Pour leur joie et pour la nôtre, les couturiers
parisiens nous proposent dans leur collection de merveilleuses robes du
soir ; durant les années de guerre, ce fut pour l’amour de l’art, pour
garder la main ; maintenant, c’est pour les grands galas, galas officiels
et de charité et aussi pour habiller le théâtre et le cinéma. Ce sont des flots
de tulle sous de minuscules corsages constellés de diamants et de pierreries,
des cascades de satin, des envols de faille ou de moire aux reflets nacrés ;
la robe d’époque inspirant la robe moderne, la rétrospective et l’autre sont
sœurs par la grâce et la suprême élégance ; ce déploiement de luxe,
nécessaire au prestige de notre incomparable couture, n’a pas empêché nos
couturiers de penser à la « Française moyenne », avide d’élégance
sûre et pratique à la fois ; ainsi domine, dans les collections de
demi-saison, la robe largement décolletée et courte. C’est une formule à
laquelle beaucoup de chroniqueurs et chroniqueuses de mode ont été hostiles,
concédant difficilement une véritable séduction à la robe du soir courte ;
elle nous conquiert malgré tout, tant certains créateurs ont su lui conférer de
grâce et tant elle est commode.
Le mince corsage moulant bien le buste est orné d’une
sorte de fichu, drapé en corbeille, montant dans le dos, mais largement ouvert
sur la gorge, en carré, en trapèze ou en collier ; couvrant le haut des
épaules, ce fichu peut remplacer les manches que certains ont voulu
amovibles ; selon la silhouette, le corsage s’arrête à la taille ou se
prolonge, emprisonnant le galbe des hanches d’où s’évade l’ampleur, et la jupe
naît : magnifique corolle renversée, très touffue, à trente centimètres de
terre et plongeante. Parfois le corsage s’allonge jusqu’aux genoux, un volant
follement froncé s’y accroche remontant derrière jusqu’à la taille, en cascade,
en coquille ;
c’est la formule de Jean Dessès. Jacques Griffe préfère un
fourreau dans une immense tunique ouverte devant, qui l’enferme comme un écrin.
Bruyère a créé une casaque sertie d’un semis de perles ou de strass, qui se
porte sur des jupes diverses. O’Rossen, des tailleurs de minuit, jupe fourreau
et jaquette à basque onduleuse sur des gilets décolletés ; Maggy Rouff
emploie volontiers le drap, corsage, long, rosé, s’incrustant asymétriquement
sur une jupe gris-souris, et aussi Jeanne Lafaurie, du drap noir avec de beaux
décolletés copieux, des jupes fourreaux, mais repliées sur elles-mêmes et
coquillées, une bougeante ampleur jetée de côté.
« Plus d’élégance du soir sans chapeaux », avait,
cet automne, décidé Fath ; il est universellement suivi. Les coiffures du
soir sont de petits calots brodés, scintillants de pierres ou de jais, de
petits turbans de lumineux satin, de toutes petites cloches ornées de poufs, de
crosses ou de flammes de paradis ; pour les cortèges, avec les robes
étroites, ce sont de larges chapeaux de velours allurés.
G.-P. DE ROUVILLE.
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