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Le fonds forestier national

Nous avons souvent, dans ces colonnes, insisté sur la pénurie en bois de la France, pénurie qui était un fait dès avant la guerre et qui a été aggravée considérablement par les hostilités, l’occupation et les immenses besoins de la reconstruction.

Constructions provisoires, seul gîte que peuvent espérer avant longtemps des centaines de milliers de sinistrés ; charpente des maisons partiellement détruites et qu’on restaure ; coffrage des ouvrages d’art et des immeubles en béton, tout cela exige du bois, beaucoup de bois.

Il faut donc, comme nous le préconisions dans de précédentes causeries, améliorer le rendement de nos forêts, mieux utiliser, sans gaspillage, leurs produits ; il faut aussi reboiser.

Le gouvernement s’est préoccupé du financement de cette œuvre de longue haleine que l’économie privée hésite à entreprendre. Un projet de loi a été déposé ; il a été adopté par l’Assemblée nationale constituante et promulgué le 30 septembre 1946. Il institue un Fonds forestier national « en vue de l’organisation des travaux de boisement et de reboisement, de la mise en valeur et de la conservation des terrains boisés, de la meilleure utilisation des produits de la forêt et, en général, de tout ce qui a pour but d’accroître les ressources forestières, de faciliter l’écoulement des produits forestiers et.de mieux satisfaire les besoins de la population ».

Il nous a paru utile de faire connaître aux lecteurs du Chasseur Français le fonctionnement de cet organisme, les résultats déjà obtenus et surtout l’aide qu’ils peuvent en recevoir.

Organisation.

— Elle est alimentée par une taxe perçue soit sur les produits des exploitations forestières, a l’exclusion du bois de chauffage, soit sur les produits des scieries : cette taxe est de 6 p. 100, elle est versée chaque mois par les professionnels du bois à une caisse gérée par la Direction générale des Eaux et Forêts au ministère de l’Agriculture, sous le contrôle d’une commission comprenant trois parlementaires et des représentants des divers services du ministère des Finances (Cour des comptes, budget, comptabilité).

À l’échelon national et à l’échelon départemental, le programme des dépenses à engager et sa mise en œuvre sont étudiés par des commissions paritaires. Ce sont les Conseils de la propriété forestière non soumise au régime forestier, comprenant les représentants des propriétaires particuliers ; rappelons que ceux-ci sont au nombre de 1 million et demi et possèdent 64 p. 100 du domaine boisé de la France, soit 6.750.000 hectares.

Enfin, dans chaque département métropolitain, un officier des Eaux et Forêts chargé des relations extérieures renseigne le public et instruit les affaires.

Le Fonds forestier national dispose ainsi de ressources importantes et d’une organisation présentant toutes garanties. Voyons maintenant comment il fonctionne.

Fonctionnement.

— a. Le Fonds forestier national peut accorder aux propriétaires des subventions en nature (plants et graines) ou en espèces pour le boisement des terrains nus, la reconstitution de forêts dévastées par l’incendie ou autre cataclysme, l’enrichissement de forêts pauvres, notamment par enrésinement, les plantations de hautes tiges ayant un but économique (peupliers, châtaigniers, etc.). Le taux de la subvention est de 50p. 100 de la dépense, suivant des modalités garantissant la bonne utilisation des fonds.

b. Le F. F. N. peut accorder des prêts pour exécution des travaux qui viennent d’être indiqués, mais aussi pour « équipement forestier » : protection des plantations contre les rongeurs, notamment par engrillagement (lapins), ouverture ou curage de fossés d’assainissement en forêt, construction de chemins forestiers, pare-feux, etc. ...

Les travaux pour lesquels un prêt est sollicité doivent être exécutés dans les trois ans. Le montant du prêt est versé au fur et à mesure de l’exécution des travaux. Il est remboursable en cinquante années au maximum, par annuités, augmentées des intérêts simples à 0,25 p. 100 l’an, à partir de l’année qui suit l’achèvement des travaux.

c. Les mêmes travaux, repeuplements et équipement, peuvent être exécutés à forfait par les soins du Fonds forestier national après passation d’un contrat.

Les dépenses majorées de l’intérêt simple à 0,25 p. 100 l’an sont remboursées par un prélèvement de 50 p. 100 sur tous les produits réalisés sur le terrain dans les peuplements désignés au contrat. Jusqu’à remboursement total, la forêt est sous le contrôle du F. F. N.

d. Enfin des prêts aux mêmes conditions que pour les travaux peuvent être accordés pour éviter les exploitations prématurées ou abusives, ou le démembrement de la forêt, notamment en cas de succession ou de partage où des droits importants sont immédiatement exigibles.

Pour obtenir l’un de ces avantages, le propriétaire s’adresse au Service des Eaux et Forêts, Direction départementale des Relations extérieures, qui lui fournit les imprimés à remplir.

Résultats obtenus.

— Ayant moins de deux ans d’existence légale, le Fonds forestier ne fonctionne pratiquement que depuis un peu plus d’un an. Il n’est pas encore rodé ... De nombreux problèmes doivent être constamment résolus, et les textes réglementaires se succèdent. Cependant, sur le terrain, les résultats apparaissent déjà : plusieurs milliers d’hectares ont été semés ou plantés ; des sécheries ont été équipées pour la récolte et la préparation des graines, de grandes pépinières ont été créées et vont pouvoir, dès l’automne prochain, distribuer des plants. Des études ont été entreprises, portant en particulier sur les peupliers, essences à grand rendement, et ont déjà porté leur fruit.

Enfin, un gros effort de propagande a été fait : conférences, congrès régionaux, expositions présentant de manière parlante les possibilités locales et faisant connaître la technique du reboisement, causeries à la radio, prospectus jetés par avions ... Si nous considérons cette propagande comme un résultat, c’est que, grâce à elle, le public acquiert l’« esprit forestier » indispensable pour qu’il entreprenne et surtout mène à bien l’œuvre nécessaire.

Conclusion.

— Riche de possibilités, le Fonds forestier national est une des multiples preuves de la vitalité de la France : au moment où elle a un grand besoin de ses ressources présentes, elle n’oublie pas d’en reconstituer pour l’avenir.

Ce n’est cependant qu’avec l’aide et grâce à l’effort de tous qu’il pourra remplir toutes ses promesses et, comme le dit l’article 1er de la loi, « mieux satisfaire les besoins de la population ».

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°623 Décembre 1948 Page 270