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Amplifiez toujours la production du lapin

L’hôte modeste des clapiers aura été, depuis 1940-1941, et continue d’être une ressource alimentaire de premier plan en raison de sa contribution aux approvisionnements limités en viande fraîche et au prix de celle-ci. Cette contribution tend d’autant plus à s’amplifier que le régime de la viande frigorifiée, substituée à la viande fraîche, tout au moins pour les bovins, vient d’être inauguré. Un équilibre ne se rétablira qu’après que les ressources fourragères qui font défaut seront elles-mêmes reconstituées.

La production du lapin doit donc marcher de front avec celle du porc, cet autre dispensateur rapide de viande et de graisse, actuellement poussé, l’entreprise organisée par le ministère de l’Agriculture garantissant la fourniture de 350 à 400 kilogrammes d’aliment par porc livré au poids de 90 à 100 kilogrammes. Mais cette entreprise n’est pas à la portée de tous, car il faut s’engager à mener de front l’engraissement de vingt-cinq porcs, ce qui implique une installation et un capital d’achat de vingt-cinq porcelets et de la nourriture. Aussi, le lapin continue et continuera à fournir son contingent de carcasses demandées à un cours toujours normalement élevé et justifié.

La pénurie de nourritures (grains, sous-produits de mouture et industriels étant réservés aux volailles) a limité, au cours de ces derniers mois, la production des lapereaux ; au point que le marché des sujets d’élevage, autrefois si largement approvisionné, était devenu inexistant. Votre intérêt, conforme à l’intérêt général, est de modifier cet état de fait, afin d’être en mesure d’avoir des bêtes à livrer pour la période des vacances et tout l’hiver prochain.

Herbes, fourrages verts (dont la culture vous a été conseillée dans l’article « Pour nourrir vos animaux », Chasseur Français, numéro d’avril-mai 1948) et les surplus du jardin vont vous permettre de vous assurer des approvisionnements alimentaires pour le clapier, qui iront en s’amplifiant jusqu’à l’automne prochain et constitueront également des provisions d’hiver. Tirez également grand profit de tous les rameaux feuillus d’arbres et d’arbrisseaux, en particulier des branchages de saules et de peupliers, que vos lapins décortiqueront avec profit jusqu’à l’aubier.

Semez toujours, dans la moindre parcelle libre, et dans toutes régions, maïs fourrage et tournesol (grand soleil). En deux mois, ce dernier vous fournit un fourrage à consommer en vert, plus riche en protéine que la luzerne, que vos lapins mangeront avec avidité sans en laisser une miette. C’est une nourriture lactogène, qui permet aux lapines de bien nourrir leurs lapereaux et qui est également engraissante pour ces derniers, que cette nourriture met bien en chair.

De telle sorte que, si vous avez un carré de luzerne, de sainfoin ou de trèfle, réservez-en les coupes en fourrage sec pour l’hiver. Faites d’ailleurs de même pour l’ortie, laquelle est de premier ordre. Naturellement, ne négligez pas la nourriture fraîche pour l’hiver, que les choux fourragers, quintal d’Alsace et quintal d’Auvergne, vous fourniront en masse, en plus des racines que vous avez semées.

La condition nourriture, qui est essentielle, étant remplie, comment allez-vous orienter, diriger, conduire votre élevage de lapins ? Disposez-vous des souches d’une ou de plusieurs de ces races qualifiées : les précoces petits Russes, qui vous donnent en quatre mois des lapereaux dodus ; ou d’une race moyenne : Fauve de Bourgogne, Blanc de Vendée, Gros Normand ; ou d’une race géante : Géant des Flandres, Géant du Bouscat, Papillon français ? Élevez-les en race pure, si votre but est de vendre des sujets d’élevage. Et même conservez-les toujours ainsi pour la spéculation suivante.

Par contre, si vous voulez faire du lapin de consommation, n’hésitez pas, faites du croisement à première génération. Ayez deux souches constamment pures pour faire des sujets d’élevage, et deux autres souches pour faire des croisés, ces derniers étant tous destinés à la casserole. Accouplez dans ce but, par exemple, Gros Normand avec Géant des Flandres ; vous constaterez les résultats, comme je les ai constatés six années durant ; ou bien Papillon français ou Géant du Bouscat avec Blanc de Vendée ou Fauve de Bourgogne. Eh oui ! ce seront des sangs mêlés, mais des sangs combien activés, et des pelages parfois invraisemblables ; mais c’est le poids de viande abondante et vite venue qui compte dans ce cas !

Pour le lapin de boucherie, il n’est plus question de races pures, de lignées sélectionnées, ni de souches renommées, mais de reproducteurs prolifiques et précoces qui vous assurent des portées vite venues. L’alliance de deux sangs éloignés à première génération vous donne toujours des résultats remarquablement précoces, des sujets bien venants, résultat du choc amplificateur. Aussi bien dans le règne végétal que dans le règne animal.

Voulez-vous, au contraire, faire des sujets d’élevage ? Notez que les deux spécialisations peuvent être menées de front. Limitez-vous de une à trois races qualifiées. N’en ayez pas davantage pour les mieux connaître, observer et sélectionner. Faîtes naître normalement et largement. Vous aurez le placement des sujets qualifiés au sevrage et plus âgés à bon prix. Car, pour quelque temps, la demande va surclasser l’offre. Il s’agit là de lapins à deux fins, chair et fourrure. Attendez encore pour les lapins à fourrure rare, Castorrex et Rex (en tenant compte de nos précédents conseils, qui s’avèrent de plus en plus motivés).

Dans chaque cas, ne faites que du surchoix, parce que, dans un temps donné, les acheteurs deviendront plus difficiles, au fur et à mesure que l’offre s’égalisera avec la demande et la surpassera. Ce n’est pas encore pour demain, mais votre réputation acquise s’affirmera et vous en bénéficierez ... largement !

Claude AXEL.

Le Chasseur Français N°620 Juin 1948 Page 131