Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°622 Octobre 1948  > Page 225 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Les aliments mélassés

Leur fabrication à la ferme.

Parmi les aliments du bétail, la mélasse tient une place de choix par sa valeur énergétique due à sa richesse en sucre (45 à 50 p. 100 environ). Elle est tout particulièrement indiquée pour l’alimentation des chevaux, au point que certains la considèrent comme un médicament destiné aux bêtes fatiguées et surmenées qui ont besoin de repos et de rafraîchissement. C’est une erreur de limiter ainsi son rôle, et elle donne d’excellents résultats non seulement comme aliment des équidés, mais aussi des bovins, moutons, porcs et même lapins.

Une autre erreur, dans l’alimentation des chevaux en particulier, est de recourir à la mélasse en fin de saison, quand on n’a plus d’avoine. Il est infiniment préférable de l’employer régulièrement en même temps que l’avoine, dont on économise ainsi la ration journalière. De cette façon, ces deux aliments aux propriétés bien différentes se complètent harmonieusement, et on évite les inconvénients qui résultent toujours d’un changement brusque et trop radical apporté à la nourriture.

Il n’est pas possible de l’employer telle qu’elle sort de la sucrerie ou de la distillerie, car elle se présente sous forme d’un liquide épais et gluant de forte densité : 1,5 environ ; pour la donner aux animaux, il est nécessaire de la mélanger à un support : paille hachée, son, marcs de pommes, écales d’avoine, radicelles d’orge, paillettes de lin, cosses de minette, cosses de sarrasin, coques d’arachides, coques de cacao, tourbe pulvérisée, etc. La proportion de mélasse peut se régler à volonté, sous réserve que le support soit suffisamment absorbant pour retenir le liquide. On arrive ainsi à des produits contenant 65, 70 et jusqu’à 80 p. 100 de mélasse, ce qui correspond à 30-35 p. 100 de sucre. Mais il s’agit là de préparation industrielle et, à la ferme, où l’installation est forcément plus sommaire, on se contentera habituellement de fabriquer un produit à 50 p. 100 de mélasse, soit 22-25 p. 100 de sucre.

Divers procédés peuvent être utilisés. Le plus simple, celui qui est généralement conseillé, consiste à diluer la mélasse dans l’eau bouillante de façon à accroître sa fluidité. On la verse ensuite dans une cuve contenant le support choisi, on brasse soigneusement et on retire le produit obtenu à la pelle. Une variante consiste à disposer le support sur une aire de grange, bétonnée si possible, et à verser dessus la mélasse diluée et réchauffée. Après brassage de la masse, on met en sacs.

Si simples qu’ils paraissent, ces procédés présentent une difficulté du fait de la manipulation d’eau bouillante, ce qui est un inconvénient sérieux, mais surtout ils donnent un produit médiocre, pauvre en sucre (la mélasse ayant été diluée), de composition incertaine, de mauvaise conservation, et dont la mélasse coule à travers le sac. Aussi, nombreux sont les cultivateurs qui ont renoncé à cette fabrication après l’avoir tentée, séduits pas son apparente facilité.

Pour faire un travail convenable, il est nécessaire de posséder un minimum d’installation. Pour être travaillée, la mélasse doit être réchauffée, ce qui a pour effet de la rendre absolument fluide. Il faut donc disposer d’une machine à vapeur. Ce point acquis, on choisira un bâtiment avec un rez-de-chaussée et un étage. Au rez-de-chaussée, on disposera un bac muni d’un serpentin de vapeur alimenté par la chaudière et dans lequel on vidangera les fûts de mélasse. Une fois celle-ci suffisamment réchauffée, on la refoulera à l’étage au moyen d’une pompe qui la déversera dans un bac muni également de serpentins de vapeur où elle achèvera de se réchauffer. De là, elle s’écoulera par gravité dans un tuyau perforé, qui la déversera en pluie au rez-de-chaussée, dans un mélangeur qui aura reçu, d’autre part, sa ration du produit support.

On dosera la mélasse en intercalant entre le bac réchauffeur et le tuyau perforé un bac-jauge, et le support en pesant ou en mesurant la quantité avant de le verser dans la trémie qui le conduira dans le mélangeur.

Sortant du mélangeur, l’aliment mélassé tombera sur une aire bétonnée, puis sera ensaché. On peut même perfectionner l’installation en disposant à la sortie du mélangeur un élévateur qui conduira le produit à une bouche d’ensachage.

Par ce procédé, on aura obtenu un produit régulièrement dosé, de bonne conservation et de valeur alimentaire certaine.

Il nécessite évidemment quelques frais.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°622 Octobre 1948 Page 225