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La pomme de terre

Marche de la végétation

L’influence des facteurs climatiques sur la marche de la végétation a été étudiée par plusieurs auteurs. D’un autre côté, les cultivateurs ont fait de nombreuses observations sur le même sujet. On admet, par exemple, qu’un temps ensoleillé est favorable au printemps, notamment de la plantation à la levée ; on admet aussi que des pluies sont indispensables au moment de la tubérisation ; on n’ignore pas que les plantes de pommes de terre craignent le froid, que les gelées sont néfastes, car elles détruisent l’appareil foliacé. Ces notions sont connues, mais j’ai voulu tout de même les serrer de près, par la comparaison, en haut Forez, des cultures de 1946 et celles de 1947. Dans cette zone élevée (800 à 1.100 mètres d’altitude), contrairement à ce qui s’est passé dans beaucoup d’autres endroits, la récolte de 1947 a été supérieure à celle de 1946. Loin d’être préjudiciables, les chaleurs torrides estivales ont favorisé la production.

Observations de la plantation à la levée.

— En opérant la plantation dans la dernière décade d’avril, la levée s’échelonne d’habitude du 1er au 15 juin. Toutes les conditions qui accélèrent la levée sont avantageuses, car une levée lente et tardive entraîna la pourriture de certains plants ; d’autre part, une levée tardive n’est pas uniforme. Certaines plantes sortent les premières, d’autres ensuite : cela fait que la levée n’est pas seulement tardive, mais longue à se produire.

Quels facteurs conditionnent une germination rapide des plants mis en terre ? Il suffit pour le savoir de consulter les tableaux de météorologie où la température et l’humidité sont consignées chaque jour. En 1946, pour la température, voici : du 21 avril au 31 mai, soit quarante et un jours, la moyenne des maxima a été de 15°,8 ; pendant la même période, les pluies ont fourni 189 millimètres. Ces conditions ont provoqué une levée lente échelonnée jusqu’au 20 juin.

En 1947, j’ai noté, pour la même période de quarante et un jours, 18°,8 comme moyenne des maxima et 121 millimètres de précipitations. Ces conditions ont permis une levée rapide du 20 au 30 mai. À la vérité, d’autres facteurs que ceux climatiques peuvent influencer la rapidité de la levée : préparation du plant et profondeur de la plantation. Mais enfin la quantité de chaleur semble prépondérante.

Observations sur le développement foliacé.

— Du 24 juillet au 5 août, soit pendant treize jours, la température maximum s’était maintenue à 30° et au-dessus (maximum 37° le 2 août), cela avec ciel serein favorisant l’évaporation végétale. Le comportement des plantes pendant ces chaleurs torrides a été curieux. Au début, le feuillage s’est développé considérablement ; d’un jour à l’autre on pouvait suivre les progrès de la croissance. Mais lorsque les ressources en eau du sol se sont affaiblies, il s’est produit un arrêt de la croissance et de la floraison, puis des réactions nettes de défense (allongement des radicelles, dessiccation des feuilles de base et des folioles latérales). Les feuilles du sommet sont restées pendantes sans perdre leur coloration verte ; il n’y a pas eu dessiccation complète, et ce fait nous montre combien la pomme de terre est une plante rustique. Alors que les trèfles, les graminées des prairies se desséchaient, que les céréales souffraient de l’échaudage, la pomme de terre conservait quelques parties vertes. Dès la pluie du 5 août (88 millimètres), la culture s’est totalement transformée ; le feuillage de la pomme de terre a repris une ampleur inaccoutumée.

En résumé, lorsque le sol et le sous-sol conservent un peu d’humidité, les chaleurs estivales, même excessives, ne sont pas nuisibles, et ce fait justifie le remarque des vieux praticiens : en montagne, les fortes récoltes sont obtenues dans les étés chauds. La formation des tubercules commence à la floraison et se poursuit pendant plusieurs semaines. À ce moment, des pluies sont indispensables. En 1946, une sécheresse s’est produite du 22 juillet au 10 août, à l’époque de la tubérisation des variétés demi-précoces. Comme corollaire, la Quenelle n’a rendu que 7 tonnes à l’hectare, la Bintje 11 tonnes. La pluviosité étant plus forte à la même époque de 1947, les rendements de ces variétés ont été presque doublés.

Par contre, en 1947, le manque de pluie du 4 au 25 septembre coïncidait avec la grosse tubérisation de l’Ackersegen ; cette sorte tardive, réputée prolifique, a fourni seulement 21 tonnes à l’hectare, soit un rendement à peine supérieur aux variétés ayant tubérisé plus tôt.

Ajoutons qu’en 1947, par suite d’un accroissement de chaleur, la maturité des plantes a été avancée d’une dizaine de jours. Sous les climats chauds, le cycle évolutif de la pomme de terre est plus court que dans les régions septentrionales.

Conclusion.

— Toutes ces observations montrent d’une façon indéniable l’influence des circonstances atmosphériques printanières, estivales et automnales sur le développement et le rendement de la pomme de terre. La quantité de chaleur, l’abondance et l’opportunité des pluies constituent un facteur dominant sur lequel nous ne pouvons malheureusement rien. La culture de la pomme de terre offre donc de nombreux aléas ; et ses rendements une grosse part d’inconnu lorsqu’on effectue la plantation.

Cl. PERRET.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 319