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Roses nouvelles

Cette année, le Concours international des roses nouvelles de Bagatelle, qui fonctionna le 8 juin, avait complètement repris sa physionomie d’avant guerre. Le jury, que présidait M. André Le Trocquer, comportait des délégués des États-Unis, Angleterre, Belgique, Espagne, Portugal, Suisse, etc. ...

Ce jury eut fort à faire, non seulement en raison des nombreuses variétés nouvelles de rosiers dont le jugement définitif allait être porté, de celles plus nombreuses encore qui étaient dans leur première année d’examen, et dont le résultat définitif sera porté en juin 1949, que des variétés de rosiers grimpants qui, eux, ne seront définitivement jugés qu’en 1950, puisqu’il leur faut trois années de stage.

D’ici là, la Commission administrative fonctionnera au cours de la succession de floraisons des rosiers (qui seront jugés en 1949), afin de déterminer des qualités d’ensemble et de parfum, déjà appréciées par le premier jugement, la vigueur, la résistance aux maladies, la tenue et la beauté du feuillage, jusqu’au début de juin 1949. Cet examen sérieux établit précisément les points de comportement, de résistance, de floribondité (générosité florale), etc., de chaque variété. Mais il s’intercale une part de chance. C’est ainsi que plusieurs races françaises très supérieures aux américaines, à part Allure, n’ont pas été certifiées parce que non épanouies le 8 juin, alors qu’elles étaient dans toute leur beauté du 11 au 13, lorsque je les ai revues.

Je vous avais fait prévoir l’année dernière qu’un hybride de thé grimpant à fleurs blanches serait vraisemblablement classé premier des variétés de sa catégorie (1). Cette appréciation a été confirmée cette année, puisque ce rosier a obtenu le premier certificat de Bagatelle, encore qu’il fût moins en beauté qu’en 1947, en raison des pluies.

Je vous fais également prévoir, comme pouvant être gagnant l’année prochaine, un hybride de thé dont les parents sont Pôle Nord et Neige Parfum. Cette variété est une très belle rose blanche à boutons très allongés, très parfumés et qui, si elle permet de vérifier les espoirs fondés sur elle, constituera une variété de rose à couper de tout premier ordre.

Deux médailles d’or sont destinées aux deux variétés de roses qui tiennent la tête par leurs qualités générales et spéciales, justifiées par le nombre de points obtenus. L’une de ces médailles est décernée à titre national, c’est-à-dire aux roses de création française, et la seconde est attribuée à titre international, aux roses de création étrangère.

La médaille d’or de Bagatelle à titre national a été décernée à la rose Madame Vincent Auriol (dont les parents sont Trylon X semis inédit, ce dernier classé premier en 1946, médaille d’or de Bagatelle, et nommé alors André Le Trocquer). Cette variété est excellente dans son ensemble, sa taille est d’environ 70 centimètres, feuillage vert brillant ; floraison très généreuse, boutons longs, pointus, fleur ocre cuivré à reflets roses, très grande, pleine et de bonne durée, au parfum modéré. Originateur : Berthe Caron.

La médaille d’or de Bagatelle à titre international a été gagnée par la rose Sufter’s Gold (Charlotte Armstrong X Signera P. Puricelli), variété américaine très vigoureuse, au port érigé, au beau feuillage vert normal, aux boutons allongés qui se colorent de rouge, à grandes fleurs larges, couleur jaune de Chine abricot, au centre relevé, aux pétales légèrement et élégamment enroulés et de bonne durée. Elle appartient à la série de roses dites à floraison discontinue, c’est-à-dire qu’elle fleurit très abondamment par séries, avec un arrêt entre chaque série. Originateur : H. C. Swim.

Le premier certificat de mérite a été emporté par la rose Voie Lactée (Reine des Neiges X Julien Potin), (qui surclassa le no 2215), confirmant notre prévision de 1947. C’est un rosier grimpant très vigoureux, au feuillage luisant vert foncé et abondamment généreux (florifère). Chacun de ses rameaux porte une rose solitaire, très double en coupe, d’un blanc pur, à reflets légèrement soufrés dans le cœur, très résistante au froid. Originateur : M. Robichon.

