Parmi les aliments du bétail, la mélasse tient une place de
choix par sa valeur énergétique due à sa richesse en sucre (45 à 50 p. 100
environ). Elle est tout particulièrement indiquée pour l’alimentation des
chevaux, au point que certains la considèrent comme un médicament destiné aux
bêtes fatiguées et surmenées qui ont besoin de repos et de rafraîchissement.
C’est une erreur de limiter ainsi son rôle, et elle donne d’excellents
résultats non seulement comme aliment des équidés, mais aussi des bovins, moutons,
porcs et même lapins.
Une autre erreur, dans l’alimentation des chevaux en
particulier, est de recourir à la mélasse en fin de saison, quand on n’a plus
d’avoine. Il est infiniment préférable de l’employer régulièrement en même
temps que l’avoine, dont on économise ainsi la ration journalière. De cette
façon, ces deux aliments aux propriétés bien différentes se complètent
harmonieusement, et on évite les inconvénients qui résultent toujours d’un
changement brusque et trop radical apporté à la nourriture.
Il n’est pas possible de l’employer telle qu’elle sort de la
sucrerie ou de la distillerie, car elle se présente sous forme d’un liquide
épais et gluant de forte densité : 1,5 environ ; pour la donner aux
animaux, il est nécessaire de la mélanger à un support : paille hachée,
son, marcs de pommes, écales d’avoine, radicelles d’orge, paillettes de lin,
cosses de minette, cosses de sarrasin, coques d’arachides, coques de cacao,
tourbe pulvérisée, etc. La proportion de mélasse peut se régler à volonté, sous
réserve que le support soit suffisamment absorbant pour retenir le liquide. On
arrive ainsi à des produits contenant 65, 70 et jusqu’à 80 p. 100 de
mélasse, ce qui correspond à 30-35 p. 100 de sucre. Mais il s’agit là de
préparation industrielle et, à la ferme, où l’installation est forcément plus
sommaire, on se contentera habituellement de fabriquer un produit à 50
p. 100 de mélasse, soit 22-25 p. 100 de sucre.
Divers procédés peuvent être utilisés. Le plus simple, celui
qui est généralement conseillé, consiste à diluer la mélasse dans l’eau
bouillante de façon à accroître sa fluidité. On la verse ensuite dans une cuve
contenant le support choisi, on brasse soigneusement et on retire le produit
obtenu à la pelle. Une variante consiste à disposer le support sur une aire de
grange, bétonnée si possible, et à verser dessus la mélasse diluée et
réchauffée. Après brassage de la masse, on met en sacs.
Si simples qu’ils paraissent, ces procédés présentent une
difficulté du fait de la manipulation d’eau bouillante, ce qui est un
inconvénient sérieux, mais surtout ils donnent un produit médiocre, pauvre en
sucre (la mélasse ayant été diluée), de composition incertaine, de mauvaise
conservation, et dont la mélasse coule à travers le sac. Aussi, nombreux sont
les cultivateurs qui ont renoncé à cette fabrication après l’avoir tentée,
séduits pas son apparente facilité.
Pour faire un travail convenable, il est nécessaire de
posséder un minimum d’installation. Pour être travaillée, la mélasse doit être
réchauffée, ce qui a pour effet de la rendre absolument fluide. Il faut donc
disposer d’une machine à vapeur. Ce point acquis, on choisira un bâtiment avec
un rez-de-chaussée et un étage. Au rez-de-chaussée, on disposera un bac muni
d’un serpentin de vapeur alimenté par la chaudière et dans lequel on vidangera
les fûts de mélasse. Une fois celle-ci suffisamment réchauffée, on la refoulera
à l’étage au moyen d’une pompe qui la déversera dans un bac muni également de
serpentins de vapeur où elle achèvera de se réchauffer. De là, elle s’écoulera
par gravité dans un tuyau perforé, qui la déversera en pluie au
rez-de-chaussée, dans un mélangeur qui aura reçu, d’autre part, sa ration du
produit support.
On dosera la mélasse en intercalant entre le bac réchauffeur
et le tuyau perforé un bac-jauge, et le support en pesant ou en mesurant la
quantité avant de le verser dans la trémie qui le conduira dans le mélangeur.
Sortant du mélangeur, l’aliment mélassé tombera sur une aire
bétonnée, puis sera ensaché. On peut même perfectionner l’installation en
disposant à la sortie du mélangeur un élévateur qui conduira le produit à une
bouche d’ensachage.
Par ce procédé, on aura obtenu un produit régulièrement
dosé, de bonne conservation et de valeur alimentaire certaine.
Il nécessite évidemment quelques frais.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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