Les expositions terminées, c’est le moment de passer la
revue des races de chaque groupe. On a pu remarquer le nombre croissant et la
qualité des représentants des chiens d’arrêt continentaux. Cette faveur
s’explique. Désormais, la plupart sont élevés suivant la méthode rationnelle
inspirée du souci de l’adaptation, la seule capable d’assurer l’avenir. Si la
qualité y a gagné, l’esthétique n’en a pas souffert. Loin de là. Nous voyons la
disparition des tissus relâchés, du poids mort et, dans un prochain avenir,
espérons-le, celle des oreilles rappelant celles du chien courant.
L’éleveur semble comprendre aussi la vanité de l’effort
consistant à produire un cheptel délicat du fait de la rareté de ses
représentants. Je garderai donc le silence sur les races faiblement
représentées sur les bancs, qu’on peut considérer comme vaincues sans la
concurrence vitale. Sans doute peut-on juger plus méritantes celles, plus
nombreuses, victorieuses dans la lutte pour l’existence et, par ailleurs, assez
douées de toutes les qualités désirables pour que certaines disparitions ne
soient pas prises au tragique.
L’épagneul français, désormais répandu un peu partout, est
maintenant réalisé dans la formule qui aurait toujours dû être la sienne. Pas
plus étoffé qu’un setter, élégant, distingué, vivant sans nervosité, il a
conservé avec un physique et des allures améliorés le moral si apprécié des
amateurs à la recherche du chien souple, maniable et assez vite pour couvrir du
terrain à un train soutenu. L’homogénéité est, d’autre part, la marque de la
production. Parmi les exposés d’origine bien tracée, aucun mauvais sujet
sortant complètement du type défini, preuve de pureté de la race. En fait, on a
vu beaucoup de très bons et aussi d’excellents dont le nombre ira croissant
sous l’influence de la saine doctrine professée par le Club spécial. Les
épreuves en terrain varié qu’il se propose d’organiser contribueront
certainement pour une part à la diffusion de ce beau et bon chien, si
approprié, aux régions où l’auxiliaire dit « à tout faire » s’impose.
Ses deux cousins de Picardie, beaucoup moins nombreux, ont
eu quelques représentants de marque. La variété de robe rouannée paraît prendre
corsage un peu plus léger et n’a pas tort. La silhouette de l’épagneul bleu a
toujours été plus dégagée. C’est même un chien très distingué. Il est dommage
qu’il soit relativement rare, étant bien dans la formule maintenant recherchée
pour tous les chiens d’arrêt. Mais l’un et l’autre auront toujours à compter
avec la concurrence de l’épagneul national dont ils sortent, plus nombreux,
mieux connu et ne leur cédant en rien sous le rapport du travail au marais.
L’amateur penche toujours pour le recrutement le plus aisé.
L’épagneul breton a obtenu son succès habituel. Certaines
expositions, même en régions fort éloignées de son berceau, ont été favorisées
d’une présentation des meilleures. Toutes l’ont été de la présence d’un lot de
sujets dignes de perpétuer la race. Mais que les éleveurs novices n’élèvent pas
de géniteurs d’un modèle contestable sous prétexte de leur qualité en chasse.
C’est là le genre de sélection qui a tant nui à nos chiens d’arrêt nationaux.
Qu’ils lisent et étudient le standard, afin de nous éviter la vue, dans la même
classe, d’un chien à tête et corps de setter irlandais exaspéré et d’un autre à
physionomie de chow-chow. Si celui au-dessous du minimum de la taille se fait
plus rare, à noter un lot assez important de trop grands, le plus souvent
nettement settéroïdes. À observer la présence de cobs, très cobs, au crâne si
épanoui que la calotte en prend apparence plein cintre plus ou moins écrasé. Ce
n’est pas correct, puisque le crâne doit présenter forme arrondie. Mais, au
moins, ce défaut ne vient que d’un excès d’éclatement du modèle (pour parler le
langage des hippiatres), non d’un croisement. Aussi ai-je donné la note
« Très bon » à certains de ces gros cobs lorsque de structure
correcte dans l’ensemble, mais suis surpris qu’il y en ait eu notés
« Excellent ».
