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Automobile

Tendances des constructeurs

La tendance actuelle de la construction automobile, en Europe, — et en France en particulier, — confirme la lutte qui sévit entre les trois différentes écoles : moteur disposé à l’avant avec traction à l’arrière, moteur toujours disposé à l’avant avec traction par les roues avant, moteur arrière avec attaque directe des roues arrière. Laquelle l’emportera ? Probablement aucune, tout au moins d’une façon définitive ...

La mécanique automobile est constituée par un ensemble de solutions, de compromis. On gagne ici, mais on perd là. Telle réalisation, sur le papier, au bureau d’études, doit révolutionner la construction ; hélas ! on s’aperçoit bientôt que des inconvénients majeurs, des difficultés insurmontables de front surgissent. Il faut ruser. Prendre un peu et laisser beaucoup. Avec cela que la qualité des matières premières évolue en même temps que les procédés de fabrication s’améliorent aussi et que telles solutions — que l’on avait repoussées quelques années auparavant comme pratiquement irréalisables, — deviennent possibles. Tous ces facteurs s’enchevêtrent et donnent des composantes différentes ; on peut juger de la complexité du problème.

La solution : moteur à l’avant et traction arrière est, de loin, la plus courante. Elle n’est peut-être pas la plus ancienne, car le système tout à l’arrière avait déjà fait son apparition au début de la construction automobile — voyez de Dion — sans grand succès il est vrai. Elle est générale en Amérique. C’est là un argument de poids. Nous connaissons ce dispositif : moteur situé à l’avant avec, faisant bloc, la boîte de vitesse, un long tube de transmission part de l’arrière de la boîte et vient transmettre son mouvement aux roues arrière par l’intermédiaire de pignons d’angle disposés dans le pont arrière.

Cette réalisation a été sanctionnée par la pratique. C’est là sa grande force. Les cardans travaillent sous un angle faible et résistent à l’usure. L’ensemble du pont arrière : pignon d’attaque, couronne, train planétaire du différentiel, enveloppe de pont, roulement à billes, essieu, donne rarement lieu à des déboires. De plus, l’équilibrage de l’ensemble est acceptable : moteur et boîte sur l’essieu avant, les passagers et réservoir sur l’essieu arrière. Une bonne direction, un centre de gravité bien placé, joint à un choix judicieux des cotes de la voie et de l’empattement, nous ont valu des voitures ayant une tenue de route excellente. Cette solution comporte aussi des inconvénients. Elle est assez onéreuse, car l’enveloppe de pont arrière, coûteuse à usiner, ainsi que le tube de poussée disparaissent avec les autres réalisations. De plus, la recherche d’un centre de gravité situé le plus bas possible oblige le constructeur à perdre, pour le débattement de l’arbre de transmission dans l’axe longitudinal de la carrosserie, une place précieuse pour l’occupant.

Le refroidissement du moteur situé à l’avant est on ne peut plus efficace grâce au radiateur qui reçoit directement un air frais. Notons encore, à l’actif de cette solution, la masse énorme que forme l’ensemble du bloc moteur, masse qui constitue un bouclier précieux dans le cas d’accidents, les télescopages par l’avant étant les plus fréquents.

Enfin les commandes, renvois, timonerie sont courts et des plus simples à établir, cependant que le réservoir d’essence, situé à l’arrière, est loin de la source génératrice d’incendie : le moteur. Par contre, avant de clore notre bilan, mentionnons la difficulté de dessiner une carrosserie aérodynamique parfaite avec le moteur situé devant l’usager, et les odeurs d’huile, d’essence, de gaz brûlés qui indisposent plus ou moins les passagers.

Avec la traction avant, certains de ces inconvénients disparaissent. On peut construire une caisse monocoque, parfaitement surbaissée, sans être gêné par l’arbre de transmission et le tube de poussée, qui n’existent plus. Tous les organes sont à la portée de la main et peuvent se séparer de la carrosserie rapidement : mieux, la tenue de route devient parfaite, les roues avant tractives étant, comme chacun sait, la solution la plus rationnelle.

En contrepartie, la commande des roues par cardans est toujours délicate à réaliser. Elle demeure bruyante sous certains angles de braquage. On a reproché aussi à la « traction » son manque d’adhérence des roues avant. C’est là une exagération manifeste. Il est certain que l’adhérence est meilleure avec une traction arrière lorsque les passagers sont au complet, mais, s’il y a une ou deux personnes à bord, les conditions deviennent semblables.

La réalisation moteur arrière fut certainement la première à laquelle on pensa. Il était naturel qu’on attaque directement les roues motrices en laissant le maximum de place aux passagers. De nos jours, quelques constructeurs semblent s’orienter vers cette disposition. Notons que, jusqu’à présent, c’est surtout le souci de l’économie qui les a guidés. La voiture minuscule, seule, a besoin de son aide précieuse pour gagner l’emplacement minimum indispensable à deux et surtout quatre occupants.

Du coup, on supprime la transmission et les cardans, économie importante dans le cas, le plus fréquent de nos jours, où seul le prix de revient compte. Les ingénieurs peuvent établir des épures de carrosserie se rapprochant de plus en plus de la ligne aérodynamique idéale. L’adhérence des roues propulsives devient totale, puisque celles-ci supportent la plus grande partie du poids de l’ensemble. Les mauvaises odeurs n’incommodent plus, l’ensemble moteur étant derrière les occupants. La visibilité s’améliore, puisqu’on a devant les yeux non une ligne presque droite légèrement inclinée, mais une ligne courbe, qui assure un dégagement visuel immédiat.

Voici la colonne avoir. Voyons la colonne doit. Le problème le plus grave à résoudre, et qui a toujours fait trébucher cette solution du tout à l’arrière, est de vaincre les difficultés de refroidissement. Le radiateur et le moteur sont toujours masqués, et il est indispensable d’assurer une ventilation plus ou moins forcée. L’ingéniosité des constructeurs s’est donnée libre cours dans ce domaine, et il faut bien dire que certains sont arrivés à des résultats très acceptables. Contrepartie immédiate : le moteur ne réchauffant plus la carrosserie, il est indispensable, pour l’hiver, de prévoir un dispositif de chauffage. Toutes les commandes se compliquent du fait de leur longueur.

Côté protection : les passagers n’ont plus devant eux la masse du moteur ; seuls l’essieu avant et une mince épaisseur de tôle constituent leur défense. Il est vrai qu’on a prévu souvent la soute à bagages dans cette partie avant de la carrosserie.

Quelle solution l’emportera ? Il est difficile d’établir un pronostic. Il est probable que le moteur à l’arrière marquera quelques points dans la construction ultra-légère. La traction avant, de son côté, gagnera des adeptes par sa tenue de route, surtout si l’on arrive à construire des cardans impeccables et à obtenir un angle plus prononcé de braquage. Quant à la troisième solution, elle restera encore longtemps la plus générale.

G. AVANDO,

Ingénieur E. T. P.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 312