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Le piège idéal

PRÈS toute la quincaillerie qui nous a été offerte à profusion après la guerre, on n’a nullement l’impression que la majorité des fabricants de pièges cherche à faire un effort quelconque en vue de l’amélioration de leur production. On a livré des pièges en fer-blanc, on tâchera d’améliorer ceux-ci quand la matière première le permettra, mais on reprend les mêmes modèles et on recommence.

Il serait pourtant simple d’essayer de faire ce qui se fait dans les autres pays. Là, comme ailleurs, nous retardons de vingt ans et plus. Pour n’en donner qu’un exemple, en 1890, le baron Drion, dans un remarquable ouvrage sur les « Animaux de rapine ; », vantait à juste titre l’emploi d’un piège d’un modèle spécial, dit le piège « chapois », à mâchoires offrant une très large surface de contact striée, ce qui offrait l’avantage d’empêcher toute évasion par amputation. Jamais ce modèle n’a été mis en pratique en France. Par contre, l’idée a fait son chemin en Amérique, et l’on peut actuellement trouver en pièges courants, sans aucun supplément de prix, des pièges dont les mâchoires sont inspirées de cette idée.

Ces mâchoires sont en métal coulé ; on les trouve dans les dimensions différentes convenant à chaque espèce. Il y a là, tout spécialement pour les mustélidés, un énorme progrès à réaliser. Le prix des fourrures fait qu’actuellement aucun piégeur sérieux professionnel ou amateur ne reculerait devant l’achat d’un piège réellement étudié, en tenant compte des conditions d’emploi et non plus uniquement des conditions de fabrication.

Somme toute, que demande le piégeur, quel est à son point de vue le piège idéal ? Je vais essayer de le définir en souhaitant que ces lignes tombent sous les yeux des fabricants. Le piège idéal, j’entends piège à palette, est celui qui réunit les qualités suivantes :

1° Prendre haut sur la patte — les mâchoires de forme carrée ont un avantage sur les rondes dans une certaine limite, — par ailleurs, la prise haute est provoquée par un ressort légèrement convexe. Tous les pièges américains, certains anciens allemands, l’ont réalisé depuis longtemps ;

2° Prendre vite. Ceci est fonction de la nervosité du ressort (trempe) ;

3° Éviter aux mâchoires de se coincer à la fermeture sous l’obstacle d’un gravier. Ceci est réalisé par un léger évidement des mâchoires au voisinage des ergots ou axe d’articulation ;

4° Peser le moins possible sans que la solidité soit compromise ; de là, l’emploi de métaux légers et de ressorts en tôle d’acier que l’on trouve aux U. S. A. Cette qualité permet au piégeur d’emporter aisément une vingtaine de pièges ;

5° Être de dimensions adaptées aux animaux à capturer en se tenant à une gamme de 3 dimensions en France : 10 centimètres pour fouines, martres, putois, chats, hermines ; 18 centimètres pour renards et loutres ; 22 centimètres pour blaireaux et renards de montagne (cette mesure indiquant le diamètre longitudinal des mâchoires, toujours légèrement inférieur au diamètre transversal pris mâchoires ouvertes) ;

6° Présenter des mâchoires empêchant toute amputation et évitant d’abîmer la patte par sectionnement (obtenu par large section de contact avec stries ondulées à arêtes non coupantes) ;

7° Être en métal inoxydable pour éliminer toutes les questions de rouille, préjudiciables pour certains animaux, et éviter les lenteurs de fermeture dues à l’oxydation ;

8° Être réglé au point de vue sensibilité selon l’animal à capturer. J’ai traité cette importante question spécialement. La sensibilité est réglée par la longueur de la languette de détente et par sa position dans le cran d’armer de la palette.

Elle dépend aussi de la facilité de jouer sur leurs axes que doivent avoir la palette, la languette de détente et les ergots des mâchoires ;

9° Avoir une palette qui tombe à fond sans être gênée par le ressort en dessous (avantage du ressort dans le tour et nécessité de palette échancrée laissant remonter le ressort sans la pousser pour les modèles à ressort en dessous) ;

— Avoir une palette dont les bords laissent un espace libre d’au moins 2 centimètres de large entre eux et les mâchoires ;

— Avoir une palette réglée de telle façon que, le piège étant armé, les mâchoires ouvertes doivent être exactement au même niveau que la palette ;

10° Présenter un encombrement minimum, ce qui élimine tous les vieux modèles à ressort en long, dont l’unique avantage est de pouvoir plus facilement dégager un animal domestique pris par mégarde ;

11° Posséder un système d’attache solide et mobile en tous sens et une sûreté (pour les pièges de 18 et 22 centimètres du moins) qui ne gênent en rien ni l’armer du ressort, ni la chute de la palette.

Pour être complet, il faudrait ajouter : posséder un ressort bien trempé permettant une tendue de huit jours au moins sans perdre rien de leur élasticité (cas fréquent pour les pièges destinés aux loutres, ou aux blaireaux aux terriers).

C’est l’ensemble des normes d’un piège à palette qui doit rassembler l’unanimité des vœux des piégeurs, qui comprendraient mal qu’un fabricant français ne puisse les réaliser, alors que les U. S. A. et le Canada y sont arrivés depuis longtemps, pour ne citer que ces deux pays.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 299