Le roi des lapins.
— Les lapins Rex, quelle que soit la couleur de leur
pelage, allant du blanc au noir, en passant par le brun, le gris, le bleu, le
jaune, etc., ne forment pas une race proprement dite, puisqu’ils n’ont pas été
créés artificiellement. Les Rex, en effet, ne sont que des mutants
apparus spontanément dans certains clapiers, et que l’on a accouplés ensemble
pour reproduire leurs propres caractères, c’est-à-dire le remplacement des
poils longs et rudes par des poils courts et doux, ayant beaucoup d’analogie
avec la fourrure des sauvagines.
Cette mutation accidentelle du système pileux chez les
lapins a même origine que l’apparition des poils longs et soyeux chez les
angoras. Par la sélection des mutants, en créant des Rex de différentes couleurs,
on obtient des dépouilles pouvant être employées au naturel, sans maquillage,
au lieu et place des peaux de bêtes sauvages, qui se raréfient de plus en plus,
et dont le prix des fourrures n’est pas à la portée de toutes les bourses.
Bien qu’il soit possible, par l’éjarrage, le rasage et les
bains de teinture, d’imiter les sauvagines, telles qu’hermine, petit-gris,
chinchilla, martre, loutre, taupe, etc., les toisons de Rex sont préférables,
parce qu’elles ne sont pas affaiblies par l’arrachage du jarre, et qu’elles ne
se délavent pas à la lumière comme les teintures, même précédées d’une
décoloration chimique.
Le père des Rex.
— Les lapins à la toison courte, dense et serrée, ont
souvent apparu dans les clapiers, sans qu’on s’en doute, sous l’aspect de
vilains lapereaux à la peau nue et ridée, privés de moustaches ; mais
c’est l’abbé Gillet qui, le premier en France, eut l’idée d’exploiter ces
mutants.
La couleur des premiers Rex, issus de lapins communs, étant
celle du castor, on les désigna sous le nom de Castorrex à l’exposition
du Grand Palais, à Paris, en 1922, où ils attirèrent l’attention des
cuniculiculteurs qui les adoptèrent. Depuis cette époque, le Castorrex originel
a donné naissance à une nombreuse descendance, fournissant toute une gamme de
coloris permettant de varier à l’infini la tonalité des fourrures en peau de
lapin, seules capables de concurrencer les sauvagines d’un prix inabordable aux
petites bourses.
Création des Rex de couleur.
— C’est par le métissage, en prenant comme directive la
génétique de Mendel, concernant les caractères dominants et les caractères
dominés, y compris ceux des couleurs, que l’on est parvenu, en partant du
Castorrex, à créer des Herminerex, des Loutrerex, des Zibelinerex,
des Chinchillarex, etc., la marche à suivre étant la même dans tous les
cas. Ainsi, pour mettre au point un Rex blanc, il suffit d’accoupler un mâle
Castorrex avec une lapine géante de Vendée, par exemple. Les demi-sang obtenus
en première génération seront des Castorrex-Vendée.
Les caractères dominants étant la fourrure longue
avec jarre et la couleur castor, la majeure partie des métis posséderont ces
attributs. La répartition des caractères dans la descendance sera
approximativement la suivante (proportion pour 16 métis) :
— 9 lapereaux bruns avec jarre ;
— 3 lapereaux bruns sans jarre (Rex) ;
— 3 lapereaux blancs avec jarre ;
— 1 lapereau blanc sans jarre (Rex).
Le dernier seul, appelé récessif, accouplé avec un
autre récessif obtenu de la même manière, reproduira fidèlement les caractères
qu’il possède, c’est-à-dire une toison éjarrée et de couleur blanche. C’est
ainsi que les Herminerex ont été créés. On aurait pu prendre comme femelle la
race Bouscat et même petit Russe.
La marche à suivre est la même pour créer et fixer des Rex
de couleurs différentes, allant du blanc au noir, en passant par le gris, le
brun, le bleu, le marron, le havane, etc. Mais il est absolument nécessaire que
la femelle dont on veut reproduire le pelage soit de race bien pure. Le mâle
Castorrex ou autre Rex provoquera la disparition du jarre dans la fourrure,
tandis que la femelle transmettra sa couleur à un récessif éjarré qui, seul,
pourra être employé à la reproduction.
Dans tous les cas, quelle que soit la couleur des toisons,
on s’efforcera de maintenir les teintes identiques, afin de pouvoir assembler
les dépouilles pour le montage des manteaux et des grandes pièces nécessitant
de nombreuses peaux, sans que cela jure sur la nuance de l’ensemble de la
fourrure. Les pelletiers sont très exigeants sur ce dernier point.
C. ARNOULD.
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