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Chiens d'arrêt continentaux

aux expositions de 1948.

Les expositions terminées, c’est le moment de passer la revue des races de chaque groupe. On a pu remarquer le nombre croissant et la qualité des représentants des chiens d’arrêt continentaux. Cette faveur s’explique. Désormais, la plupart sont élevés suivant la méthode rationnelle inspirée du souci de l’adaptation, la seule capable d’assurer l’avenir. Si la qualité y a gagné, l’esthétique n’en a pas souffert. Loin de là. Nous voyons la disparition des tissus relâchés, du poids mort et, dans un prochain avenir, espérons-le, celle des oreilles rappelant celles du chien courant.

L’éleveur semble comprendre aussi la vanité de l’effort consistant à produire un cheptel délicat du fait de la rareté de ses représentants. Je garderai donc le silence sur les races faiblement représentées sur les bancs, qu’on peut considérer comme vaincues sans la concurrence vitale. Sans doute peut-on juger plus méritantes celles, plus nombreuses, victorieuses dans la lutte pour l’existence et, par ailleurs, assez douées de toutes les qualités désirables pour que certaines disparitions ne soient pas prises au tragique.

L’épagneul français, désormais répandu un peu partout, est maintenant réalisé dans la formule qui aurait toujours dû être la sienne. Pas plus étoffé qu’un setter, élégant, distingué, vivant sans nervosité, il a conservé avec un physique et des allures améliorés le moral si apprécié des amateurs à la recherche du chien souple, maniable et assez vite pour couvrir du terrain à un train soutenu. L’homogénéité est, d’autre part, la marque de la production. Parmi les exposés d’origine bien tracée, aucun mauvais sujet sortant complètement du type défini, preuve de pureté de la race. En fait, on a vu beaucoup de très bons et aussi d’excellents dont le nombre ira croissant sous l’influence de la saine doctrine professée par le Club spécial. Les épreuves en terrain varié qu’il se propose d’organiser contribueront certainement pour une part à la diffusion de ce beau et bon chien, si approprié, aux régions où l’auxiliaire dit « à tout faire » s’impose.

Ses deux cousins de Picardie, beaucoup moins nombreux, ont eu quelques représentants de marque. La variété de robe rouannée paraît prendre corsage un peu plus léger et n’a pas tort. La silhouette de l’épagneul bleu a toujours été plus dégagée. C’est même un chien très distingué. Il est dommage qu’il soit relativement rare, étant bien dans la formule maintenant recherchée pour tous les chiens d’arrêt. Mais l’un et l’autre auront toujours à compter avec la concurrence de l’épagneul national dont ils sortent, plus nombreux, mieux connu et ne leur cédant en rien sous le rapport du travail au marais. L’amateur penche toujours pour le recrutement le plus aisé.

L’épagneul breton a obtenu son succès habituel. Certaines expositions, même en régions fort éloignées de son berceau, ont été favorisées d’une présentation des meilleures. Toutes l’ont été de la présence d’un lot de sujets dignes de perpétuer la race. Mais que les éleveurs novices n’élèvent pas de géniteurs d’un modèle contestable sous prétexte de leur qualité en chasse. C’est là le genre de sélection qui a tant nui à nos chiens d’arrêt nationaux. Qu’ils lisent et étudient le standard, afin de nous éviter la vue, dans la même classe, d’un chien à tête et corps de setter irlandais exaspéré et d’un autre à physionomie de chow-chow. Si celui au-dessous du minimum de la taille se fait plus rare, à noter un lot assez important de trop grands, le plus souvent nettement settéroïdes. À observer la présence de cobs, très cobs, au crâne si épanoui que la calotte en prend apparence plein cintre plus ou moins écrasé. Ce n’est pas correct, puisque le crâne doit présenter forme arrondie. Mais, au moins, ce défaut ne vient que d’un excès d’éclatement du modèle (pour parler le langage des hippiatres), non d’un croisement. Aussi ai-je donné la note « Très bon » à certains de ces gros cobs lorsque de structure correcte dans l’ensemble, mais suis surpris qu’il y en ait eu notés « Excellent ».

