Cette technique de production intensive, connue depuis un an
environ par le monde apicole, a été créée et mise au point par le R. P. Dugat,
auquel nous devons savoir gré d’avoir divulgué sa découverte dans une brochure,
dont la diffusion prouve le succès de cette méthode, que beaucoup d’apiculteurs
trouvent révolutionnaire. Nous donnerons, dans cet article, un résumé succinct
de la technique du gratte-ciel.
Au printemps, plusieurs colonies, gardant chacune leur
reine, sont superposées, séparées par des grilles à reines et nourries. Le
couvain est dédoublé pour permettre une ponte libre. Orphelinage dès la
miellée, ce qui libère les abeilles pour la récolte. Remérage au bout d’un
mois, vers la fin de la récolte.
Les colonies étant superposées, on profite des avantages
suivants : le développement du couvain est très rapide grâce à une
température régulière à l’intérieur ; il est proportionnel au nombre de
colonies superposées, les plus hautes ayant un couvain à accroissement plus
rapide.
Les essaims se rendent service mutuellement.
L’orphelinage oblige les essaims à ne s’occuper de la
reconstitution que d’un seul nid à couvain, d’où peu de pollen ramassé.
Il met les abeilles dans les mêmes conditions que dans
l’essaimage naturel, en profitant des avantages de l’arrêt de la ponte, tout en
évitant les inconvénients de la perte de butineuses.
Les jeunes abeilles, destinées à l’élevage du couvain, sont
libérées et deviennent butineuses plus tôt ; ce qui, avec la fusion des
colonies, donne une masse imposante de butineuses qui n’ont qu’un seul
but : la récolte.
Aussi ne faut-il pas s’étonner des résultats extraordinaires
que certains ont obtenu avec cette méthode : 300 kilogrammes de miel avec
un gratte-ciel de quatre reines.
D’après les principes exposés dans la brochure du P. Dugat,
le rendement en miel des colonies superposées s’obtient en multipliant par deux
le nombre de reines du gratte-ciel.
Ainsi un gratte-ciel de trois reines rapporte 3 X 2 =
six fois plus que trois ruches séparées ne produisent ensemble.
Exemple concret : trois ruches ordinaires donnent 10 kilogrammes
chacune, ce qui fait 30 kilogrammes. Pour la même période, le gratte-ciel
à trois reines rapportera 30 x 6 = 180 kilogrammes.
Il est bon de ne pas dépasser le nombre de quatre reines par
gratte-ciel pour ne pas trop compliquer les opérations.
Évidemment, la proportion ci-dessus n’est pas toujours
mathématiquement réalisée, certains obstacles pouvant survenir : accidents
de reines, pluies persistantes, froid prolongé. De toute façon, le rendement du
gratte-ciel ne peut se comparer avec celui des ruches ordinaires.
Selon le but envisagé, cette méthode permet les trois
opérations apicoles suivantes : récolte du miel, essaimage artificiel,
élevage de reines. Inutile de dire qu’il est nécessaire d’avoir un matériel
interchangeable : corps de ruches, cadres ...
L’inventeur de la méthode, le R. P. Dugat, a mis
au point une ruche, la Dugat-standard, qui facilite beaucoup les opérations. En
particulier, elle évite la recherche des reines, point délicat pour certains.
Voici, en résumé, les opérations à effectuer pour la
production du miel avec un gratte-ciel en supposant une miellée unique en mai-juin.
Marquer les reines au début de la saison, en mars.
1°15 mars. — À la floraison des arbres
fruitiers, superposer les ruches, mettre une grille à reine entre chaque corps.
Asperger chaque colonie avec un sirop parfumé pour faciliter les réunions.
Stimuler la ponte avec du sirop.
2° 15 avril. — Un mois après la réunion, enlever
les cadres, sauf cinq de couvain qu’on laisse avec la reine respective. Bloquer
les autres cadres de couvain dans d’autres corps en mettant dix ou onze cadres
dans chacun.
Pour un gratte-ciel de deux reines, on aura donc un corps de
dix cadres de couvain sans reine, deux corps de cinq cadres de couvain et
cadres vides avec reine. Mettre le corps sans reine entre ceux qui en ont une.
3° 25 avril. — Quinze jours avant la miellée,
enlever les reines dont on peut faire des essaims artificiels. Bloquer ensemble
le couvain mûr et ensemble le couvain frais ou demi-operculé.
Placer le couvain frais sur le dessus, enlever les grilles à
reines.
4° 4 mai. — Dix jours après, détruire ou
utiliser les cellules royales sans en oublier une seule, intercaler des hausses
vides. Mettre en plafond sur le dernier corps un cadre de couvain frais pris
ailleurs, le poser sur cales.
5° 14 mai. — Dix jours après la suppression des
cellules, enlever le cadre de couvain ; le remplacer par un autre de
couvain frais.
6° 24 mai. — Au bout d’un mois d’orphelinage,
remérer avec une reine et son nucleus. Enlever le cadre de cellules
royales.
7° 10 juin. — Quinze jours après, soit vers la
fin de la miellée, mettre les autres reines et leurs nuclei respectifs.
Bien entendu, suivant les régions, il faut avancer ou
retarder le début des opérations. Le point de départ est la floraison des
arbres fruitiers.
Celui qui voit un gratte-ciel pour la première fois est
frappé par l’impression de force qui s’en dégage. Il est vrai qu’avec quatre
reines, par exemple, on aborde la miellée avec un contingent de 600.000
butineuses environ. C’est un flot ininterrompu d’allées et venues. On a
l’impression d’une véritable usine à miel.
Il est évident que, pour pratiquer cette méthode, il faut
avoir l’habitude des abeilles. Nous conseillons de débuter avec un gratte-ciel
à deux reines seulement pour se faire la main.
Ayez le courage d’essayer en suivant strictement les données
ci-dessus ; le succès viendra sûrement couronner vos efforts.
Si, par hasard, vous n’obteniez pas la première fois les
résultats escomptés, faites votre profit des erreurs commises ; il n’est
rien comme l’expérience personnelle pour progresser en toutes choses.
Le succès appartient aux audacieux et aux persévérants, non
à ceux qui se complaisent dans la routine.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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