Les échecs des piégeurs proviennent souvent du matériel
qu’ils emploient, qui n’est pas ou qui est mal adapté à l’animal convoité. Je
ne parle pas ici pour le piégeaillon qui piège dans n’importe quelle coulée et
prend bourre et balle : gibier et nuisible ; celui-là est un
braconnier qui n’a rien à voir avec le piégeur professionnel, qu’il soit garde
ou amateur. Un vrai piégeur sait ce qu’il veut prendre ; s’il piège en
coulée, j’admets très facilement qu’il puisse y avoir des surprises, mais là
n’est pas la question que je veux développer ici.
Sachant donc l’animal qu’il veut capturer, il doit se munir
d’un piège destiné à cette capture. En France, où l’on parle beaucoup de
normalisation, on n’est pas encore arrivé à standardiser les pièges. Or ceci
serait facile ; avec trois dimensions de pièges, on peut capturer toute la
gamme des nuisibles, car le piège « omnibus » — si je peux
désigner ainsi l’engin capable de prendre tous les carnassiers, sans
distinction de taille ou de poids — n’existe pas. Ceci impose donc au
piégeur, selon les nuisibles de la région, bien entendu, trois séries ou deux
séries de pièges au moins, avec lesquelles il pourra s’emparer des carnassiers
de son canton.
Si la dimension des pièges est importante, la sensibilité du
déclenchement ne l’est pas moins. En effet : un piège destiné à un gros
carnassier, s’il est trop sensible, risque de se détendre sous le passage d’un
mulot, d’un crapaud, d’un merle, ce qui non seulement n’offre aucun intérêt,
mais produit un effet désastreux, l’animal prenant conscience de l’engin qu’on
avait eu soin de dissimuler avec tant de précautions !
Au contraire, un animal léger, nerveux et de poids peu
important demande l’emploi d’un piège excessivement sensible et de fermeture
rapide.
Dans le premier cas, nous classerons les pièges à blaireau,
renard et loutre, qui peuvent supporter sans se détendre un poids de 150 à 200 grammes,
sans aucun inconvénient. Ceci en particulier pour les pièges destinés aux
loutres et que les rats d’eau, râles et poules d’eau peuvent détendre
facilement dans leurs allées et venues.
Dans le second cas, il n’y a pas de limite, et spécialement
pour la fouine ou la martre, qui ont la « patte légère » et sont
dotées de réflexes excessivement rapides et violents. Plus le piège sera sensible
et se fermera vite en allant au-devant de la patte, mieux cela vaudra.
Cette sensibilité peut, dans une certaine mesure, se régler
par les soins du piégeur si la fabrication n’a pas été soignée ou finie. En
général, les détentes en cuivre sont plus sensibles que celles en fer ; de
là, déjà, un premier choix selon les cas. Ensuite il faut tenir compte que
moins la languette qui bloque la palette s’engage dans le cran d’armer, plus la
détente sera sensible, et inversement. Certains débutants qui remarquent ce
fait se contentent de limer la languette de telle façon qu’elle affleure le
cran d’armer. Mieux vaut agir sur le support de languette : en le courbant
dans un sens ou dans l’autre, on rapproche ou on éloigne cette languette du
cran d’armer de la palette. On ne doit limer une languette que lorsque cette
opération est impossible (cas des pièges anglais du genre Lane, qui, en
général, sont parfaitement ajustés).
Un autre petit tour de main qui permet de diminuer la
sensibilité du piège consiste à créer un ou deux petits sillons à un millimètre
l’un de l’autre en bout de languette. Ces sillons parallèles sont faits avec un
tiers-point dans le sens de la largeur de la languette ; leur profondeur
est de 3 à 4 dixièmes de millimètre. Ils constituent une ou deux petites butées
sur lesquelles le cran d’armer de la palette est plus solidement maintenu et
résiste d’autant plus que les sillons sont profonds. Il faut faire attention à
ce que les sillons soient d’égale profondeur, sinon on s’exposerait à voir la
palette marquer un temps d’arrêt entre le passage du premier au deuxième sous
le cran d’armer, ce qui pourrait permettre à l’animal de bondir hors de
l’atteinte des mâchoires avant la fermeture de celles-ci.
Naturellement, plus un piège sera sensible, plus il devra
être nerveux, c’est-à-dire plus son ressort devra se détendre rapidement, mais
là il s’agit d’une question de fabrication que le piégeur ne peut corriger
lui-même.
A. CHAIGNEAU.
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