Depuis quatre ans, un certain nombre de gens censés pensent
que beaucoup de vignobles doivent être rénovés ou constitués.
On est tenté d’attribuer aux vignes trop âgées ou ayant
souffert la cause de la recrudescence des maladies ; certains y voient
même le motif de la généralisation du court-noué. Sans aller jusque-là, nous
pensons qu’il faut replanter là où cela est possible et s’adresser, ainsi que
nous l’avons écrit, à des cépages donnant, sinon des vins de haute qualité, du
moins des vins riches en alcool, lesquels se conserveront mieux et ... se
vendront plus facilement.
Avant de constituer un vignoble, il faut que le terrain soit
apte à recevoir les plants ; s’il ne l’est pas, il est nécessaire de le
préparer.
S’il s’agit d’une friche, il faut brûler les herbes de la
génération spontanée, niveler le sol, faire un labour aussi profond que le
terrain le permet ; ensuite, semer une avoine, puis une luzerne, qui sera
retournée au bout de trois ou quatre ans.
Si l’on veut replanter vigne sur vignoble, il faut, ainsi
que cela est la coutume, faire pendant cinq à six ans d’autres cultures en y
incorporant de préférence une légumineuse.
D’après Chancrin, les viticulteurs allemands ont reconnu
qu’un traitement au sulfure de carbone à raison de 1.000 à 1.200 kilogrammes à
l’hectare permettait de replanter la vigne immédiatement après l’arrachage de
l’ancienne.
Quand le terrain est prêt à être transformé en vignoble, on
procède à son défoncement. Étant donné le prix élevé de la main-d’œuvre,
celui-ci sera obtenu par des moyens mécaniques.
Le défoncement a pour effet : d’ameublir le sol et de
préparer un cheminement facile aux racines ; de faciliter l’emmagasinement
des eaux de pluie ; de faciliter le mélange terre-engrais organiques ou
minéraux ; de faire disparaître les débris végétaux susceptibles d’abriter
les germes du pourridié.
Le défoncement se fera, de préférence, au début de l’hiver.
Sa profondeur est très variable ; elle dépend des régions, de la nature du
sol et du sous-sol. Elle est plus grande dans les pays ensoleillés ; en
conséquence, elle peut aller de 0m,40 à 0m,80.
Si le sol et le sous-sol ont la même structure physique, il
n’y a aucun inconvénient à retourner le second sur le premier.
Mais, si le sous-sol n’a pas la même composition et est
constitué par une couche calcaire plus ou moins friable, il y aura lieu de
labourer à la profondeur de cette couche et de faire passer derrière la charrue
(dans la jauge, par exemple) un appareil fouilleur qui aura pour effet de
disloquer le sous-sol caillouteux.
Enfin, si le sous-sol est constitué par des roches non
calcaires : granits, gneiss, micaschistes en décomposition, on aura
intérêt, étant donnés les éléments fertilisants minéraux qu’ils contiennent, à
les retourner avec le sol.
Il faut lutter contre l’idée préconçue qu’on ne doit jamais
retourner le sous-sol sur le sol ; si cela peut avoir de l’importance pour
une culture annuelle, il n’en est pas de même pour la vigne et les arbres
fruitiers.
Au reste, la pratique a démontré que le sous-sol ainsi
exposé aux intempéries pendant plusieurs mois se transforme ; certaines
matières s’oxydent, et il s’ensemence de microorganismes bienfaisants, surtout
si on a eu le soin de lui incorporer du fumier.
Rappelons enfin que les terres arables actuelles étaient, à
l’origine, improductives.
Il est de règle d’incorporer au sol par le défonçage une
quantité importante d’engrais organiques et minéraux, afin de constituer une
réserve dans laquelle l’arbuste trouvera sa nourriture pendant sa première
croissance. Tout le monde le comprend et est d’accord sur ce point.
Mais que faut-il incorporer et quelle quantité ? La
réponse sera donnée par le laboratoire de chimie agricole.
Il faudra donc lui envoyer un échantillon moyen du sol, un
autre du sous-sol (2 kilogrammes environ de chaque), en lui demandant
d’indiquer pour l’un et l’autre la teneur en calcaire, en acide
phosphorique et potasse ; plus la teneur en azote total
et pour le sol seulement. L’intéressé demandera à ce même laboratoire de lui
indiquer la quantité et la nature d’engrais minéral phosphorique et potassique
à incorporer, de façon à constituer une réserve pour cinq à six ans environ.
Quant à l’azote, il sera donné à la vigne au fur et à mesure
de ses besoins, ceux-ci dépendant de l’état de la végétation.
Toujours au moyen du défonçage, on incorporera du fumier de
ferme en quantité d’autant plus importante que le sol sera plus riche en
calcaire. La quantité peut varier du simple au double, soit de 50 à 100 tonnes
à l’hectare.
À défaut de fumier, on pourra enfouir des matières à
décomposition lente : sang desséché, déchets de corne ou de laine ...
selon les ressources locales.
Avant la plantation, donner une culture de surface, labour
léger ou canadienne, selon l’état du sol, suivie d’un hersage.
On procède ensuite au tracé de la plantation, c’est-à-dire
que l’emplacement de chaque cep sera indiqué par un petit piquet.
On tracera le premier rang au cordeau, puis les autres au
rayonneur, outil à main ou à traction animale que l’on fabriquera soi-même. Il
y a d’autres méthodes de tracé ; toutes sont bonnes, à la condition que le
parallélisme des rangs soit correct.
L’écartement des lignes et des plants sur une même ligne
varie avec les régions et dépend, du climat, de l’état de sécheresse ou
d’humidité du sol, de sa nature (riche ou pauvre), du cépage, de la taille et
du mode de traction (à main, avec animaux ou mécanique).
Les formes de plantation peuvent être :
En carré : c’est-à-dire que l’écartement des
lignes et des ceps est le même ;
En ligne : l’écartement entre ceps est moindre
que celui entre lignes ;
En quinconce : les lignes des ceps se croisent
en formant des losanges.
Dans les vignobles ne comportant pas de fil de fer, la
plantation en carré permet des labours dans deux sens perpendiculaires et celle
en quinconce permet des labours dans trois directions.
Les lignes seront orientées nord-sud si cela est possible.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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