Drôle de titre pour une causerie sur la chasse au chien
courant, ne trouvez-vous pas ! Je l’avoue, mais nous allons voir
aujourd’hui les bêtes et gens qui peuvent entrer dans cette catégorie.
Je ne veux point citer — pour ne chagriner personne
— les races de chiens qui n’ont de chiens courants que le nom. Animaux
parfois imposants, majestueux, à la tête sculpturale, aux oreilles très
longues, très gorgés le plus souvent et paraissant très doués au point de vue
odorat, mais qui marchent plus qu’ils ne galopent, qui se gargarisent sur la
voie en des rapprochers qui n’en finissent plus et qui, s’ils arrivent à
lancer, vocalisent sur place et font six lieues en quatre jours !
Certains chasseurs ont les mêmes défauts ; ils nomment rapprochers
des promenades fastidieuses sur des voies incertaines, emmenées au pas, avec
des hésitations et de perpétuels retours, par des chiens mous et ravaudeurs, et
qui n’aboutissent à rien.
Un rapprocheur est un chien qui emmène sa voie
gaillardement, au trot si possible, et qui lance. Un chien qui crie des heures
entières pour tomber à zéro n’est pas un rapprocheur, c’est tout simplement un
bavard.
J’ai beaucoup découplé à la billebaude et, ayant des
compagnons qui, comme moi, n’aimaient pas perdre leur temps, j’ai toujours
supprimé impitoyablement ces « pousseurs de sérénades » tout juste
bons à gêner les meilleurs chiens d’un équipage.
Ils sont aussi nuisibles que les limiers trop fins de nez
(ou qui passent pour tels !) vous faisant travailler de trop vieilles
voies ; aussi agaçants que ces chiens couchants marquant continuellement
de faux arrêts, ou arrêtant des places chaudes. Et je suis persuadé que tous
ces médiocres sont des sujets qui, tout simplement, manquent de nez.
Un bon rapprocheur — par bonne voie s’entend
— rapproche pendant dix minutes, un quart d’heure au plus, et fait bondir
son animal. Il possède assez de jugement pour dédaigner les voies trop hautes
et perce hardiment pour en ramasser une qui lui permettra de lancer.
La chasse au chien courant, comme son nom l’indique, est une
chasse où l’on doit remuer. À moins de houspiller quelque lapin débonnaire dans
un carré de choux, ou de chercher à fusiller un malheureux lièvre dans un
boqueteau, il est nécessaire d’avoir des chiens assez perçants, entreprenants
et aimant lancer, si l’on veut poursuivre, c’est-à-dire chasser.
Le summum de la chasse au chien courant est la chasse à
courre. Un veneur, avec l’aide de sa meute, doit lancer et prendre, sans l’aide
du fusil qui arrange tout, un animal dont la vitesse propre est bien supérieure
à celle de ses chiens.
C’est donc œuvre de réalisateur. Il est impossible aux
meilleurs chiens du monde de prendre seuls un animal sauvage dans nos grandes
forêts. Si, pour certaines chasses effectuées par beau temps, voie idéale,
circonstances heureuses, etc., cela peut se faire — et s’est fait
— c’est uniquement parce que ces chiens parfaitement mis en curée sous la
main d’un maître connaisseur, et seulement pour cela, ont pu, dans ces jours
exceptionnels, bénéficier des connaissances et des leçons reçues
antérieurement.
Il n’y a pas de place dans ce monde extrêmement réaliste de
la vénerie pour le velléitaire ou pour le « semble poète ». Il est
ridicule d’entretenir un lot de chiens incapables de réaliser ce pourquoi ils
sont sur la terre.
Un équipage petit ou grand est fait pour chasser. Sa
première qualité c’est de lancer. Puis de suivre. Puis, plus tard, de prendre.
Ayons donc une sainte horreur de ces soi-disant rapprocheurs
qui ne sont que des clabauds, des non-valeurs.
Méfions-nous aussi de certains types de chiens qui ne sont
pas ceux des standards officiels ; de ces animaux lymphatiques, ou trop
lourds, ou faussement élégants, dont les pendants décoratifs ne sont pas ceux
de chiens d’espèce.
Le vrai sang se reconnaît autrement. Les expositions
canines, j’ai le regret de le constater, ont parfois faussé le jugement de gens
qui font du chien courant comme on élève des pékinois ou des caniches.
J’ai vécu dans un milieu d’hommes de chasse de l’ancienne
époque. Ils aimaient passionnément le chien et le connaissaient. Bien entendu,
ils choisissaient toujours comme reproducteurs les plus beaux sujets, mais ne
s’occupaient pas des nullités, car ils n’en gardaient pas. Une rosse était une
rosse ; une bouche inutile, bon à pendre.
Aujourd’hui, hélas, s’il est d’un type bien réussi, on garde
parfois ce chien médiocre, on en fait un chien d’exposition, il ramasse
des premiers prix, parfois même des C. A. C., et aussi, pour le
malheur des races, fait des saillies.
Toute ma vie, j’ai eu un faible pour les chevaux généreux et
les chiens perçants, intrigants même, enfin de ces animaux qui sont dans le
mouvement en avant. Une main ferme les rend très vite souples, et quelles joies
alors ils vous procurent par leur ardeur, leur désir de bien faire ! Quand
ils sont bien équilibrés, il est toujours facile de retenir cette sorte
d’animaux ; il est, par contre, impossible de faire marcher ceux qui ne
sont pas faits pour cela.
Guy HUBLOT.
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