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Automobile

Signes de décrépitude

Beaucoup d’automobilistes soignent leurs autos avec des attentions toutes maternelles, la bichonnent, l’entretiennent, tressaillent à la moindre alerte, ne vivent plus au moindre bruit suspect, l’auscultent et appellent le technicien, nous allions dire le médecin, dès qu’ils estiment que quelque chose d’anormal se passe. Comme le matériel humain, la mécanique automobile connaît la prime jeunesse, l’adolescence, l’âge mûr et la vieillesse, signe avant-coureur de la décrépitude. Pour aujourd’hui, nous-allons dire quelques mots sur cette dernière période de l’existence, période, hélas ! où sont arrivés la plupart des véhicules actuellement en circulation. Notre parc automobile s’use vite, et peu d’unités assurent la relève ; il suffit d’observer le nombre de plus en plus grand de véhicules qui sont arrêtés, à bout de souffle, le dimanche, le long des routes.

Un moteur manifeste sa fatigue par des signes qui ne trompent guère : consommation d’huile exagérée, jointe, souvent, à une consommation excessive d’essence. Le moteur devient bruyant : bruit de chaîne de distribution, de claquement bien caractéristique, de pistons ou d’axes de pistons. Le moteur fume, les départs, surtout à chaud, deviennent laborieux. Les compressions se meurent tout en devenant inégales. La température de l’eau de refroidissement s’élève de plusieurs degrés et entre même en ébullition à la moindre côte ou à la plus modeste pointe de vitesse. Il faut faire appel de plus en plus souvent à une vitesse inférieure. Certes, une intervention chirurgicale peut remettre le malade sur pied. Un rodage de soupapes, par exemple, est la plus classique. Le premier rodage redonnera la vie au moteur pour une dizaine de milliers de kilomètres, mais bientôt ces rodages deviendront plus fréquents ; 5.000 kilomètres, puis 2.500. On complétera une de ces réparations par l’échange des segments de pistons. On fera appel aux segments spéciaux en acier qui redonneront momentanément de la compression au moteur, tout en évitant les fâcheuses remontées d’huile. Mais bientôt l’usure des parois des cylindres s’accentuera, et la grande révision deviendra indispensable. La vie normale d’un moteur moderne oscille de 70.000 à 100.000 kilomètres, suivant qu’il aura été plus ou moins maltraité. Le premier rodage de soupapes deviendra nécessaire vers le 50.000kilomètre. Avec la mauvaise essence actuelle, que nous distribue si chichement la répartition, les premiers symptômes d’une marche défectueuse se feront souvent sentir plus tôt.

L’élévation de température due à l’encrassement interne entraîne des conséquences fâcheuses : consommation d’huile surtout. Quand on coupe l’allumage, le moteur rallume et tourne quelques tours saccadés par auto-allumage. Les bougies claquent plus souvent. À la révision générale, le réalésage des cylindres ou l’échange des chemises d’acier dans les moteurs à chemises amovibles (traction avant Citroën) interviendra. Ceci entraînera le montage de pistons et de segments neufs. L’opération, dès lors, deviendra onéreuse. Il faudra roder les soupapes et changer la plupart des soupapes d’échappement, toujours plus vulnérables. La chaîne sera souvent distendue : pas de réparation, mais l’échange pur et simple. On profitera que le moteur a le ventre ouvert pour faire disparaître le jeu des coussinets de bielles sur les portées du vilebrequin. Parfois même le mal sera profond, et un régulage devra intervenir, entraînant une rectification complète de l’arbre, suivie d’un réalésage de la ligne d’arbre. On vérifiera tous les autres organes présentant une usure anormale : pompe à huile, bagues d’arbre à cames et son dispositif d’entraînement, pompe à eau, pompe à essence, arbre des culbuteurs, etc. Chemin faisant, il est bon de signaler qu’on aura toujours intérêt à faire appel aux pièces de rechange d’origine de préférence aux pièces dites adaptables. Si le prix en est un peu plus élevé, la sécurité, par contre, sera plus grande, surtout avec les pièces supportant un travail intensif : pistons, chemises de cylindres, soupapes, chaîne, etc. Le coût actuel d’une révision d’un moteur moyen et de grande série oscille autour de 25.000 francs. L’échange standard, plus rapide et présentant aussi plus de garantie — la révision étant effectuée par des spécialistes ou le constructeur lui-même —dépasse ce prix de 50 p. 100 pour le moins.

