La lune est le « satellite » de la terre, et le
premier « humain » qui, voici des centaines de millénaires, la
« découvrit » dans le ciel la vit telle que nous la voyons encore
aujourd’hui, avec sa grossière figure humaine ; mais les satellites des
planètes connues des anciens (5 sur 8) n’ont été décelés qu’à partir du XVIIe siècle.
C’est en effet le 7 janvier 1610, en voulant essayer la
première lunette astronomique qu’il venait de construire — d’après ce
qu’il avait entendu dire de celles de Hollande — que l’illustre Galilée,
dirigeant son tube de carton (1) d’un grossissement de sept fois sur la
brillante planète Jupiter, la vit flanquée de trois étoiles ; les autres
jours, les étoiles se déplaçaient et s’éclipsaient — devant ou derrière la
planète ; finalement l’illustre Florentin concluait à la présence de
quatre satellites, en calculait les mouvements et les appelaient « astres
de Médicis », en l’honneur du duc de Médicis, son protecteur.
Si les satellites de Jupiter sont visibles avec la plus
faible longue vue (jumelles dites de Galilée), il n’en est pas de même pour
ceux des autres planètes.
Ce n’est qu’en 1655 que Huyghens inaugura la série des
découvertes en décelant le plus gros satellite de Saturne : Titan,
cependant qu’en 1659 il reconnaissait la véritable forme de l’anneau de la
planète. Cassini, à Paris, de 1671 à 1684, ajouta quatre autres lunes à la
série. En 1789, Herschell, en Angleterre, organiste-tailleur de miroirs de
télescopes, trouva les lunes de sa planète Uranus, qu’il avait découverte
lui-même, en essayant un grand instrument. À Malte, plus tard, c’est Lassell,
brasseur retraité, qui, devenu astronome et tailleur de miroirs lui aussi,
découvrit le satellite de Neptune : Triton, et deux des autres lunes
d’Uranus : Ariel et Umbriel.
L’accroissement des moyens optiques aidant, les découvertes
se multiplient malgré les difficultés dues à la petitesse de ces globes, très
rapprochés parfois de leur brillante planète, et à l’éloignement de celle-ci.
Actuellement, nous ne connaissons pas de lunes à Vénus et
Mercure, ces proches voisins du soleil. En revanche, les astronomes modernes,
aidés des puissants télescopes photographiques de notre époque, ont pu déceler
l’imposant cortège des satellites qui gravitent autour des grosses
planètes : Jupiter (11), Saturne (9), Uranus (5).
Rappelons que, durant deux siècles, Jupiter ne fut connu
qu’avec les quatre satellites de Galilée, les sept autres, minuscules, n’ayant
été décelés que de 1892 à 1938.
La « naissance » des satellites de Mars est due à
une insistance féminine et vaut d’être narrée en détail : Asaph Hall, à
Washington en 1877, observait avec le grand équatorial de 66 centimètres
qui venait d’être installé ; profitant d’un rapprochement de la rouge
planète, il fit des recherches minutieuses et fatigantes dès le début d’août
dans le but de trouver des satellites à Mars ; ce fut en vain. Désespéré,
il renonçait, lorsque Mme Hall insista pour qu’il consacrât
encore « une soirée » à ces recherches, celle du 11 août ! ...
Trois heures plus tard, le premier satellite était découvert, et, les jours
suivants, son observation permettait de remarquer le second, encore plus petit
et plus proche de la planète.
Phobos et Déimos (la Fuite et la Terreur) sont les noms
donnés par Hall aux lunes martiennes, en souvenir des vers de l’Iliade,
où Homère fait allusion à Mars qui veut venger son fils Ascalaphe et ordonne à
la Fuite et à la Terreur d’atteler leurs coursiers …
Roulant avec vélocité autour de leur planète, ne mettant
respectivement que trente et sept heures à effectuer leurs
« lunaisons », ce sont les plus petits des satellites connus (Phobos,
12 km. ; Déimos, 9 km. de diamètre) ; billes d’enfants à
côté des énormes lunes de Jupiter ou de Saturne (Ganymède, 5.600 km. ;
Callisto, 5.200 ; Titan, 4.100 ; Io, 3.800), toutes plus grosses que
notre amie la Lune (3.473 km.) et rivalisant presque avec Mars (6.784 km.).
La liste de ces vassales de planètes n’est pas close, car
l’on vient de découvrir un cinquième satellite à Uranus, le 15 février
dernier, sur une photographie obtenue au télescope de 2 mètres de
l’observatoire fondé à Toronto en 1940 par W. J. McDonald, riche banquier
qui légua 1 million de dollars pour construire et entretenir cet
établissement. La mise en service du 5 mètres du mont Palomar va-t-elle
ajouter de nouveaux noms de héros mythologiques à cette liste de lunes ou même
de planètes ? ...
À propos de ma causerie sur les « figures de la
lune » un lecteur m’a demandé des explications sur l’« Ange de la
Lune » dont il a entendu parler par un astronome amateur.
Cette figure se voit réellement sur notre satellite dès le
dixième jour de la lunaison, sous certains éclairages, mais non à l’œil
nu ; une petite lunette ou instrument donnant cinquante fois ou, mieux,
quatre-vingts à cent est nécessaire.
Cassini, dès 1692, a signalé cette « Tête de
Femme » dans son essai de carte lunaire. Cet aspect, très variable, a été
observé souvent depuis.
Les noms d’ange, de nymphe ou de naïade donnés à ce profil
viennent de ce qu’il possède parfois des ailes, mais j’avoue que l’aspect le
plus fréquent, personnellement observé, est celui d’une sorcière échevelée ou
d’un vieux juif à turban ! ...
Cette curieuse observation, sans caractère scientifique, ne
s’applique à aucun fait réel ; il s’agit d’une illusion d’optique,
pourrait-on dire, créée par l’éclairage variable auquel sont soumis les
collines et le promontoire lunaire du cap des Héraclides, dans le golfe des
Iris.
Les aspects si divers s’expliquent par le fait qu’en vertu
des mouvements dont sont animés le soleil et notre satellite il est rare de
retrouver le même éclairage, la même position d’une région lunaire
déterminée ; c’est ce qui explique aussi la difficulté d’obtenir une carte
précise à grande échelle du relief lunaire. Ainsi, malgré sa proximité et les
grands télescopes actuels qui permettent d’enregistrer des détails de 1 kilomètre
de dimension, notre satellite est mal connu et reste des plus énigmatiques.
R. MIETTE.
(1) Les lunettes de Galilée ont été visibles à Paris, à
l’exposition de 1937, avec le premier télescope de Newton (1672).
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