Des modifications assez satisfaisantes pour notre
amour-propre ont été apportées au tableau des records, que nous avons publiés,
il y a un an, dans ces colonnes.
L’une des raisons de cette hécatombe de records réside dans
le fait que 1948 fut une année « olympique », stimulant ainsi tous
les quatre ans les athlètes du monde entier, tout comme une exposition
universelle stimule l’esprit inventif et le talent des architectes et des
décorateurs.
Chose surprenante, aucun record du monde n’a été battu aux
Jeux. Il est vrai que la piste de Londres était détrempée et la grande Semaine
olympique malencontreusement froide et humide. Mais c’est dans la période de
préparation ou dans les tournées d’exhibitions qui ont suivi les Jeux que de
nombreux records nationaux et mondiaux ont été réalisés.
En voici les plus marquants : en athlétisme, dans la
liste des records du monde : le 400 mètres, en 45’’ 9/10, par
Mac Kenley, le 200 mètres, en 20’’ 2/10, par La Beach, et le 1.000 mètres,
en 2’ 2l’’, égalé par le Français Hansenne.
Sur celle des records de France : le 800 mètres,
en 1’ 48’’ 3/10, par Hansenne, le 110 haies, en 14’’ 5/10,
et le 200 haies, en 24’’ 3/10, par André Marie, le 400 haies, en
51’’ 6/10, par Arifon (qui constitue du même coup le record d’Europe) et,
chez les « féminines », 41m,92 au disque et 1m,61
au saut en hauteur par Mlle Ostermeyer et le quatre fois 100 mètres
relais par l’équipe de France olympique en 47’’ 6/10.
En natation, records du monde : 55’’ 4/10, au 100 mètres
libre, par l’Américain Ford ; 4’ 35’’ 2/10, au 400 mètres,
par le Français Jany.
Records de France : 100 mètres, en 55’’ 8/10,
par Jany, et chez les dames : 100 mètres libre, en 1’ 7’’ 6/10,
et 200 mètres, en 2’ 36’’ 6/10, par Josette Delmas, 5’ 35’’,
au 400 mètres, par Colette Thomas.
Cependant que, chez les « cadettes », la jeune
sœur du champion toulousain, Ginette Jany, réalisait l’ 10’’ 6/10 au
100 mètres et 2’ 37’’ 3/10 au 200 mètres.
Beau palmarès en vérité, si l’on considère que l’été de 1948
ne fut guère favorisé par le soleil et la tranquillité matérielle et morale des
temps heureux de la véritable paix, les athlètes, tout comme les autres, ayant
à souffrir des crises et des inquiétudes de l’après-guerre. Si, à ces
performances remarquables, l’on ajoute nos victoires olympiques en escrime,
cyclisme et équitation, le championnat du monde pro des stayers, les récentes
victoires de Cerdan en Amérique et de notre équipe de rugby à XIII à Swansea,
on peut considérer l’année 1948, malgré quelques déceptions amères, comme
satisfaisante.
Les sprinters noirs.
— Un des événements qui a marqué cette année est
l’affirmation de la supériorité des athlètes noirs en matière de vitesse pure.
Ceux-ci possèdent tous les records du monde de 100 à 400 mètres, et ils
avaient en nombre la « majorité absolue », aussi bien qu’en qualité,
dans toutes les finales olympiques.
À quoi est due cette supériorité ? Sans doute, pour une
part, à la vigueur de ces races jeunes, à la sélection rendue facile par le
nombre qu’ils occupent dans la population du Nouveau Monde, à leur « élevage »
au contact avec la nature et la vie saine et athlétique des grandes plaines, où
tous les actes de leur vie en plein air sont une sorte d’entraînement sportif.
Mais il y a aussi une question de race, je veux dire de
morphologie. En voici un exemple qui montre l’importance de l’observation
physiologique en matière de sports. Il en est sans doute d’autres, mais
retenons pour aujourd’hui celle-ci : le mollet nègre diffère du mollet
blanc. Marey, il y a cinquante ans, avait noté le fait suivant contrôlé depuis
par Paul Chauchard et par nous-même aux Jeux de Berlin en 1936. Les muscles du
mollet des nègres sont plus longs et plus grêles que ceux des blancs, donc
susceptibles d’assurer de plus grands déplacements avec une force moindre. Ceci
est du à la plus grande saillie en arrière du calcanéum, os du talon, sur
lequel s’insère le tendon d’Achille. Il en résulte que le bras de levier est
plus long.
Les physiologistes ont vérifié ce fait en expérimentant chez
le lapin : en réséquant le calcanéum de cet animal et en refixant le
tendon d’Achille, ils constatèrent, après quelque temps, que les muscles du
mollet se raccourcissent et s’épaississent, transformant ainsi le mollet nègre
en mollet blanc.
Cette disposition a en outre pour effet d’augmenter ce
fameux « déroulement du pied », si important pour allonger et
assouplir la foulée.
Qui sait si, par une prospection dans notre empire colonial,
telle que celle que nous avions ébauchée vers 1938 et que la guerre a
interrompue, nous ne découvririons pas, nous aussi, quelques phénomènes qu’il
suffirait d’instruire et d’entraîner pour en faire de grands champions ?
Robert JEUDON.
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