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Entretien des armes de chasse

Normalement, l’usure des armes de chasse doit être très peu importante, et les détériorations diverses que l’on constate après quelques années d’usage sont principalement imputables au défaut d’entretien de la part des chasseurs. Nous croyons utile de donner aujourd’hui à nos lecteurs quelques précisions sur les conditions dans lesquelles se produisent certaines actions nocives et nous espérons qu’ils pourront en faire leur profit en accordant quelque crédit à nos conseils d’entretien.

Examinons en premier lieu les causes de détérioration des canons par encrassement ; nous reconnaîtrons facilement que ledit encrassement provient des produits de combustion de l’amorce, de ceux de la poudre, des résidus des balles ou de la grenaille et enfin de l’action de l’humidité atmosphérique qui se superpose aux causes précédentes.

Et nous pouvons, de tout ceci, tracer le schéma ci-après :

Les produits de combustion de l’amorce donnent
de l’oxyde d’antimoine, du chlorure de potassium, de l’acide sulfureux
dont l’effet et de favoriser l’oxydation et qui doivent être enlevéspar voie humide, et neutralisés.
de la poudre donnent
des matières solides, des résidus alcalins, des gaz acides
Les résidus de plomb provenant des balles ou de la grenaille donnent un encrassement métallique qui doit être enlevé par frottement.
L’humidité atmosphérique se superpose
et active les actions chimiques précédentes.

En conséquence, un nettoyage à fond d’un canon de fusil doit toujours comporter un traitement humide pour enlever les résidus solubles dans l’eau et un graissage sérieux avec une huile alcaline afin d’éliminer de l’intérieur des canons toute trace d’acide susceptible de favoriser l’éclosion de la rouille.

Nous allons étudier plus spécialement maintenant l’encrassement métallique produit par les projectiles.

Ce genre d’encrassement est à peu près négligeable en ce qui concerne les canons à âme lisse.

Il n’en est pas de même, par contre, en ce qui concerne les canons rayés, et notamment ceux des carabines de tir.

Dans ces armes, l’encrassement métallique laissé par les balles est de beaucoup le plus ennuyeux, car la précision du tir en est tout particulièrement affectée.

L’encrassement métallique ne peut être enlevé par un simple nettoyage avec un chiffon gras, mais seulement à l’aide d’un diluant ou, de préférence, d’une matière suffisamment abrasive pour enlever les résidus de métaux non ferreux laissés par les projectiles, mais insuffisamment dure pour rayer ou user l’acier du canon.

Il convient, pour terminer, d’examiner l’action de l’humidité.

Chacun sait que les métaux ferreux, exposés à l’atmosphère, se rouillent, à moins qu’ils ne soient protégés par une couche isolatrice.

Il est généralement connu que le fer et l’acier poli, exposés à l’air sec, conservent leurs surfaces brillantes ; l’humidité est nécessaire pour les faire rouiller, mais, même lorsqu’elle existe, il ne se produit pas d’oxydation si une couche protectrice passée sur les parties polies contient des substances qui empêchent l’action de l’eau.

La rouille du fer et de l’acier en atmosphère humide est favorisée par l’acide carbonique de l’air, par les vapeurs salines de l’air marin, et surtout par le séjour de l’humidité sous les dépôts de crasse non enlevés.

Pour éviter ces inconvénients, il est indispensable de tenir l’intérieur d’un canon toujours parfaitement propre et soigneusement graissé avec un produit huileux couvrant bien toute la surface et empêchant le contact de l’air avec le métal.

En possession de ces divers éléments analytiques, nous pouvons maintenant formuler comme suit les meilleures méthodes de nettoyage et d’entretien des armes portatives.

Canons lisses.

1° Passer à l’intérieur un chiffon de flanelle humidifié avec une eau savonneuse et le faire aller et venir avec la baguette de manière à dissoudre et faire disparaître les résidus solubles dans l’eau.
Recommencer l’opération avec un deuxième chiffon humide si le canon est fortement encrassé. Jeter ces chiffons après usage ou, tout au moins, ne pas les faire resservir sans les avoir soigneusement lavés.

2° Gratter vigoureusement l’intérieur des canons, y compris les chambres et les chokes, avec un gratte-culasse en fil d’acier ou avec un écouvillon en fil de laiton, cela afin de détacher les résidus non solubles dans l’eau.

3° Passer un chiffon imbibé d’un produit anticorrosif spécial, composé de sayon alcalin, de diluants complexes et de produits chimiques réducteurs.

4° Essuyer l’intérieur du canon avec un chiffon sec que l’on jette après usage.

5° Graisser à l’huile et non à la graisse, à l’aide d’un écouvillon en laine qui ne doit servir que pour cette opération.

Nous insistons tout particulièrement sur l’importance du changement de chiffon lors du quatrième essuyage, après grattage du canon, et sur le graissage avec un écouvillon en laine ne servant qu’à cette opération.

Dans le cas contraire, les résidus de poudre que l’on vient d’enlever et qui sont collés après le chiffon risquent d’être déposés à nouveau sur les parois intérieures du canon, et le graissage qui intervient ensuite ne suffit pas le plus souvent à en paralyser l’action nocive.

Il en résulte qu’un canon que l’on croit avoir parfaitement nettoyé et graissé s’oxyde néanmoins.

Nous conseillons, pour le graissage intérieur des canons, l’emploi d’une huile neutralisante assurant chimiquement au métal une certaine passivité à l’oxydation de préférence à la graisse qui, du fait de sa consistance, ne permet pas une lubrification parfaite de toute la surface à graisser. Au contraire, l’huile, en raison de sa fluidité, ne laisse aucune place sans film, empêchant ainsi l’air humide d’entrer en contact avec l’acier.

En procédant comme nous venons de l’indiquer, on a toutes les chances d’avoir un canon parfaitement nettoyé et huilé.

Cependant, si l’on doit laisser l’arme longtemps en repos, il est indispensable de vérifier de temps à autre si l’intérieur des canons est toujours en bon état, afin de parfaire s’il y a lieu le premier nettoyage qui, malgré toutes les précautions prises, n’aurait pas été suffisamment efficace.

Se rappeler que toute tache est le commencement d’une oxydation qu’il faut absolument faire disparaître si l’on ne veut pas la laisser s’aggraver.

Dans notre prochaine causerie, nous parlerons de l’entretien du canon rayé, ainsi que du mécanisme et des pièces extérieures.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 145