La région méridionale a sorti quelques braques français bien typiques, plutôt étoffés et cependant très vivants. Toutefois, pour aider à la diffusion de la race, il semble permis de souhaiter la réalisation d’un modèle un peu plus allégé, modification dont ne souffrirait pas la qualité éminente, reconnue, de s’adapter à tous les milieux.

Le braque d’Auvergne est de nos braques nationaux celui dont les effectifs sont les plus nombreux. La qualité y est et les beaux sujets ne manquent pas. Oserai-je dire de ne pas se montrer sévère pour de très jolis chiens, réguliers et distingués comme structure, avec des tissus excellents, de l’os et du coffre, un profil céphalique bien continental, étudié d’après la méthode Solaro, parce que l’oreille n’est ni assez longue, ni assez roulée et le léger fanon évanouissant ? Il ne faudrait pas que la hantise du sang pointer inspirât telle rigueur à leur endroit. N’oublions pas tout le profit retiré par les Allemands de la transformation de leur braque national, devenu de ce fait mondial.

Ne pas se dissimuler, en effet, que nos braques sont assez concurrencés par le dangereux adversaire venu de l’Est, de plus en plus répandu un peu partout, faisant tache d’huile chez nous comme aux États-Unis et ailleurs. Sa grande élégance, unie à une qualité non inférieure à celle de nos braques, a beaucoup contribué à sa diffusion. Répétons encore que le règne du chien lourd, aux tissus relâchés, est fini. Les faits sont là, inutile de leur opposer une tradition. L’homogénéité de l’ensemble des braques allemands exposés est, d’autre part, indiscutable. Quelques têtes marquent le sang pointer, ce dont conviennent leurs propriétaires, en général avertis. En France, la vieille école se scandalise à cette vue, beaucoup plus que de certains faciès qu’il faut bien dire d’aspect corniaudé et assurément lymphatique. C’est affaire à elle, mais la logique ne semble pas être dans son camp, ni l’opinion mondiale. Sans marquer aucune hostilité à cet étranger, on peut préférer les braques nationaux, qui ont tout ce qu’il faut pour le tenir en échec, moyennant renonciation à certaines conceptions, disons-le, périmées.

Il y a bien quelques très beaux braques Saint-Germain, mais la production dans le type en est malaisée. Marier une tête au profil continental à une silhouette pointéroïde est un tour de force qu’on réussit parfois. Cet élevage est le propre des gens courageux et inaccessibles aux déceptions.

Les conquêtes du griffon d’arrêt à poil dur vont s’étendant. Ceux de la meilleure formule ne manquent pas, on voudrait seulement que la toilette telle qu’elle est décrite par le Club soit plus généralement appliquée. Ce chien de tant de cachet y gagne considérablement, et le poil traité suivant les règles se trouve fort amélioré. Le modèle classique, un peu près de terre, plus long que le hunter, avec de l’os, du coffre et la bonne tête importante et bien ciselée, est légion. Autrefois on voyait des dessus affaissés, des attitudes relâchées, annonçant manque d’influx nerveux. Tout s’est amélioré et, manifestement, l’ensemble du cheptel est composé d’animaux susceptibles de galoper et de maintenir leur allure. L’avenir de la race se présente sous d’heureux auspices.

Ont paru quelques drathaars, certains de la meilleure facture, construits dans la formule hunter comme il se doit, avec le poil extra-dur et la couleur caractéristiques. À noter certains individus dont la silhouette rappelle trop celle du stichelhaar et qui, par conséquent, sortent plus ou moins du type, preuve que cette création contemporaine n’est pas encore complètement fixée.

Certes, les chiens d’arrêt anglais, et en particulier le setter, conservent une imposante clientèle et feront encore des conquêtes, mais les affaires d’un bon nombre de races continentales sont en excellente posture, mieux qu’il y a quelques années, cela parce que certains clubs, résolument, et tous plus ou moins, se sont inspirés des procédés qui ont fait la fortune des races étrangères. Inutile de les exposer, tout ce qui a été dit dans les lignes qu’on vient de lire en est inspiré.

R. DE KERMADEC.

Le Chasseur Français N°623 Décembre 1948 Page 253