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Une culture à développer

L'orge

Après avoir fléchi pendant les années de guerre, la production de l’orge est revenue sensiblement à son niveau antérieur, avec 750.000 hectares cultivés, une production de 11 millions de quintaux et un rendement unitaire moyen de 14 à 16 quintaux. Cette quantité, cependant, est insuffisante pour satisfaire aux besoins de l’élevage et de la brasserie, et nous importions annuellement, il y a une dizaine d’années, des quantités variant de 600.000 quintaux à plus de 4 millions de quintaux. Depuis, les besoins se sont accrus, de sorte qu’il n’est pas exagéré de dire que la production d’orge pourrait augmenter de 40 à 50 p. 100 sans qu’il y ait à craindre de surproduction.

La superficie du territoire national n’est, évidemment, pas extensible et il n’est pas possible d’accroître certaines productions comme l’orge, le maïs et les oléagineux, à qui la pénurie de corps gras a donné un regain, sans doute passager, d’actualité, sans que ce soit au détriment d’autres cultures comme l’avoine, par exemple, menacée par la motorisation qui, après avoir fait disparaître la cavalerie urbaine, puis celle de l’armée, menace celle même des campagnes. Mais l’augmentation de production n’est pas seulement question de superficie ; elle dépend aussi de la productivité et c’est en ce sens que doivent se porter les efforts en ne négligeant aucun des facteurs d’amélioration : choix de variétés à grand rendement bien adaptées au milieu, façons culturales, fumure bien équilibrées, soins attentifs à la récolte.

Variétés.

— Parmi les plus intéressantes, on peut citer :

Sarah : orge à deux rangs, rustique et précoce ; les rendements sont bons. Elle convient aux terres moyennes ; c’est une excellente orge de brasserie.

Aurore : à deux rangs ; plus résistante à la verse que la précédente, plus exigeante aussi. Elle est à réserver aux terres de bonne qualité.

Comtesse : à deux rangs. Orge tardive, qui convient aux régions septentrionales. Les rendements sont élevés, le grain de bonne qualité pour la brasserie.

René Guillemard : à deux rangs ; dérive d’Aurore. Le tallage est bon, la productivité satisfaisante. La paille est assez longue, ce qui nuit un peu à la résistance à la verse. À semer en terres moyennes ou assez bonnes.

Chevalier : à deux rangs. C’est une des plus anciennes orges de brasserie. Sélectionnée et améliorée au cours de ces dernières années, elle lutte sans infériorité avec les variétés nouvelles. Demi-tardive.

Orge d’or : à deux rangs. Variété à paille courte très résistante à la verse. Convient aux bonnes terres, où elle donne des rendements élevés.

Isaria : à deux rangs. Grain de bonne qualité. Peu exigeante, elle convient aux terres moyennes.

Kenya : à deux rangs. Épi court et compact. Très résistante à la verse et à la rouille. Productive, elle est exigeante et convient aux bonnes terres.

Première à barbe lisse : cette orge est à six rangs. C’est essentiellement une variété d’hiver. On peut cependant la semer au printemps. Sa paille est longue, ce qui, joint à sa propriété d’avoir les « barbes lisses », la rend intéressante pour la production fourragère.

Façons culturales.

— Tandis que l’escourgeon d’hiver occupe généralement la place du blé dans l’assolement et réussit bien derrière plante sarclée ou fourrages annuels, qui lui laissent une terre propre, l’orge de printemps vient généralement en deuxième céréale, situation bien moins avantageuse. Elle ne réussit bien que si on a effectué un labour avant l’hiver, ceci sans préjudice des façons de printemps. Il est même à souhaiter que la céréale qui la précédait ait été déchaumée.

Fumure.

— L’orge a la réputation d’être peu exigeante, aussi a-t-on tendance à en négliger la fumure, ce qui est évidemment une erreur. Le fumier de ferme s’impose rarement et on ne dépasse, en tout cas, guère 20.000 kilogrammes à l’hectare. Cet apport amène, si paradoxal que cela paraisse à première vue, à forcer la dose d’engrais phosphatés qu’on élèvera à 500 kilogrammes à l’hectare au lieu de 300 à 400 kilogrammes, dose normale, ceci à seule fin d’équilibrer la fumure et de ne pas laisser un excès relatif d’azote. Pour cette céréale, l’élément de qualité est en effet l’acide phosphorique, qui a, en outre, l’avantage de régulariser la maturation du grain. On ajoutera 150 à 200 kilogrammes de chlorure de potassium et s’il n’y a pas eu de fumier, cas général, 100 à 150 kilogrammes de nitrate de soude et de sulfate d’ammoniaque.

Soins à la récolte.

— L’orge est fragile et l’épi se brise facilement. Le grain lui-même craint les intempéries et germe sous l’effet de l’humidité. La récolte demande donc des soins assidus, surtout pour l’orge de brasserie, qui doit garder sa belle couleur jaune et n’avoir pas germé. Pour celle-ci on demande en outre : finesse de la pellicule, richesse en extrait sec, pourcentage de protéine voisin de 10 p. 100, régularité des grains, odeur franche, minimum d’humidité, absence de moisissures.

Utilisation de l’orge.

— Outre la brasserie, qui absorbe chaque année des quantités croissantes d’orge, l’alimentation animale constitue un débouché d’autant plus important que nous manquons de tourteaux et de maïs. C’est d’ailleurs un excellent aliment dont la valeur, un peu supérieure à celle de l’avoine, se rapproche de celle du blé. Elle peut être utilisée pour remplacer l’avoine dans la ration des animaux et en particulier des chevaux, comme cela se pratique d’ailleurs dans les contrées à climat sec du pourtour de la Méditerranée. Il convient toutefois de se rappeler que l’hectolitre d’orge pèse de 68 à 72 kilogrammes au lieu de 45 à 50 pour l’avoine. En volume, à valeur nutritive égale, on n’en donnera donc que 60 p. 100 environ.

On reproche, à juste titre, à l’orge de ne donner que peu de paille, impropre d’ailleurs à la consommation animale à cause de ses barbes. Cet inconvénient d’ordre mineur est largement compensé par les autres qualités : rusticité, régularité de rendement, productivité, possibilité de semis tardifs, qualité du grain, toutes raisons qui, avec l’extension progressive des débouchés, en font une céréale d’avenir.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 317