Tout étant remis en état, il sera indispensable de prendre les mêmes précautions au rodage que pour un moteur neuf.

Mais il ne suffira pas de se limiter au moteur si l’on veut rouler tranquille pendant longtemps. La boîte de vitesses, qui est d’un naturel robuste, ne nécessitera qu’un examen rapide. Elle sera quelquefois bruyante en dehors de la prise directe. Les roulements à billes seront à incriminer souvent dans ce cas.

L’embrayage, par contre sera démonté, et on profitera de la circonstance pour, à la première usure, faire l’échange du disque unique généralement employé sur nos voitures modernes.

Dans le cas des tractions arrière, on jettera un coup d’œil sur le couple conique. On vérifiera son réglage. Avec les tractions avant, les cardans connaissent rarement une longévité supérieure à 100.000 kilomètres. Les jeux s’accroissent en donnant des à-coups dans les reprises ou la marche à vitesse réduite. De plus, dans les virages, surtout dans les côtes, ils émettent des plaintes fort désagréables. Dans ce cas, échange standard.

Laissons de côté la partie électrique : dynamo, démarreur, bobine, delco. Ceux-ci auront certainement déjà fait parler d’eux, et l’on connaîtra leur état au moment de la révision générale. Côté refroidissement, un nettoyage complet de la circulation d’eau s’avérera utile. Les radiateurs modernes sont souvent construits avec un faisceau de tubes, à section ovale, par trop faible entraînant un entartrage rapide, surtout dans les régions où l’eau est calcaire. Un lessivage sera suffisant dans beaucoup de cas ; dans d’autres, il faudra dessouder les réservoirs supérieur et inférieur, et « tringler » les tubes.

En inspectant les roues, on constatera souvent un jeu anormal aux bagues des fusées ou aux roulements à billes des roues avant et arrière. Chemin faisant, on sera appelé à faire l’échange des garnitures de freins ainsi qu’à vérifier attentivement les commandes de freins ; canalisations et corps de pompes avec les hydrauliques, palonnier et servo-freins avec les commandes mécaniques.

La carrosserie elle-même serait jalouse des soins attentifs que vous avez apportés à la mécanique, si vous ne pensiez pas à elle. Les amortisseurs demanderont une intervention, soit que les rondelles présentent de l’usure avec les amortisseurs à friction soit qu’une nouvelle recharge d’huile soit nécessaire avec les amortisseurs hydrauliques. De plus, les silent blocks d’attache au châssis seront certainement à changer.

La direction n’aura, sans doute, pas d’histoire, si ce n’est un réglage des rotules et des articulations. Tant mieux pour vous, car l’addition commencera à être respectable et vous aurez pas mal passé de temps à rechercher, ici et là, les pièces de rechange indispensables, dont certaines sont devenues, hélas ! introuvables.

Si vous ajoutez à tout cela un train de pneumatiques neufs, nous ne pourrons que vous plaindre. Vous constaterez qu’il eût été plus sage de ne rien entreprendre et qu’il eût été préférable d’acquérir un véhicule neuf. Mais cela est une autre histoire. Ce ne seront pas les nouveaux tarifs d’assurance que vous présentera votre agent qui vous mettront du baume dans le cœur. Ceux-ci atteignent des hauteurs qui vous donneront le vertige. L’automobile, si cela continue, sera bientôt un instrument de luxe autant qu’un yacht de 12 mètres.

G. AVANDO,

Ingénieur E. C. P.

N. B. — Un accident typographique a complètement dénaturé le sens d’une phrase de notre causerie du mois d’avril, à propos des procédés et accessoires propres à diminuer la consommation d’essence. Il fallait lire en effet : « Solex nous a présenté, au dernier Salon, son carburateur recommandé pour les surplus alliés. La Société des Carburateurs Rexa fait appel à une conception nouvelle qui assure une pulvérisation intense du carburant dans les plus bas régimes. »

G. A.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 167