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Œnologie

Amélioration des moûts

et des vins

Quand paraîtront ces lignes, on aura dans beaucoup de régions viticoles préparé cuves et tonneaux pour recevoir la vendange et le vin.

Le but de cette étude est d’attirer l’attention du viticulteur exploitant sur la façon de s’y prendre pour éviter les accidents dans la conservation de son vin.

Ce moyen est tout simplement le contrôle de la richesse du moût et du vin en certains éléments essentiels.

Nous savons par expérience que dans certaines petites et moyennes exploitations on n’ajoute rien au moût avant fermentation, sauf quelquefois le métabisulfite de potassium, dont on voit la réclame chez son fournisseur habituel.

Pourquoi ajouterait-on quelque chose à la vendange ? « On a toujours fait comme cela. »

Et, au printemps, on est tout étonné de constater (sauf lorsque les tonneaux sont entreposés dans des caves aérées et fraîches) que le vin est atteint de quelque maladie, le plus souvent la piqûre ou la tourne.

Dans la plupart des cas, il a manqué soit d’alcool, soit d’acidité, soit de tanin.

Mais, nous direz-vous, on ne parlait pas de cela autrefois et nos ancêtres ont toujours fait du bon vin.

Nous voulons bien le croire ; ce à quoi nous répondrons que lesdits ancêtres ne connaissaient pas les maladies cryptogamiques, les engrais chimiques, la motoculture, les plants sélectionnés, etc. ...

Il faut vivre avec son temps, notre viticulteur doit être à l’écoute de toutes les découvertes susceptibles d’améliorer ses produits et d’augmenter ses bénéfices.

Revenons au sujet qui nous occupe : quel matériel faut-il pour déterminer le futur degré alcoolique du moût et son acidité ?

    Une petite presse de ménage ;
    Un mustimètre ;
    Un calcimètre-acidimètre. C’est tout.

Ces appareils existent dans le commerce, sont d’une manipulation très facile et n’exigent pour leur emploi aucune connaissance spéciale.

DOSAGE DU SUCRE ET DU DEGRÉ ALCOOLIQUE PROBABLE.

— La table de calcul, qui est livrée avec le mustimètre, donne : la densité du moût, la quantité de sucre (glucose) par litre, la richesse alcoolique probable du vin fait, la quantité de sucre cristallisable à ajouter au moût pour augmenter le degré alcoolique, l’eau à ajouter pour diminuer ce degré.

Nous attirons tout de suite l’attention des vignerons sur ce fait que l’augmentation ou la diminution du degré alcoolique par addition de sucre ou d’eau n’est autorisée par la loi que si le vin est destiné seulement à la consommation familiale.

La teneur probable en alcool étant connue, nous déterminerons l’acidité du moût au moyen du troisième appareil : le calcimètre-acidimètre.

Nous devons à ce sujet faire remarquer que l’acidité d’un moût est sensiblement plus élevée que celle du vin résultant de sa fermentation. On considère que la première est plus élevée d’au moins un quart. Ainsi un moût titrant 8 grammes d’acidité par litre (exprimé par convention en acide sulfurique) donnera un vin ayant une acidité comprise entre 5,5 et 6,5 (moyenne 6).

Cette acidité du moût est variable avec les cépages, le sol, l’exposition, les conditions climatiques, etc. ... On admet qu’elle varie de 9 à 12 grammes par litre. Pour les vins jeunes, elle oscille entre 4,5 et 6 ; vins normaux s’entend.

Comment allons-nous nous servir des deux chiffres ainsi obtenus ?

En nous basant sur la règle suivante : en additionnant le titre alcoolique et l’acidité, le chiffre obtenu doit être supérieur au nombre 13 pour les vins faits.

Premier exemple : Degré alcoolique probable 8,0
Acidité du moût 7,0
Acidité du vin fait (celui du moût diminué du quart) 4,0
Total (8 + 4) 12,0

Le chiffre obtenu est trop faible ; comme nous ne pouvons pas changer le chiffre de l’alcool, il nous restera à augmenter celui de l’acidité.

Deuxième exemple : Degré alcoolique probable 9,3
Acidité probable du vin fait 4,5
Total 13,8

Le moût en question doit donner un vin en accord avec la règle somme alcool-acide.

Dans le premier exemple, nous devrons acidifier le moût. Nous avons plusieurs procédés à notre disposition. Le plus ancien, le plâtrage, est actuellement abandonné. On s’adresse aujourd’hui au phosphate bicalcique pur, ou encore au phosphate d’ammoniaque cristallisé pur.

On emploie par tonne de vendange : 175 à 300 grammes de phosphate bicalcique ou 500 à 1.000 grammes de phosphate d’ammoniaque. Enfin un procédé bien connu est celui du sulfitage de la vendange.

En ce qui concerne le troisième élément que nous avons cité au début de cette étude : le tanin, nous ne préconisons pas le dosage de celui-ci au vignoble, car le procédé est un peu délicat.

Pour éviter la casse, on aura soin d’ajouter à la vendange 30 à 35 grammes de tanin par 100 kilogrammes, pour les vins rouges, et 50 grammes si les raisins sont atteints de pourriture.

Pour les vins blancs, de 50 à 60 grammes par 100 kilogrammes de vendange.

Les tanins à l’alcool et ceux extraits des pépins sont les seuls à employer.

Dissoudre le tanin dans un peu de vin ou d’eau chaude et l’ajouter à la cuve.

Il est à remarquer que l’on a pu ajouter à un moût du tanin alors qu’il n’en avait pas besoin, on s’en aperçoit par le vin fait qui aura un goût « râpeux ». Il suffira alors de lui faire subir un collage d’autant plus important qu’il est plus « râpeux ».

Pour ceux qui posséderont le calcimètre-acidimètre, nous leur conseillons de faire faire le titre alcoolique du vin fait et de procéder eux-mêmes au dosage de l’acidité, pour bien vérifier si la règle somme alcool-acide est observée et si le total est bien supérieur au nombre 13.

Sinon ils ajouteraient de l’acide citrique. Mais la loi n’autorise pas l’emploi de ce produit à une dose supérieure à 50 grammes par hecto, ce qui correspond à une augmentation théorique d’acidité de 0,38 par litre (exprimée en acide sulfurique).

Ceux qui ne veulent pas exécuter ce petit contrôle eux-mêmes pourront s’adresser à leurs pharmaciens. Ces derniers, dans les pays vignobles, possèdent l’outillage nécessaire.

Nous nous excusons d’avoir eu à traiter un sujet un peu aride, mais nous avons cru bien faire en portant à la connaissance de ceux que cela peut intéresser, un moyen bien simple d’éviter des ennuis dans la conservation de leurs vins.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 175