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La production des canards

élevage simple et pratique

Beaucoup d’éleveurs, ne disposant que de quelques ares de terrain, me demandent comment ils doivent s’organiser pour l’élevage de quelques canards ; m’adressant à de petits éleveurs, je n’envisagerai donc que la production saisonnière simple, avec incubation et élevage naturels (mais ceux qui disposeraient d’une petite couveuse artificielle et d’une éleveuse pourront s’inspirer des mêmes directives ; ils auront, en plus, l’avantage de pouvoir faire incuber plus tôt). En outre, la plupart de mes correspondants se lamentent de ne pas posséder de pièce d’eau, de mare, de bassin, etc. ; qu’ils se rassurent : les baignades ne sont indispensables que pour les reproducteurs, en vue de procurer à ces derniers l’élément nécessaire à des accouplements féconds ; j’avance même que, pour des canetons d’engraissement, la libre jouissance d’une pièce d’eau est néfaste : ils dépensent ainsi inutilement, en des exercices prolongés, des calories qui seront, par une claustration relative, plus utilement transformées en viande et en graisse.

Comment allez-vous vous y prendre ? C’est une solution bien simple que je vous propose ; examinons tout d’abord la question du matériel d’élevage. Procurez-vous une caisse en bois d’une hauteur de 70 centimètres, ayant pour largeur et longueur respectives les dimensions de 1 mètre et de 50 centimètres ; le plafond, étanche, sera mobile ; le plancher, lisse et facilement nettoyable. Cette caisse sera prolongée par un petit parc-promenoir en grillage fin ; il aura 2 mètres de long sur 1 de large et 70 centimètres de haut ; les canards resteront dans ce parc jusqu’à leur sacrifice. Ainsi, pas de divagations inutiles, un contrôle constant et efficace ; et les chats, les éperviers, les bêtes puantes ne seront pas à craindre. Pour la distribution des pâtées, on utilisera des augettes pratiques, hygiéniques et d’une profondeur en rapport avec l’âge des sujets, afin d’éviter pertes et gaspillages. Pour la distribution de la boisson, et cela en vue de réduire au minimum une manutention fastidieuse, je vous conseille de vous procurer un abreuvoir syphoïde d’une quinzaine de litres pour vingt canards ; c’est un abreuvoir et non une baignoire qu’il vous faut ; et vous éviterez un détrempage excessif du sol. En résumé, il s’agit d’un matériel léger et pratique, qui permettra le transfert quotidien de ce petit parc sur un sol neuf ; on réalise ainsi des conditions d’hygiène parfaites et indispensables.

Et, ce parquet une fois établi, procurez-vous deux douzaines d’œufs ; qu’ils proviennent d’une bonne race apte à l’engraissement rapide (Rouen, Pékin), ou d’un croisement judicieux ayant fait ses preuves. Pour l’incubation, vous utiliserez deux poules couveuses ; et n’oubliez pas que l’incubation des œufs de cane nécessite certaines précautions et conditions particulières, entre autres une humidification suffisante ; si les géniteurs ont été bien nourris, l’incubation bien conduite, vous devez obtenir une vingtaine de canetons bien vigoureux. Dès l’éclosion, tous les jeunes sont réunis sous la même mère ; l’autre est renvoyée au poulailler.

L’alimentation devra être saine, abondante et ... économique. Les verdures (salades, choux et surtout orties), les produits dérivés de laiterie seront employés avec utilité et profit. Les rations, bien équilibrées, devront contenir une proportion convenable de matière azotée. Rationnellement nourris, vos canetons doivent être prêts pour la vente dès l’âge de huit à dix semaines, selon les races ; attendre, c’est perdre de l’argent : conduisez-les donc au marché sans retard. Bien organisé, ce petit élevage est rémunérateur. Je connais personnellement une garde-barrière du Limousin qui, sans gros travail supplémentaire, a élevé, l’an dernier, une quarantaine de canards en suivant les conditions ci-dessus décrites ; voici comment elle s’y prit : fin avril, mise en incubation des œufs, sous deux poules ; éclosion fin mai, vente fin juillet ; voici pour une première bande. Pour la seconde, elle s’organisa de la manière suivante : au début de juillet, elle remit deux douzaines d’œufs à couver, et, vers le 15 octobre, elle avait de nouveau des canetons bien en chair, dont la vente lui laissa un coquet bénéfice.

À vous d’en faire autant, car ce n’est pas là un conte de Perrette. Avec 120 mètres carrés environ de terrain, de préférence herbeux, vous pouvez agrémenter de temps en temps votre menu, tout en réalisant des ventes intéressantes. Avec de la réflexion et de l’organisation, on économise du temps et on gagne de l’argent : libre à vous d’en tenir compte et d’agir en conséquence.

Jean DE LA CHESNAYE.

Le Chasseur Français N°608 Août 1948 Page 178