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Le lièvre

devant les épizooties.

Nos érudits en bactériologie — et il ne faut pas les blâmer, même s’ils ont sensiblement aggravé la situation — viennent de créer la panique chez la plupart de nos Nemrods chasseurs de capucins, en annonçant la découverte d’une nouvelle épizootie qui porte le nom de tularémie, laquelle, plus grave que le doryphore, cet ennemi de la patate, se transformerait en fléau redoutable chez toutes les bêtes, voire chez les humains.

Or, on a fermé la frontière, non à l’épizootie, mais à notre intéressant gibier national, qui, heureusement, se reproduira en moindre densité là où l’agglomération, cause de l’alerte, a certainement contribué au développement du virus et à ses méfaits.

Le surnombre chez l’espèce timide, l’étroitesse dans ses ébats, avec gagnage souillé par des rongeurs malpropres, condamnent ce gibier ami de la liberté à des affections qui prennent toutes les formes infectieuses, et auxquelles la science est autorisée à donner des noms parfois troublants en y ajoutant des méfaits des plus redoutables.

Cependant, chez la plupart des espèces gibiers, on peut comme on doit prévenir l’épizootie, qui, répétons-le, trouve ses causes presque toujours dans l’inconfort, l’agglomération et le manque de mesures prophylactiques. Ce fléau à contagion rapide et plus ou moins meurtrier s’arrête après avoir choisi ses victimes chez les faibles, et lentement la vie renaît après une épuration, grâce aux rescapés ragaillardis.

De La Rue, l’éminent forestier qui, à Compiègne, dirigeait les chasses du second Empire, a été témoin de ces maladies qui, jusqu’au dernier, détruisaient les lièvres du parc ; n’a-t-il pas accusé jusqu’aux glands quand, à la même époque et pour les mêmes causes, disparaissaient les lièvres de Rambouillet et de la plupart des parcs clos ?

La plaine à lièvres de Chèvreloup, près Versailles, ne suffisait pas à les remplacer pour les chasses de l’Empereur.

C’est alors qu’il fut reconnu aux autopsies des cas de coccidiose intestinale et de cysticercose, affections contagieuses dues à de mauvais gagnages, souillés par l’abondance des lapins, et aux méfaits d’un constant et étroit bouquinage, tout à fait opposé aux besoins vitaux des reclus.

En résumé, s’il est prudent de ne pas introduire dans nos chasses du gibier atteint de maladies contagieuses comme peut l’être la tularémie, il nous faut reconnaître que nos lièvres ont, dans l’histoire de la pathologie animale, connu les plus redoutables et meurtriers fléaux.

Il faut consulter les études scientifiques de l’Institut Pasteur pour n’en pas douter, en n’oubliant pas que les remèdes — les seuls — ne trouvent un résultat apparent que dans le changement de terrain, de climat et de nourriture, que le délicat quadrupède trouve en échantillonnant, parmi les graminées, celles à sa convenance.

Mais ce qu’il faut dire également pour la sécurité de nos lièvres sur notre continent, où ils sont en voie de reproduction sur le modèle type, râblé, court et alerte — dissemblable des grandes espèces d’outre-Rhin à la chair moins délicate — c’est que règne dans le renard un ennemi no 1 de leur multiplication naturelle.

Puisque nos fédérations déploient toute leur activité pour le repeuplement des chasses en France et ont obtenu des lois sévères pour châtier le braconnage des humains et celui des chiens errants, nous leur demandons une enquête de confirmation, afin que cet ennemi qui s’oppose au succès complet de leur précieuse entreprise n’échappe pas à leur lutte destructrice.

D’après les rapports des serviteurs de la chasse qui observent, le renard, depuis l’évacuation du territoire par les Allemands, est des plus abondant, parmi les nuisibles ; partout où il y a des forêts, il est devenu le plus redoutable destructeur de notre gibier plume et poil. C’est un fin matois, qui travaille jour et nuit en rusant avec les gardes, devenus insuffisants en nombre et en matériel ; en dépit des procédés de destruction et de l’activité déployée, le nombre n’est pas en régression, en raison des étendues laissées sans piégeage et de l’impénétrable végétation, dans laquelle il vit de préférence au-terrier.

Nous ne devons pas ignorer que la reproduction du renard, protégée comme elle l’a été durant cinq années, peut permettre à quatre couples développés sur 500 hectares de mettre en chasse dès juin une vingtaine de renardeaux qui auront été nourris avec les produits de la nidification, ceux des rabouillères et les levrauts étant préférés aux souris et aux grenouilles.

Nous signalerons, pour terminer, les constats d’un excellent garde, M. Béatrice, piégeur habile, qui, sur les 400 hectares du lieudit Les Plainvaux, en forêt de Rambouillet, a tué et capturé soixante-neuf renards et renardeaux dans sa saison 1947-1948, en observant que, dans les sexes, il ne se présente qu’un tiers de femelles, fatale proportion pour le repeuplement des chasses voisines qui, insuffisamment protégées, favorisent ainsi l’accroissement d’un des plus redoutables ennemis de notre gibier.

Georges BENOIST.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 297