Le deuxième certificat de mérite a été obtenu par la rose Allure (Madame Pierre S. du Pont X Charlotte Armstrong), d’une vigueur modérée, au feuillage vert brillant ; floraison très généreuse, splendide bouton, fleur très grande, étoffée, pleine, de bonne durée, d’un beau rose-saumon orangé, à reflets cuivrés très lumineux, au parfum modéré. Originateur : H. C. Swim. L’effet produit par cette rose est très supérieur à celui dégagé par la rose Sutter’s Gold, infiniment plus décorative, parce que plus généreuse, de floraison continue. Elle a été surclassée par cette dernière, à laquelle elle apparaît nettement supérieure, en raison des notes obtenues au cours de la végétation de 1947.

Le troisième certificat a été gagné de justesse par Juno (Duquesa de Penaranda X Charlotte Armstrong), rosier vigoureux, au feuillage brillant, très florifère, rose rose assez intense au revers des pétales, rose doux prenant en dernier lieu la tonalité rose de Caroline Testout. Cinq à six roses françaises lui étaient supérieures, qui ont eu le tort de s’épanouir trois à cinq jours plus tard et qui étaient dans toute leur splendeur les samedi et dimanche 12 et 13 juin.

Comme tout est perfectible, des propositions ont été faites par plusieurs membres du jury, en vue des modifications à apporter au règlement :

1° M. Da Silva, délégué du Portugal, propose de tenir compte de la duplicature, c’est-à-dire du nombre de pétales des roses de chaque variété, au même titre que du nombre de roses. Dans les pays chauds comme l’Espagne, le Portugal, etc., ce caractère est important. Les roses demi-doubles durent peu et sont d’un moins bon effet que les doubles.

2° M. Chesnel, président des « Amis des roses », demande que chaque présentateur indique le porte-greffe sur lequel les variétés présentées sont greffées. Celui-ci influe, en effet, sur la vigueur première des rosiers. C’est ainsi qu’aux États-Unis on greffe surtout sur porte-greffes : Gloire des Rosomanes, sur plusieurs types de Multiflores, de semis et de boutures, ainsi que sur Rugosa qui assure une végétation homogène. En France, les rosiers sont greffés sur Églantiers (Rosa canina) et, dans le Midi de la France, sur Rosier des Indes (Rosa indica). Dans beaucoup de cas, la végétation du porte-greffe spécial des variétés étrangères influe sur la végétation pendant les deux années d’observation. Des essais vont d’ailleurs être faits en France de greffage sur les porte-greffes américains.

3° M. Albert Maumené a fait remarquer que, si, cette année, les deux médailles d’or ont été attribuées, il n’en avait pas été de même en 1947, et le même cas peut se renouveler. Le règlement prévoit, en effet, que, si une rose d’origine étrangère gagne un nombre de points supérieur à celui obtenu par une rose d’origine française, la médaille d’or à titre national n’est pas décernée. Cette clause défavorise et dévalorise nos roses françaises, surtout pour l’exportation. Il est, en effet, normal que, si la variété étrangère surclasse par le nombre de points la première variété française, la médaille d’or à titre national soit cependant attribuée à la variété de rose française qui obtient le nombre de points requis pour être classée à ce titre.

Sinon, nos roses françaises seraient nettement handicapées et dévalorisées, aussi bien pour leur réputation que pour leur diffusion à l’étranger. Il importe, en effet, que la réputation de nos roses françaises ne soit pas diminuée, le classement de celles-ci déterminant leur exportation. Jugez de l’importance d’un tel classement : la rose Madame Meilland, que les Américains ont nommée Peace (Paix), est actuellement la rose la plus populaire en Amérique. Elle rapporte à son créateur français une dizaine de millions de francs par an. Il y va donc non seulement de la renommée des roses françaises, mais aussi de leur valeur exportatrice.

A. DE BRETEUIL.

Voir Le Chasseur Français, no 615.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 172