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Causes d'insuccès dans le tir

Il n’est pas inutile de rappeler parfois aux disciples de saint Hubert que la réussite dans le tir de chasse dépend d’un certain nombre de facteurs dont l’importance est très relative pour l’obtention du résultat final. Le mauvais tireur, qui n’est bien souvent que la victime d’un manque d’expérience, accuse plus volontiers son matériel que son savoir-faire, sans penser un instant que son voisin obtiendrait parfois de très bons résultats avec le même fusil et les mêmes munitions. Il convient avant tout de ne pas être dupe de ce genre d’erreur et d’attribuer aux causes diverses la juste part qui leur revient.

Les insuccès imputables au matériel proviennent de l’arme ou des munitions. S’il y a toujours le plus grand intérêt à posséder une arme en parfait état, notamment au point de vue de la sécurité, il faut bien convenir que, lorsqu’il s’agit du tir de chasse varié, c’est-à-dire lorsque la nature du gibier et sa distance diffèrent constamment au cours de la journée, la question de la dispersion devient bien secondaire. Si un choke un peu trop serré fait manquer quelques lapins au bois, il permettra des coups de longueur en plaine et inversement ; si, de temps à autre, la répartition des plombs n’est pas très régulière, on pourra manquer une pièce à l’occasion, mais on aura parfois aussi la surprise d’en voir tomber une autre dans un cas où le succès était peu probable. En tout ceci, c’est la loi des grands nombres qui agit, et, dans l’ensemble d’une saison de chasse, si l’arme est à peu près adaptée à la moyenne des cas à envisager et à l’adresse moyenne du tireur, les causes d’irrégularité occasionnelle qui peuvent intervenir ont bien peu d’importance.

En ce qui concerne les munitions, le seul facteur à prendre en considération est la qualité des vitesses initiales, laquelle conditionne en principe la pénétration et le pouvoir meurtrier. Sur ce point, l’insuffisance est toujours un facteur certain d’insuccès, et il convient d’attribuer beaucoup plus d’importance à la pénétration qu’à la régularité du groupement. Beaucoup de chasseurs ont tendance à s’extasier sur la régularité de la dispersion et à admirer de magnifiques cibles sans se demander un seul instant si la régularité même de ce qu’on leur montre n’a pas été obtenue au détriment de la puissance de choc, la chose était d’autant plus tentante qu’elle permet une économie d’explosif. D’où l’avantage de l’emploi de munitions contrôlées sous la signature de maisons sérieuses.

Il nous reste maintenant à examiner les causes d’insuccès imputables au tireur, ainsi que celles qui dépendent d’un défaut d’adaptation de l’arme à l’usager. L’ensemble de ces deux facteurs se mesure par l’écart probable de chasse, beaucoup plus important que l’écart probable du tireur à la cible, et lesdits facteurs se partagent fort inégalement la responsabilité des insuccès.

Lorsqu’un fusil tombe en joue et que l’œil du chasseur se trouve en bonne position par rapport à la bande et au but à atteindre, il ne faut pas penser que l’on gagnera beaucoup à des modifications plus ou moins astucieuses des dimensions de la crosse. En réalité, les différences d’épaisseurs entre la veste de toile portée au mois de septembre et la canadienne du mois de janvier modifient beaucoup plus les conditions d’épaulement que le commun des chasseurs ne le suppose en général.

Beaucoup s’en accommodent, sans plus ; d’autres feront usage de quelque dispositif approprié pour y trouver remède, mais, en réalité, c’est à l’usager d’opter pour la moyenne de ce qui lui convient et de ne pas chercher à couper les cheveux en quatre sans profit. Sur le terrain de chasse, nous ne sommes pas devant les boîtes à pigeon où le spécialiste se demande anxieusement s’il convient ce matin-là de tirer avec ou sans gilet de laine, étant donné que ces quelques millimètres de tissu peuvent lui faire manquer le dix-neuvième pigeon. La chasse est heureusement plus simple que cela dans l’ensemble.

Bien plus important encore, qu’un léger défaut d’adaptation de l’arme est l’écart probable dû à l’insuffisance des corrections de tir. Nous avons souvent envisagé cette question dans nos causeries, et c’est un clou qu’il ne faut jamais négliger d’enfoncer. Nous avons expliqué pourquoi les corrections de tir transversales dues à la vitesse du gibier et au temps que met le plomb à parcourir sa trajectoire peuvent atteindre et même dépasser 2 mètres pour des cas très usuels de tir. Dans ces conditions, ce sont la méthode et la précision avec lesquelles seront appréciées et exécutées les corrections correspondantes qui feront coïncider le centre du groupement et la position du gibier.

Cette coïncidence est de beaucoup plus importante que l’ensemble de toutes les causes d’erreurs précédemment examinées, et c’est sur ce point qu’un tireur peu satisfait de sa moyenne aura à réaliser des progrès. Lorsque l’on vient d’enfumer quelque gibier, il est inutile de penser, sauf exception, à ses munitions ou à autre chose, mais il faut se dire :

« J’ai encore tiré à côté ... je tâcherai de faire mieux la prochaine fois. »

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°623 Décembre 1948 Page 241