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Au verger

Le bourgeon à fleurs

La formation du bourgeon à fleurs est la base fondamentale de toutes les tailles fructifères. Pour ces motifs, il est du plus grand intérêt de rechercher les causes qui président à cette constitution. Celles-ci établies apporteront la précision nécessaire aux nombreux procédés employés et permettront l’application rationnelle de la taille selon : le climat, le sol, la variété, pour obtenir une fructification rapide et soutenue.

Définition du bourgeon à bois et du bourgeon à fleurs.

— Le bourgeon à bois est une production placée le long des rameaux et à l’extrémité ; il est conique, appliqué contre le rameau supporté par un renflement plus ou moins gros ou coussinet. Ce bourgeon, en se développant, peut donner naissance à des rameaux :

    a. Entrenœud courts, lambourdes, dards, brindilles ;
    b. Entrenœuds longs, rameaux à bois, gourmands.

Le bourgeon à fleurs est arrondi, volumineux ; il contient à la fois des fleurs et des feuilles. Lors de son épanouissement, il renferme des fleurs et quelques feuilles. Il est facile de faire développer son axe à bois, en supprimant toutes les fleurs. Cette remarque est mise en application quand l’œil de taille d’un prolongement de branche charpentière est un bourgeon à fruits.

Cet exposé montre que la spécialisation de l’œil à bois et de l’œil à fleurs est bien déterminée. Envisagées au point de vue botanique, ces deux productions n’ont entre elles aucune différence spécifique. Ces deux termes désignent deux stades d’un même organe.

Pour le praticien, il est facile de discerner que le développement de chacun de ces deux organes n’est pas semblable ; une cause est intervenue pour donner à l’un de la vigueur et atténuer celle de l’autre.

Les stades d’évolution du bourgeon à fleurs chez les arbres à fruits à pépins.

— Un bourgeon qui va évoluer en production fruitière est toujours placé dans la partie moyenne ou inférieure du rameau ; il est de petite dimension, sa base est étroite ; au départ de la végétation, il débourre en retard sur les voisins, il reste court avec des entrenœuds très rapprochés, l’ensemble des feuilles forme une rosette, il se termine par un œil conique. À ce moment, une coupe microscopique indique que le tissu du liber a une épaisseur plus grande que celle du tissu ligneux. Or dans le tissu ligneux se trouve les vaisseaux qui conduisent l’eau puisée par les racines dans les feuilles (sève brute). Le liber renferme les vaisseaux plus petits où circule la sève élaborée formée dans les feuilles et se dirigeant dans toutes les parties du végétal : racines, branches, bourgeons, fruits.

La conclusion à tirer de ce qui précède est la suivante : les bourgeons à bois en voie de transformation reçoivent moins de sève brute. Il est facile de le vérifier en taillant le rameau directement au-dessus du bourgeon qui vient d’évoluer. Celui-ci, recevant plus de sève brute, va se transformer en production à bois (gourmand).

Effectuons la contre-épreuve sur un bourgeon à bois n’ayant pas le caractère de celui qui évolue ; il est possible de le faire entrer dans la vie d’une production fruitière en diminuant par une incision transversale, pratiquée à la base de l’œil, l’arrivée de la sève brute. Quelque temps après, ce bourgeon à bois prendra l’aspect d’une production fruitière en voie d’évolution.

Le bourgeon différencié (lambourde, dard, brindille), tel qu’il a été décrit, n’est pas encore apte à produire des fleurs, il faut qu’il passe par divers stades et change de forme. C’est ainsi qu’au départ de la végétation il s’allonge peu, les feuilles deviennent plus nombreuses et forment une rosette, l’allongement du rameau à entrenœuds courts s’arrête de bonne heure, le bourgeon terminal grossit, se renfle et prend les caractères du bourgeon à fleurs. La coupe de ce bourgeon vu avec un instrument grossissant nous indique que, sous les écailles de ce bourgeon transformé, se trouvent des fleurs et que le rameau a continué de s’accroître. Le liber a une épaisseur plus grande que celle du tissu ligneux ; le rameau a continué à évoluer parce qu’il a reçu plus de sève élaborée. Du reste, si, dans le courant de la végétation, on fait arriver une quantité plus grande de sève brute par un pincement court, il se serait transformé en rameau à bois à entrenœuds longs.

Les divers stades que le bourgeon à bois effectue pour devenir bourgeon à fruits, sont franchis dans un laps de temps variable suivant les variétés ; celles dites à gros bois, très fructifères, se transformeront dans le courant de l’année de leur formation, c’est-à-dire au bout d’un an ; d’autres, à bois menu, mettront deux à trois ans.

Stades d’évolution dans les arbres a fruits à noyaux.

— Dans toutes les espèces fruitières, les divers stades que revêt le bourgeon à bois pour devenir bourgeon floral ne sont pas aussi apparents que chez les arbres à fruits à pépins, et le temps passé dans chacun d’eux est souvent très abrégé, si bien.que nous ne les percevons pas, nous connaissons la première et la dernière forme. Ceci se passe chez les arbres à fruits à noyaux. Le bourgeon qui évolue arrive à l’état de bourgeon à fruits l’année même de sa formation. Les yeux qui se caractérisent ainsi sont toujours axillaires, jamais terminaux. Ordinairement, ce sont les deux yeux stipulaires qui se transforment à fleur, l’œil principal reste à bois (yeux doubles, triples). Dans cette essence, nous rencontrons les mêmes causes. Les deux yeux stipulaires se transforment à fleurs, l’œil principal reste à bois. Les yeux stipulaires étant à peine apparents, leur système vasculaire très réduit, la sève brute se raréfie.

Stades d’évolution de la vigne.

— Les bourgeons fructifères de la vigne ne se différencient pas des autres. Les grappes apparaissent sur le rameau de l’année ; mais on remarque que les yeux portés sur des sarments à mérithalles courts sont plus fructifères que ceux portés sur des mérithalles longs. Il est reconnu qu’au niveau des nœuds les vaisseaux subissent un rétrécissement marqué ; il en résulte que les nœuds sont des obstacles à la circulation de la sève brute.

Conséquences des résultats acquis.

— L’abondance de la sève brute qui circule dans tous les arbres dépend de la richesse du sol en eau. Donc l’évolution du bourgeon à bois en production fructifère est sous l’influence directe de la quantité d’eau que rencontreront les racines. De ce qui précède, on déduit que tous les facteurs qui diminueront l’arrivée de l’eau dans l’arbre favoriseront la mise à fruits.

E. DÉAUX.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 169