Aucun pêcheur n’ignore les difficultés rencontrées, en été,
par eaux basses et claires, pour capturer le poisson à l’aide des moyens
habituels, et notamment par la pêche au coup.
Il existe une méthode, d’invention britannique, qui tourne
ladite difficulté et procure souvent de nombreuses prises de poissons
blancs ; elle a été dénommée « méthode de Sheffield », en raison
de sa patrie d’origine. Exposons-la de notre mieux, car de nombreux confrères
sont susceptibles de l’adopter, comme plus sportive que la classique pêche à la
coulée.
Cette méthode est basée sur l’observation suivante :
dans les eaux calmes ou très peu courantes, le poisson — le petit surtout
— est autant attiré, sinon davantage, par les amorces descendant
verticalement dans l’eau que par celles qui roulent horizontalement sur le fond
d’amont en aval. Ce fait, qui comporte d’assez nombreuses exceptions, est
applicable, en été, aux parties calmes des rivières, aux canaux, aux étangs,
etc., et à des poissons aussi divers que l’ablette, le gardon, le rotengle, le
petit chevesne, la petite brème, parfois le hotu et le petit barbillon, quand
l’esche arrive à frôler le fond.
Pêcher fin et loin, tel est le secret du succès dans ces
eaux-là et à ce moment de l’année.
Pour y arriver, il est préférable de se monter de façon
spéciale, plus adéquate que l’équipement habituel de la pêche au coup. C’est
dans ce but que je préconise une canne légère, d’environ 3m,20 de
longueur, en trois brins de 1m,11 et du poids de 290 grammes.
Elle est un peu moins flexible que les cannes à mouches,
composée qu’elle est de deux premiers brins en riz et d’un scion en bois de
lance, mais elle peut aisément se manœuvrer d’une seule main placée vers le
porte-moulinet, sur la poignée en frêne verni.
Le moulinet doit être très sensible ; un
bi-multiplicateur, qui récupère rapidement la ligne, est à recommander.
Le corps de ligne est en soie vernie très fine, suivi d’un
bas de ligne en queue de rat long de 1m,80, allant de 2 x à 4
ou 5 x. L’hameçon est, en général, petit, du no 12 à 14,
selon l’esche employée.
On ajoute presque toujours un tout petit flotteur en plume
de couleur sombre et, à 0m,30 au-dessus de l’hameçon, un unique
petit plomb de chasse qui suffit à entraîner lentement l’esche entre deux eaux.
Cette esche sera, suivant le cas, un bel asticot, un cherfaix, un grain de blé,
d’orge, d’avoine, un petit fragment de croûte, ou de mie de pain, une petite
boulette de pâte, etc. La longueur du bas de ligne excède un peu la hauteur du
fond.
Examinons maintenant l’action de pêche. Tout étant réglé et
les racines assez trempées pour ne pas casser dès la première touche, le
pêcheur s’approche sans bruit du bord et s’apprête à lancer, en commençant à ne
déployer qu’un fil égal à la longueur de la canne.
Préalablement à ce premier jet, qui a beaucoup d’analogie
avec celui de la mouche artificielle, mais exécuté avec plus de douceur, il
lance devant lui, un peu au large, une boulette d’amorce fluide qui doit se
déliter immédiatement au contact de l’eau et y produire un nuage ; c’est
pourquoi les amorces déjà indiquées seront mêlées avec du son et de la
chapelure.
Il est essentiel que les amorces humidifiées donnent
naissance à ce nuage qui descendra lentement dans l’eau.
Sans attendre plus longtemps, le pêcheur exécute son premier
jet au milieu même dudit nuage, afin que son esche descende en même temps que
les amorces et se confonde avec elles. Attirés ainsi, les poissons remontent du
fond et gobent les amorces à qui mieux mieux, se gardant bien d’oublier l’esche
qui garnit l’hameçon, car elle leur paraît de toutes la plus enviable. Ils se
précipitent donc sur elle et le plus leste s’en empare, le petit flotteur
s’enfonce ou glisse vivement en surface, et le pêcheur ferre, accrochant
l’assaillant d’un léger coup de poignet.
Les premiers jets sont forcément assez courts, aussi les
boulettes d’amorce ne seront pas, dès l’abord, lancées trop au large. Mais il
est facile d’y remédier par la suite en tirant de la main gauche un mètre
environ de soie du moulinet, qui sera laissée flottante entre celui-ci et le
premier anneau. L’élan donné par le lancer suivant entraînera ce surplus de
soie et, à chaque nouveau jet, l’esche ira de plus en plus loin, en même temps
que la boulette d’amorce sera projetée plus au large. On arrivera ainsi à
pêcher assez loin du bord pour ne pas éveiller la méfiance du poisson.
La difficulté — et elle n’est pas insurmontable
— est celle du ferrage. L’opérateur devra donc s’appliquer à toujours
tenir son fil modérément tendu. Pas assez, le ferrage arriverait en
retard ; trop, il ferait remonter l’esche de façon anormale ; il faut
savoir garder un juste milieu.
Cette méthode sportive se pratique en général de façon
active en descendant le plus souvent la rivière ; certains pêcheurs,
cependant, s’immobilisent sur une place poissonneuse et pêchent devant eux,
assis sur un pliant ou un panier-siège.
Je n’ai pas besoin d’ajouter que le mode actif donnera
presque toujours les meilleurs résultats, j’en ai eu maintes fois la
preuve : experto crede Roberto, c’est, le cas de le dire.
R. PORTIER.
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