En cas de décès de l’un des époux, sa succession ne comporte
que son patrimoine et n’englobe pas tous les biens du ménage. Le conjoint
survivant reprend sa part dans l’actif de cette société que les époux avaient
constituée par leur mariage.
La répartition des biens du ménage entre la succession du
défunt et le conjoint survivant varie suivant le régime matrimonial sous lequel
vivaient les époux.
Indépendamment de sa part dans les biens du ménage, le
conjoint survivant peut prétendre, suivant le cas, à tout ou partie de la
succession de son conjoint décédé.
Cette part peut varier suivant que le défunt a disposé ou
non de tout ou partie de ses biens.
1° Le défunt n’a pas disposé de ses biens.
Lorsque le défunt n’a pas disposé de ses biens, c’est-à-dire
n’a pas fait de testament ou de donation, la part de succession à laquelle le
conjoint survivant peut prétendre est déterminée d’après les règles édictées
par l’article 767 du Code civil.
Cet article envisage trois hypothèses :
1° Lorsque le défunt ne laisse ni parents au degré
successible, ni enfants naturels, les biens de sa succession appartiennent en
pleine propriété à son conjoint non divorcé ou contre lequel il n’existe pas de
jugement de séparation de corps.
2° Lorsque le défunt ne laisse comme héritiers que des
parents au degré successible dans l’une des deux lignes paternelle ou
maternelle, la part de la succession qui aurait été attribuée aux parents de
l’autre ligne est dévolue en pleine propriété au conjoint contre lequel il
n’existe pas de jugement de séparation de corps.
Dans le cas où le conjoint vient en concours avec le père ou
la mère du défunt, il ne peut lui être fait application de l’article 754
du Code civil qui prévoit que le père ou la mère survivant du défunt a droit à
l’usufruit du tiers des biens auxquels il ne succède pas en propriété.
3° Lorsque le défunt laisse des parents au degré successible
dans les deux lignes ou des enfants naturels, le conjoint survivant non divorcé
ou séparé de corps peut prétendre seulement à un droit d’usufruit.
La quotité de cet usufruit varie suivant la qualité des
héritiers avec lesquels il vient en concours à la succession.
Cette part est :
a. D’une part si le défunt laisse un ou plusieurs
enfants issus du mariage ;
b. D’une part d’enfant légitime le moins prenant,
sans qu’elle puisse excéder le quart, si le défunt a des enfants d’un précédent
lit ;
c. De moitié si le défunt laisse des enfants naturels
ou descendants légitimes des enfants naturels, des frères et sœurs, des
descendants de frères et sœurs ou des ascendants ;
d. De la totalité dans tous les autres cas, quels que
soient le nombre et la qualité des héritiers.
Pour effectuer ce calcul de l’usufruit du conjoint
survivant, on fait la masse de tous les biens existant au décès du de cujus
auxquels on réunit fictivement ceux dont il a pu disposer, soit par acte entre
vifs, soit par testament au profit de successibles sans dispense de rapport.
2° Le défunt a disposé de ses biens.
Lorsque l’époux décédé a disposé de tout ou partie de ses
biens, c’est-à-dire a fait un testament ou une donation, il a pu valablement
soit avantager dans une certaine mesure son conjoint survivant, soit, au
contraire, le désavantager et même le déshériter.
A. Le défunt a pu avantager son conjoint survivant.
— Pour apprécier dans quelle mesure il a pu le faire
valablement, il faut tenir compte de la qualité des héritiers que le défunt
laisse à son décès.
C’est qu’en effet il y a des héritiers auxquels le défunt
doit obligatoirement laisser une part minima d’héritage fixée par le Code civil
et que l’on appelle réserve.
Ces héritiers réservataires sont les descendants et les
ascendants.
Il ne faut donc pas qu’en voulant avantager son conjoint le
défunt ait porté atteinte à cette réserve.
1° Lorsque le défunt laisse des enfants ou autres
descendants, il peut disposer en faveur de l’autre époux d’un quart en pleine
propriété et d’un autre quart en usufruit, ou bien de la moitié de tous ses
biens en usufruit seulement.
2° Si le défunt a un ou plusieurs enfants d’un précédent
mariage, mais ne laisse pas d’enfants de son dernier mariage, il ne peut
disposer au profit de son conjoint en secondes noces que d’une part d’enfant
légitime le moins prenant sans qu’en aucun cas cette part puisse dépasser le
quart de ses biens en pleine propriété.
Pour effectuer ce calcul, on compte l’époux survivant comme
enfant. Ainsi dans le cas où le défunt laisserait quatre enfants, l’époux,
étant considéré comme un cinquième enfant, ne peut donc recevoir au maximum
qu’un cinquième de la succession en pleine propriété.
3° Lorsque le défunt n’a que des ascendants, il peut
disposer au profit de son conjoint : de la moitié de ses biens en pleine
propriété et de la moitié de ses biens en nue propriété s’il y a des ascendants
dans les lignes paternelle et maternelle ; des trois quarts de ses biens
en pleine propriété et d’un quart en nue propriété s’il n’y a d’ascendants que
dans la ligne paternelle ou maternelle.
4° Si le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants, il
peut disposer au profit de son conjoint de la totalité de ses biens en pleine
propriété.
B. Le défunt a pu désavantager son conjoint.
— Mais le défunt a pu, par testament, par donation au
profit d’une autre personne, désavantager son conjoint et lui enlever ainsi
tout ou partie de l’usufruit légal auquel il aurait pu prétendre sans cela.
Cette disposition est valable, car le conjoint n’est pas,
comme on vient de le voir, un héritier réservataire, c’est-à-dire un héritier à
qui l’époux décédé était tenu de laisser une quote-part.de ses biens.
L. CROUZATIER.
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