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L'hélicoptère

Les récentes démonstrations de maniabilité effectuées par des hélicoptères en plein cœur de Paris n’ont pas manqué de surprendre les nombreux témoins de ces évolutions.

Deux appareils américains se sont posés, l’un sur la terrasse d’un grand magasin et l’autre sur l’esplanade des Invalides. Leurs pilotes ont déchargé les sacs de courrier qui étaient à bord et, avec tout autant de facilité qu’ils en avaient eu pour se poser, ils ont quitté le sol, en n’utilisant pour cela que la propre surface d’encombrement de leurs appareils.

Qu’est ce qu’un hélicoptère ? L’hélicoptère est avant tout un appareil capable de s’élever en l’air verticalement et d’atterrir de même, grâce à un système d’hélices spéciales situées au-dessus du fuselage et tournant horizontalement ; ces hélices à deux, trois ou quatre pales s’appellent des rotors.

Plus d’ailes classiques sur un hélicoptère ! Ce sont les rotors qui, en tournant, d’ailleurs à un régime plus lent qu’une hélice propulsive ordinaire, assurent la sustentation de l’appareil et sa propulsion. Contrairement à l’avion, qui doit acquérir sa vitesse de décollage ou perdre celle de l’atterrissage avant de s’immobiliser au sol, l’hélicoptère décolle et atterrit rigoureusement sans choc à la verticale ; une autre possibilité étonnante de l’hélicoptère : il peut s’immobiliser à volonté en l’air.

Avant la guerre, dans tous les pays du monde, l’hélicoptère n’en était qu’au stade purement expérimental ; les Allemands possédaient cependant une certaine avance ; avec leur Focke Achgelis 61, ils s’étaient approprié tous les records dans cette catégorie, records qui se limitaient d’ailleurs à quelques centaines de mètres d’altitude et à près de 100 kilomètres de distance parcourue. Les hostilités donnèrent l’occasion aux Américains de poursuivre leurs recherches avec acharnement, car ils pensaient avec raison que l’hélicoptère leur rendrait d’immenses services dans le domaine militaire. Dès 1942, de brillants résultats étaient obtenus par un ingénieur d’origine russe : Sikorsky, et, en 1944, quatre cents hélicoptères construits par cet ingénieur entrèrent en service pour la protection des convois américains ; ils réussirent au delà de toute espérance dans ces missions, repérant et bombardant les sous-marins allemands avec une surprenante facilité.

Il existe actuellement plusieurs types d’hélicoptères : à un rotor, situé généralement au centre de gravité de l’appareil ; à deux rotors, un à chaque extrémité de l’appareil ; dans ce dernier cas, les rotors tournent en sens inverse. Beaucoup d’autres solutions plus ou moins originales ont été essayées ou sont en cours d’essais avec plus ou moins de succès.

Il ne faudrait pas croire cependant que l’hélicoptère soit capable de concurrencer l’avion dans l’immédiat ; c’est évidemment une machine merveilleuse, mais son utilisation est encore trop onéreuse, ceci pour plusieurs raisons : 1° techniquement, le rendement de l’hélicoptère est de beaucoup inférieur à celui de l’avion, la voilure tournante (rotor) et ses organes de transmission absorbant une trop grande puissance du moteur au détriment de la charge utile ; 2° les organes de transmission et le rotor sont un ensemble mécanique excessivement délicat soumis à de grands efforts, nécessitant ainsi des révisions fréquentes et le changement de pièces à intervalles très réduits.

Enfin il reste la question du pilotage, qui est beaucoup plus délicat que celui d’un avion ; quoique ignorant la perte de vitesse et ses conséquences, l’hélicoptère est un appareil très sensible qui « pardonne » difficilement certaines fautes de pilotage. Un entraînement sérieux est demandé à chaque pilote d’avion avant d’être « lâché » sur l’hélicoptère.

Néanmoins, les Anglais et surtout les Américains emploient couramment l’hélicoptère pour l’acheminement rapide du courrier et du petit fret de ville à ville. La France a évidemment, du fait de la guerre et de l’occupation, un certain retard dans ce domaine. Actuellement se poursuivent à Villacoublay les essais du petit hélicoptère SE-3101 et du SE-3000 de 1.000 chevaux de 4 tonnes en ordre de vol ; le constructeur Bréguet, qui fut un précurseur dès 1905, met au point son 11-E triplace de 240 chevaux. Tous ces essais donnent satisfaction.

Il est bien évident que la formule de l’hélicoptère, qui n’en est malgré tout qu’à ses débuts, arrivera à s’imposer en s’améliorant ; un grand pas sera fait en avant dans le domaine aéronautique. La construction d’immenses pistes d’atterrissage, qui coûtent des sommes considérables et nécessitent des expropriations difficiles et désagréables, ne s’imposera plus.

Ce n’est pas encore pour demain, mais c’est une des possibilités de l’avenir.

Maurice DESSAGNE.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 333