L’insémination artificielle jouit actuellement d’une faveur
méritée.
Son développement se poursuit à une cadence très rapide
puisqu’une quarantaine de centres d’insémination se sont créés depuis 1942. Les
éleveurs français, qui considéraient avant la guerre cette méthode avec
méfiance et incrédulité, sont prêts maintenant à la parer de tous les mérites.
Il est bon cependant de savoir que, mal employée, elle peut
être dangereuse pour l’avenir de l’élevage. La possibilité de ces dangers a été
envisagée par le législateur, et les textes français qui régissent
l’utilisation de la méthode se sont heureusement efforcés de les réduire.
Par l’insémination artificielle, un seul mâle est appelé à
avoir une descendance extrêmement nombreuse. Si le taureau est excellent, il
pourra en peu de temps améliorer l’élevage d’une vaste région. Mais, s’il
engendre, au contraire, de mauvais produits, il aura évidemment une influence
néfaste considérable.
Pour cette raison, le choix des taureaux est effectué très
minutieusement par une commission spéciale. Les sujets utilisés dans les
centres doivent répondre à des conditions zootechniques très précises, fixées
pour chaque race et chaque région. On considère non seulement l’aspect
extérieur du géniteur, mais encore son ascendance, et bientôt il sera possible
de tenir compte de la valeur de sa descendance.
À côté des qualités zootechniques, on examine également la
santé du sujet. Sont impitoyablement évincés les mâles qui présentent des
maladies, vices ou tares transmissibles. Le taureau est, bien entendu, examiné
au moment de l’achat, mais il doit subir des visites sanitaires périodiques.
Toujours dans le but d’éviter la propagation des maladies,
les taureaux servant à l’insémination ne doivent pas être utilisés pour la
monte naturelle, et les centres ne peuvent avoir de communications avec une
exploitation agricole ni abriter d’autres bovins que ceux nécessaires aux
opérations d’insémination artificielle.
Un taureau employé pour l’insémination artificielle peut
féconder un grand nombre de femelles. Avec le développement de la méthode, on
assistera donc à la diminution du nombre des mâles. Déjà certaines communes ne
possèdent plus de taureaux. Ce phénomène n’est pas sans présenter des dangers
pour les berceaux d’élevage. Il est en effet utile que les bons éleveurs
conservent de nombreux veaux pour pouvoir effectuer une sélection judicieuse.
Afin de ne pas entraver leurs efforts, il est souhaitable que les centres
n’opèrent pas dans les berceaux de races.
De même la diminution des taureaux peut être à la source
d’une consanguinité trop étroite. Pour éviter les inconvénients qu’elle
présenterait, chaque centre doit tenir un fichier génétique permettant de
suivre la généalogie des animaux. Le nombre des taureaux de diverses origines
possédés par la plupart des centres laisse cependant la possibilité d’éviter
les unions indésirables.
Ce danger n’est pas immédiat, mais se précisera dans
quelques années. Les échanges de géniteurs seront, alors à envisager.
La concentration d’un grand nombre de mâles dans un centre
peut aussi présenter des dangers sérieux, surtout si les taureaux particuliers
ont été en grande partie supprimés. À la suite d’une épidémie, d’un incendie,
etc., la coopérative d’insémination peut se trouver privée de ses géniteurs, ce
qui entraînerait une grave perturbation dans l’élevage de toute une région.
Cependant on pourrait heureusement recourir, au moins pour les races très
répandues, à des achats de semence à l’extérieur. Néanmoins il n’est pas
souhaitable pour ces raisons que les centres prennent une trop grande
extension. L’arrêt de fonctionnement est heureusement une hypothèse qui ne se
réalisera que rarement ; il est bon cependant de l’envisager et d’étudier
à l’avance les mesures qu’il conviendrait de prendre dans cette éventualité.
Le mauvais fonctionnement technique ou administratif du
centre lui-même peut être très préjudiciable. Le législateur s’est efforcé
d’écarter des fonctions d’inséminateur ou de directeur les personnes qui ne
présenteraient pas des garanties professionnelles ou morales suffisantes.
Les examens ne sont ouverts qu’aux candidats n’ayant pas eu
de condamnation entachant leur honorabilité. Une série d’épreuves permettent
d’éliminer ceux qui ne possèdent pas une connaissance suffisante du métier
qu’ils désirent pratiquer. Mal instruits ou peu consciencieux, ils pourraient
devenir des propagateurs de maladies directement ou par le matériel qu’ils
utilisent. Ils pourraient commettre des fautes techniques graves (emploi de
semence infertile, mauvaises inséminations, etc.).
Les centres doivent tenir une comptabilité exacte des
résultats obtenus afin de pouvoir, en cas d’insuccès, en rechercher la cause et
y remédier.
Toutes ces règles peuvent paraître sévères à certains,
cependant elles sont indispensables si l’on ne veut pas voir l’insémination
artificielle discréditée par un mauvais usage. La France est un des pays où
cette méthode a débuté sur le plan pratique avec beaucoup de retard. Elle
rattrape rapidement ce retard et doit bénéficier des expériences réalisées
ailleurs. Il est donc normal que la réglementation soit précise et complète
pour éviter des erreurs qui seraient préjudiciables à tous. Elles ne pourraient
que nuire au développement d’un moyen de reproduction qui, par ailleurs, peut
améliorer rapidement notre cheptel bovin si éprouvé, en qualité surtout, par la
guerre que nous venons de traverser.
R. LAURANS,
Ingénieur agricole.
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