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Les dindons de rapport

Originaire du nouveau monde et de domestication relativement récente, le dindon est le plus gros de nos gallinacés. C’est un merveilleux producteur de viande appréciée et de vente facile, surtout pendant la période qui embrasse les fêtes de Noël et du nouvel an.

En sa qualité d’omnivore, le dindon fait ventre de tout, et il sait trouver la majeure partie de sa nourriture dans les champs, les bois, les friches, les landes, les éteules, etc., où il consomme indistinctement les herbes, les fruits sauvages, les grains égarés, les vers, les insectes et jusqu’aux reptiles, qu’il transforme en une chair saine et délicieuse, appréciée des gourmets. Après la moisson, on peut l’envoyer pacager sur les terres libérées, d’où il reviendra, le soir, le jabot bien rempli. N’étant pas un oiseau gratteur, on peut le laisser vagabonder sur les pelouses et même dans les jardins pendant la morte-saison, afin qu’il les débarrasse des colimaçons et de tous les ravageurs préjudiciables aux cultures, dont il fera son profit.

Mais l’habitat de prédilection du dindon, ce sont surtout les lieux broussailleux, les landes, les massifs d’arbres et d’arbustes, les taillis et les vergers. Il est donc recommandé de se livrer à cet élevage partout où des pacages se trouvent à proximité des habitations.

Profits de l’élevage.

— Dans les situations privilégiées, où les dindons peuvent trouver au dehors une partie de leur nourriture, leur élevage est rémunérateur. Les aliments de complément qu’on leur donne pendant le jeune âge et à l’approche du sacrifice sont insignifiants en regard du prix élevé qu’on en obtient à la vente, lorsque le poids des dindes s’élève à 5 ou 7 kilogrammes et celui des dindons à 7 ou 9 kilogrammes.

La ponte de la dinde étant peu abondante, vingt à trente œufs au total, et ceux-ci n’étant pas de première qualité, on les réservera le plus souvent aux incubations. Mais la poule dinde est la plus douce et la plus tenace des couveuses ; elle peut effectuer de suite deux incubations de ses propres œufs, d’une durée de soixante jours, ou celle de trois couvées de poussins, d’une durée de soixante-trois jours. Une demi-douzaine de dindes peuvent se charger d’incuber la totalité des poussins d’un élevage avicole moyen, sans que l’on soit obligé de recourir aux couveuses artificielles.

Les races en vogue.

— Tous les dindons, quelle que soit leur couleur, dérivent du meleagris gallopavo, vivant en liberté au Mexique, souche directe du dindon commun ou noir de Sologne. Le dindon bronzé d’Amérique, remarquable par son poids et la taille qu’il acquiert, a même origine. Malheureusement, si ce mastodonte de l’espèce — qui peut peser 10 kilogrammes et plus — est un superbe oiseau de concours, sa nature lymphatique et sa faible fécondité (ses œufs sont souvent clairs) lui font préférer le dindon commun sélectionné, plus rustique et moins aléatoire.

D’autres sous-variétés, issues du dindon noir, mais différant par la couleur, peuvent également être adoptés, notamment les dindons blancs, les rouges, les gris, les chamois, les bleus, les jaspés, etc.

La dindonnière.

— Les dindons sont de gros volatiles ayant une respiration très intense, ce qui leur fait rejeter, durant la nuit, de grandes quantités d’acide carbonique.

Aussi exigent-ils un grand cube d’air pur, par conséquent des locaux spacieux, largement ventilés, cependant sans courant d’air. C’est une grande faute que de les loger avec les autres volailles, dans des poulaillers exigus ; mieux vaut mettre à leur disposition un hangar ou un appentis rustique, fermé sur trois faces.

Une autre raison pour laquelle les dindons doivent être logés à part, c’est qu’ils se livrent volontiers, surtout les mâles, à des voies de fait sur les jeunes poulets sans défense. La dindonnière doit donc être indépendante du poulailler.

L’élevage.

— Un mâle de deux ans, en bon état de santé, suffit pour sept à huit femelles. La ponte sera activée, au printemps, par des distributions de graines excitantes (chènevis, avoine, sarrasin). Les dindes étant d’un caractère cachottier, on disséminera de place en place des pondoirs rustiques en paille de seigle, où on ira ponctuellement, tous les jours, ramasser les œufs pondus, pour les répartir, au nombre de dix-huit à vingt, sous les dindes qui demanderont à couver. On peut même forcer celles-ci à tenir le nid en les accouvant de force sur de faux œufs.

Avoir soin de lever les couveuses tous les jours, à la même heure, afin qu’elles se restaurent et que les œufs se refroidissent. Les jeunes dindonneaux se soignent comme les poussins, mais ils subissent une crise grave vers l’âge de dix à douze semaines, au moment où les caroncules se forment. C’est la maladie du rouge, que l’on combat par des vermifuges et en acidulant l’eau de boisson, en y mettant une cuillerée d’acide chlorhydrique par litre. Une fois le rouge poussé, les dindonneaux poussent comme des champignons et ils gagnent en poids, dans le même laps de temps, quatre à cinq fois autant que les poulets.

Nourriture.

— Dans les situations privilégiées où les dindons disposent de larges parcours, on se contente de leur donner, au retour des champs, un repas de pâtée, de composition quelque peu différente suivant la saison et l’abondance des proies vivantes.

La ration de début, ayant surtout pour but d’accélérer la formation des tissus osseux et viandeux, devra être riche en matières azotées ; on confectionnera une pâtée demi-fluide en pétrissant les farineux, les pommes de terre et les verdures hachées avec du lait écrémé. À défaut de lait, on incorporera du tourteau et un peu de farine de viande ou de poisson.

Plus tard, lorsque les dindons auront développé leur charpente, on leur fera prendre de l’embonpoint en augmentant la proportion des matières amylacées, notamment les farines d’orge et de maïs. Mais, en tout temps, afin de réduire le plus possible le prix de revient de la ration, on aura recours à des aliments de faible valeur, tels que drêches, marcs, pulpes, salades, choux, orties et autres verdures hachées, sans toutefois exagérer, bien que la puissance digestive et assimilatrice des dindons soit très grande.

L’engraissement final est réalisé une quinzaine de jours avant le sacrifice, en réunissant tous les sujets dans un grand parquet, où on leur distribue à satiété une pâtée aussi appétissante que possible, faite de lait écrémé, de farines d’orge, de sarrasin, de maïs, etc., auxquelles on associe un peu de salades hachées, pour maintenir l’intestin libre.

Certains éleveurs pratiquent encore le gavage aux pâtons, ainsi que pour les oies, mais c’est là besogne assujettissante, qui ne donne pas des résultats sensiblement meilleurs que l’engraissement libre. Dans tous les cas, les dindons ne doivent pas être placés dans des épinettes, car l’isolement leur serait préjudiciable.

C. ARNOULD.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 129