L’année dernière, à propos de la perche, nous avions parlé
d’un mode spécial à ce poisson, la pêche dite à la « branlette »,
très efficace quand on sait bien la pratiquer. Nous nous entretiendrons
aujourd’hui d’un autre genre de pêche, souvent confondu avec lui malgré les
différences qui l’en séparent. Alors que la première emploie un appât
vivant : ver de terre, asticot, cherfaix ou autre larve, la
« dandinette » est une pêche à l’appât artificiel.
Le plus souvent, le pêcheur se sert d’un petit lingot d’étain
pur, d’un blanc mat caractéristique, auquel a été donnée la forme d’un petit
poisson court et large, imitation de la feuille de carpe, d’un petit gardon ou
rotengle, ou encore de la bouvière, poisson infime fort prisé de la perche.
Ce leurre, au moment où il est coulé dans un moule adéquat,
est pourvu d’un hameçon emprisonné dans l’étain en fusion et dont la ou les
branches — selon qu’il est simple, double ou triple — se trouvent
placées en avant de la bouche.
La dimension ordinaire de ceux qu’on emploie pour la perche
varie de 4 à 6 centimètres de long, avec une largeur moitié moindre ;
ils pèsent habituellement de 10 à 12 grammes, mais il en existe de plus
gros pour pêcher le brochet.
D’autres modèles sont également en faveur, tels que des
palettes hexagonales brillantes, des poissons plats nickelés, et il existe même
des poissons miroirs munis de facettes de verre.
Le poisson d’étain est percé en queue d’un trou arrondi, au
pourtour soigneusement poli pour ne pas couper la florence à laquelle il est rattaché.
La canne destinée à cette pêche est de longueur moyenne (4 à
5 mètres), légère, mais assez rigide ; le scion est plutôt raide et
nerveux.
Le corps de ligne est fait de cordonnet, de lin ou coton
tressé de calibre moyen, très solide. Le bas de ligne, en florence « padron »
en « cat-gut » de même diamètre, a environ 1m,20 de
longueur.
Corps de ligne et florence ne dépassent pas la longueur de
la canne et souvent ne l’atteignent pas tout à fait. Le moulinet n’est que
rarement employé, malgré ses avantages évidents.
Le poisson, d’étain se manœuvre la tête en bas,
contrairement à ce qui a lieu pour les devons, cuillères, poissons de
bois ... etc.
Cette manœuvre n’offre pas de très grandes difficultés, mais
elle a néanmoins ses finesses, et c’est pourquoi les virtuoses de la
« dandinette » se comptent. Exposons-la de notre mieux à l’intention
des novices en notre art.
S’approchant du bord sans bruit, le pêcheur, d’un simple
lancé balancé, projette le poisson d’étain assez près de la rive, sans se
soucier du bruit de sa chute. Le petit « ploc ! » produit par
son contact avec la surface liquide attire la perche plutôt qu’il ne la fait
fuir.
On laisse ensuite descendre le leurre à proximité du fond,
puis, sans attendre plus longtemps, il est relevé par saccades assez brusques,
mais de peu d’amplitude (35 à 40 centimètres) après chacune desquelles on
le laisse redescendre. Ces saccades, vives au début, doivent être données du
poignet non du bras et presque aussitôt amorties de manière que le mouvement
conserve un certain moelleux. C’est là un coup assez difficile à bien exécuter
et qui ne s’apprend que par la pratique. Les relevés et abaissements
successifs, partant du fond, sont poursuivis à différents niveaux, en
remontant, mais sans atteindre complètement la surface.
Commencés tout près de la berge, ils se continuent en allant
de plus en plus au large, tant que le permet la longueur de la ligne.
Le bon pêcheur ne se contente pas des seuls relevés
verticaux du leurre ; il donne aussi à sa canne diverses inclinaisons qui
lui impriment une marche oblique et sinueuse, toute faite d’embardées en
zigzag. Parfois même, quand il passe tout près des gîtes à perches, il peut y
avoir intérêt à ce que le poisson d’étain suive une route se rapprochant de
l’horizontale avant de reprendre sa marche oblique.
Tout cela est plus aisé à exécuter qu’à décrire.
Ces diverses évolutions, quand elles sont conduites avec
habileté, dans des parties de rivière bien peuplées de perches, attirent
souvent de nombreux poissons. On peut les voir nager tout autour du leurre et
bientôt l’un d’entre eux l’attaquer, le prenant pour une proie vivante. Cette
attaque a lieu, le plus souvent, pendant un des retraits ; la ligne étant
alors tendue : l’accrochage se fait automatiquement.
Il arrive cependant qu’elle se produise pendant un relâché,
et ce n’est que lors de la tirée suivante que la touche est perçue. Quand le
leurre évolue au sein d’un groupe nombreux, il se peut que des perches se
fassent accrocher à tout autre endroit du corps que les lèvres. Cela arrive
surtout quand il est armé d’un hameçon à trois branches de forte taille, et
c’est là ce qui a fait prohiber cette pêche par certains arrêtés préfectoraux,
tandis qu’elle est permise ailleurs.
Nous ne saurions trop engager les membres des Sociétés de
pêcheurs opérant dans leurs lots amodiés à ne se servir que de leurres munis
d’hameçon simple. Ils agiront ainsi de façon plus sportive en ne capturant que
des poissons ayant réellement mordu.
Les captures de taille moyenne sont enlevées d’autorité, seules
les grosses perches, fort rares d’ailleurs, réclament le concours de
l’épuisette. Ce genre de pêche peut être parfois très productif quand on tombe
sur des rassemblements nombreux, mais il faut éviter que les captures ne se
décrochent, car les autres ne seraient pas longues à s’enfuir.
R. PORTIER.
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