —
Pleine floraison. - 2,2° C. 1/10 —
Pleine floraison. - 4,5° C. Récolte détruite.

A. DÉAUX.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 123