La région méridionale a sorti quelques braques français bien
typiques, plutôt étoffés et cependant très vivants. Toutefois, pour aider à la
diffusion de la race, il semble permis de souhaiter la réalisation d’un modèle
un peu plus allégé, modification dont ne souffrirait pas la qualité éminente,
reconnue, de s’adapter à tous les milieux.
Le braque d’Auvergne est de nos braques nationaux celui dont
les effectifs sont les plus nombreux. La qualité y est et les beaux sujets ne
manquent pas. Oserai-je dire de ne pas se montrer sévère pour de très jolis
chiens, réguliers et distingués comme structure, avec des tissus excellents, de
l’os et du coffre, un profil céphalique bien continental, étudié d’après la
méthode Solaro, parce que l’oreille n’est ni assez longue, ni assez roulée et
le léger fanon évanouissant ? Il ne faudrait pas que la hantise du sang pointer
inspirât telle rigueur à leur endroit. N’oublions pas tout le profit retiré par
les Allemands de la transformation de leur braque national, devenu de ce fait
mondial.
Ne pas se dissimuler, en effet, que nos braques sont assez concurrencés
par le dangereux adversaire venu de l’Est, de plus en plus répandu un peu
partout, faisant tache d’huile chez nous comme aux États-Unis et ailleurs. Sa
grande élégance, unie à une qualité non inférieure à celle de nos braques, a
beaucoup contribué à sa diffusion. Répétons encore que le règne du chien lourd,
aux tissus relâchés, est fini. Les faits sont là, inutile de leur opposer une
tradition. L’homogénéité de l’ensemble des braques allemands exposés est,
d’autre part, indiscutable. Quelques têtes marquent le sang pointer, ce dont
conviennent leurs propriétaires, en général avertis. En France, la vieille
école se scandalise à cette vue, beaucoup plus que de certains faciès qu’il
faut bien dire d’aspect corniaudé et assurément lymphatique. C’est affaire à
elle, mais la logique ne semble pas être dans son camp, ni l’opinion mondiale.
Sans marquer aucune hostilité à cet étranger, on peut préférer les braques
nationaux, qui ont tout ce qu’il faut pour le tenir en échec, moyennant
renonciation à certaines conceptions, disons-le, périmées.
Il y a bien quelques très beaux braques Saint-Germain, mais
la production dans le type en est malaisée. Marier une tête au profil
continental à une silhouette pointéroïde est un tour de force qu’on réussit
parfois. Cet élevage est le propre des gens courageux et inaccessibles aux
déceptions.
Les conquêtes du griffon d’arrêt à poil dur vont s’étendant.
Ceux de la meilleure formule ne manquent pas, on voudrait seulement que la
toilette telle qu’elle est décrite par le Club soit plus généralement
appliquée. Ce chien de tant de cachet y gagne considérablement, et le poil
traité suivant les règles se trouve fort amélioré. Le modèle classique, un peu
près de terre, plus long que le hunter, avec de l’os, du coffre et la bonne tête
importante et bien ciselée, est légion. Autrefois on voyait des dessus
affaissés, des attitudes relâchées, annonçant manque d’influx nerveux. Tout
s’est amélioré et, manifestement, l’ensemble du cheptel est composé d’animaux
susceptibles de galoper et de maintenir leur allure. L’avenir de la race se
présente sous d’heureux auspices.
Ont paru quelques drathaars, certains de la meilleure
facture, construits dans la formule hunter comme il se doit, avec le poil
extra-dur et la couleur caractéristiques. À noter certains individus dont la
silhouette rappelle trop celle du stichelhaar et qui, par conséquent, sortent
plus ou moins du type, preuve que cette création contemporaine n’est pas encore
complètement fixée.
Certes, les chiens d’arrêt anglais, et en particulier le
setter, conservent une imposante clientèle et feront encore des conquêtes, mais
les affaires d’un bon nombre de races continentales sont en excellente posture,
mieux qu’il y a quelques années, cela parce que certains clubs, résolument, et
tous plus ou moins, se sont inspirés des procédés qui ont fait la fortune des
races étrangères. Inutile de les exposer, tout ce qui a été dit dans les lignes
qu’on vient de lire en est inspiré.
R. DE KERMADEC.
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