Aussi loin qu’il est possible de remonter dans l’historique
de l’Art des jardins, on se rend compte que les pelouses en ont toujours
constitué l’un des éléments principaux.
Il est d’ailleurs assez facile de créer, dans presque tous
les terrains, des pelouses bien vertes. Mais il faut, d’une part, choisir avec
soin et en connaissance de cause les plantes qui doivent composer les gazons,
d’autre part, prendre quelques précautions dans la formation et l’entretien de
ceux-ci.
Choix des plantes.
— La plupart des plantes composant une pelouse
appartiennent à la famille des graminées. Parmi les nombreuses espèces de
graminées, il faut rechercher celles qui, ayant des feuilles nombreuses et
fines, repoussent très vite après la tonte. Il faut également tenir compte de
leurs possibilités d’adaptation aux terrains, lesquelles varient beaucoup selon
les espèces.
C’est ainsi que, pour les terrains secs et ingrats, l’Agrostis
traçante, le Brome des prés, la Fétuque ovine, et le Paturin
des prés sont parmi les plus indiqués.
Pour les sols frais et même humides, la Fétuque des prés,
le Paturin commun, le Cynosure à crête conviennent mieux.
Dans les parties assez ombragées, le Paturin des bois,
la Flouve odorante, la Fétuque hétérophylle sont susceptibles de
mieux réussir.
Ces diverses espèces vivaces, qui doivent former le fond des
pelouses, ne s’emploient pas seules. On leur associe toujours, au moment de la
création du gazon, une autre graminée, le Ray-grass anglais, qui
s’adapte, tout au moins provisoirement, à tous les terrains et qui garnit très
vite, mais disparaît, le plus souvent, à peu près complètement après le premier
hiver.
On trouve dans le commerce des mélanges de graines dans
lesquels le Ray-grass entre environ pour moitié, l’autre moitié étant
constituée par des graines susceptibles de réussir dans le terrain et la
situation dont on dispose. Ces mélanges portent le nom de lawn-grass. On
en sème, en moyenne, 1 kilogramme à l’are pour les grandes pelouses, 1kg,250
pour celles des petits jardins.
Création d’une pelouse.
— Le terrain à engazonner doit être aussi propre que
possible. C’est à cette condition seulement que la pelouse ne sera pas, par la
suite, prématurément envahie par les mauvaises herbes. Si elle n’est pas
remplie, on aura avantage à cultiver, pendant au moins une année, et
préférablement deux, des légumes réclamant de nombreuses façons
culturales : pommes de terre ou haricots par exemple.
Avant le semis, un labour peu profond permettra d’achever la
mise au point des vallonnements s’il s’agit d’un jardin paysager, ou des
surfaces planes et des talus s’il s’agit d’un jardin français. Un bon coup de
griffe complétera l’ameublissement. Les pierres et les racines seront ensuite
ramassées au râteau et enlevées. Puis, à l’aide d’un piquet, on délimitera très
nettement le contour des pelouses en traçant, exactement en bordure des allées,
un rayon ou filet de quelques centimètres de profondeur.
La graine sera ensuite répandue très régulièrement, un peu
plus abondamment sur la bordure et surtout dans le filet. Ainsi, la limite de
l’allée, que ce dernier détermine, apparaîtra plus nettement lorsque le gazon
sera levé et facilitera le découpage ultérieur.
S’il s’agit d’une petite pelouse qui doit être très soignée,
on peut, avec avantage, épandre un peu de terreau fin, puis, dès que la surface
se sera convenablement assainie, on plombera le sol avec la batte ou avec le
rouleau, selon qu’il s’agit de bordures ou de parties plus importantes.
C’est du 15 mars au 20 avril que l’on sème
ordinairement le gazon. On sème tôt en sol sec, plus tard en sol humide. Mais
on peut faire aussi d’excellentes pelouses en semant au début de septembre.
Soins d’entretien.
— Une pelouse faite dans de bonnes conditions peut
durer longtemps si on la soigne bien. Elle est, au contraire, rapidement
envahie par les mauvaises herbes si on la néglige, et, bien souvent, on se
trouve, au bout de deux ou trois ans, dans l’obligation de la retourner et de
la ressemer.
Les soins d’entretien sont les suivants :
— tontes fréquentes, d’abord à l’aide d’une faux bien
aiguisée, puis, quand le gazon a pris une certaine force, à la tondeuse. Il ne
faut pas trop attendre pour couper les jeunes gazons parce qu’on se trouverait
exposé à les voir jaunir de la base et se dégarnir ;
— roulages effectués, au début, immédiatement après les
tontes ;
— arrosages plus ou moins fréquents suivant la plus ou
moins grande sécheresse de la saison ;
— sarclages à la main pour enlever les mauvaises herbes
(oseille, plantain, pissenlit, minette, laiteron, etc.) avant qu’elles ne
s’étalent trop ou ne fassent graine ;
— apports d’engrais chimiques ou de terreau selon la
nature du terrain et l’état d’entretien antérieur. On emploie soit du fumier
très décomposé que l’on épand sur la pelouse avant l’hiver, soit du terreau de
couche vers la fin de la mauvaise saison. Des arrosages au purin coupé d’eau
sont également très indiqués au printemps.
Quand une pelouse commence à vieillir, elle est fort souvent
envahie par la mousse. Un râtelage énergique ou, dans les grandes parties, un
hersage à l’aide de la herse à chaînons dite « émousseuse », fait à
l’automne, permet d’enlever la plus grande partie de cette mousse. On obtient
aussi de bons résultats en épandant, au début de mars, par temps pluvieux, 5 à
6 kilogrammes par are de sulfate de fer en neige qui brûle les
mousses sans faire de tort aux graminées. Quelque temps après, on ramasse la
mousse au râteau, puis on sème un peu de graine dans les endroits dégarnis et
on couvre cette graine avec un centimètre environ de terre mélangée de terreau.
Les engrais à base de chaux ont également une action très
favorable sur les pelouses, surtout si le terrain est quelque peu acide.
E. DELPLACE.
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