La mode.
— Charmante et logique, la mode d’automne est celle des
petits chapeaux emboîtants ; aucune forme encombrante, une très grande
variété d’inspiration permettant à chaque femme de se chapeauter selon son
style, sa personnalité, son goût.
Chez Suzanne Talbot, des cloches, des toques, des
tricornes, des bérets très allures, des capotes ; de même chez Jane
Blanchot, avec de nombreux effets d’écharpes enveloppantes et quelques hautes
calottes d’inspiration Directoire ; des lignes oblongues et obliques chez
Rose Valois et chez Claude Saint-Cyr, dégageant à gauche, s’accrochant au front
et dégringolant sur la joue droite ; il faut signaler en passant, de Rose
Valois, un « béret-claque » que ses arêtes cassées et pliantes
permettent de poser à plat dans les bagages, fût-il du soir et richement orné
de paradis.
Maud Roser prolonge ses « toits de Paris » de cet
été par un fond qui s’appuie sur la nuque, les bords s’accentuent en capotes et
casquettes.
Maud et Mono jettent en arrière des calottes à la
ligne athénienne, ondulent les bords en coquilles ; Simone Cange continue
ses variations sur la cloche « abat-jour ». Mme Le
Monnier varie à l’infini les genres, glissant de-ci de-là un
« amazone » à la Constantin Guys, de même que Gilbert Orcel, qui,
d’autre part, s’inspire du premier Empire et des empires d’Orient :
Napoléon et Assuérus !
Les matériaux employés et qui se mélangent sont les feutres
veloutés, les mélusines soyeuses et velues, les pannes et les velours, pour le
jour ; les dépouilles d’oiseaux dorés, bronzés, lumineux, sont
innombrables ; pour le soir, les paradis, les crosses, les aigrettes
fusent comme si on les offrait pour rien, et, pour ces chapeaux dont les
teintes sont exquisement pastellisées, les cheveux se font de nuances douces,
cendrés de rinçages bleuissants, les têtes petites à boucles courtes, rondes ou
plates.
La couture.
— Maintenant que les femmes se sont habituées aux jupes
allongées, les couturiers ont pu stabiliser la longueur à 30 ou même 32 centimètres
du sol. Hormis Christian Dior, qui a conçu une ampleur d’une suprême élégance
qui se reploie en coquillés nerveux, en entoilées balayant tous les petits
meubles sur leur passage, les autres créateurs font nettement dominer le
fourreau sur l’ampleur, sauf pour certaines petites robes « sport » à
plis, d’après-midi à portefeuilles drapés, du soir envolantées. Les manteaux
sont amples, à vastes manches, appuyés aux épaules ; les redingotes ont
perdu leur strict classicisme, car des manches kimono, des ceintures et des
martingales, des cols hauts, dits « Talleyrand », des découpes en
boléro leur apportent leur fantaisie. L’époque du Directoire a nettement
inspiré les collections d’automne, un Directoire en trompe-l’œil, revu et
corrigé pour les besoins de 1948 : taille indiquée sous les seins,
d’où elle prend le départ, mais en moulant la taille et le saillant des
hanches. Les tissus employés pour les robes et les tailleurs étant d’épais
lainages, qu’on eût considérés, les précédentes années, comme des tissus à
manteaux ; ceux-ci sont souvent courts, très courts ou trois quarts,
toujours très en forme et plongeants ; en revanche, de nombreuses
jaquettes s’allongent jusqu’à simuler la redingote courte. Les robes noires ou
foncées sont assez nombreuses, mais presque tous les manteaux sont clairs, qui
nous feront un hiver gai, du moins en apparence. Les grands écossais aux tons
choisis, atténués, restent en vogue, souvent mariés à l’uni ; les lainages
sont de toute beauté, les soieries et les velours somptueux ; des tissus magnifiques
et désuets nous reviennent : poults et failles, brochés, façonnés, à menus
dessins, velours ciselés et épingles.
Les couleurs dominantes sont le gris, du plus nacré aux plus
sombres : plomb, ardoise ; les bruns : café, chocolat ...
au lait, plus ou moins corsés ; les verts olivâtres, les bleus éteints (le
bleu marine clair concurrençant souvent le noir) et les rouges profonds.
G. P. de ROUVILLE.
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