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Pour prévoir le temps

Un hygromètre curieux

et … facile à réaliser

Il ne faut pas confondre baromètre et hygromètre. Les deux instruments permettent de prévoir les changements de temps, mais fonctionnent suivant des principes différents. En effet, le baromètre obéit à la pression atmosphérique et en accuse les variations, tandis que l’hygromètre réagit à l’humidité de cette même atmosphère, autrement dit aux écarts de sa teneur en eau.

On sait que, de part et d’autre, les indications données concordent pour donner les « probabilités » de la veille au lendemain. Tout le monde connaît l’hygromètre à cheveu actionnant deux « bonshommes » vendu sous le nom de baromètre, ce qui prouve bien la confusion pratique des deux appareils.

L’hygromètre que nous présentons ici existe dans la nature. Il n’y a qu’à le cueillir. Si donc on ne peut exiger de lui la précision d’un instrument de prix, il a l’immense avantage d’être à la portée de tous.

Sur la porte des baraques forestières ou des chalets de pâtres, dans les hauts pâturages, on voit parfois, clouée, une brindille de bois soigneusement écorcée et présentant la forme d’une croix à bras unique. Ce n’est pas un signe cabalistique. Mais, parfois encore, un érudit de passage, voulant donner par avance l’explication tangible qu’un autre pourrait souhaiter, a d’un coup de crayon dévoilé le mystère ... et écrit au-dessous « baromètre ».

C’est bien notre hygromètre. « Comment, penseront beaucoup de lecteurs, un bout de bois sec peut-il marquer le temps ? » Le fait est cependant exact. Certains bois ont la remarquable propriété de conserver même à l’état sec toute leur souplesse de réaction à l’humidité. C’est le cas de l’épicéa, ce colosse de nos forêts domaniales et sans doute celui de pas mal d’autres. La brindille clouée sur la porte est une pointe d’épicéa munie de son ultime branche. Elle a été prélevée sur quelque « bois de service » abattu par le bûcheron ou sur un tout jeune sujet accidenté. Il est, en effet, interdit de mutiler la « jeunesse » des forêts. Peu importe l’âge de l’arbre, et nous en avons fait l’expérience.

En tout cas, je possède, clouées à deux portes de bâtiments, deux de ces pointes terminales, qui fonctionnent depuis une dizaine d’années avec un ensemble parfait. Elles reproduisent exactement le schéma, mais, sous l’arc de cercle au crayon, j’ai fixé les positions du variable, du beau temps, de la pluie et de l’indésirable tempête. Les pointes sont, bien entendu, fixées sur le côté externe de chaque porte, soit à l’air libre. Elles restent protégées par l’avancée du toit. L’orientation des portes entre elles est très différente ; l’une regarde le sud-est, l’autre l’ouest. Cela encore importe peu. Cependant, il convient d’éviter le plein midi, à moins d’une protection contre le gros soleil.

J’ai fabriqué enfin l’appareil très simple que je vais décrire et qui a l’avantage de pouvoir être placé soit sur un balcon, soit n’importe où dans l’appartement même, à condition d’être assez loin du feu. Il fonctionne presque aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il est possible toutefois que, dans un appartement chauffé au chauffage central, l’appareil soit moins sensible ou dure peu en raison de l’extraordinaire pouvoir desséchant de ce mode de chauffage ; je n’ai pas eu l’occasion de faire cette expérience.

Donc, sur un socle, en l’espèce un morceau de chevron de 10 x 6 centimètres, à l’aide d’une mèche en bois j’ai fixé ma pointe d’épicéa écorcée et coupée à 0m,30 pour que la flèche indicatrice puisse exécuter sa courbe de plongée en toute liberté. À l’autre extrémité du socle, j’ai planté une minuscule échelle de 0m,35 et, au bout de la flèche, j’ai suspendu un minuscule « rintintin » en laine rouge. Il se voit de loin ; c’est une commodité. Enfin, après un réglage fait par comparaison avec le baromètre à mercure, j’ai noté la position du variable en passant au rouge un barreau de l’échelle, à peu près en son milieu ... et mon « rintintin » se livre à une lente gymnastique très appréciée des enfants qui m’honorent d’une visite. Il va sans dire que, par gymnastique, j’entends les changements de position au cours d’une même journée, car, bien entendu, les mouvements sont imperceptibles. Partant, par exemple, du variable, par beau temps, le « rintintin » grimpe à l’échelle ; par mauvais temps, il en redescend, et, quand la tempête menace, il se couche à plat ventre sur le socle. Dans nos contrées montagneuses, les variations de temps sont extrêmement brutales, et il n’est pas rare que la température elle-même monte ou surtout baisse de 5 à 6° presque instantanément. Souvent donc, en quelques heures, mon fantoche parcourt son demi-cercle.

Sur un autre appareil plus sérieux, j’ai remplacé l’échelle par une règle plate graduée. Toutes les fantaisies sont admises.

J’avoue que la matière première est elle-même fantaisiste. Je suis tombé une fois sur un épicéa vraiment « fumiste ». Il fonctionnait tantôt normalement, tantôt, si j’ose dire, à rebrousse-poil. Lorsque, par représailles, je lui mettais la tête à l’envers en le repiquant à contre-sens, il repartait à l’endroit. En un mot, il se payait ma tête avec autant d’esprit qu’un être vivant. Le roi Dagobert était ainsi.

En somme, il avait raison. Nous n’avons pas le droit de contrarier la nature.

On s’étonnera peut-être qu’un hygromètre réagisse au vent autant qu’à la pluie. Je dis non, parce que le vent qui fait osciller la flèche est toujours le-vend du sud, chargé d’humidité et précurseur de la pluie.

En terminant cette petite relation, je conseille à ceux qui possèdent dans leur jardin un épicéa en pleine vigueur de l’observer attentivement ; ils seront surpris de voir certains jours les branches de leur arbre se dresser pointe au ciel, et d’autres jours se courber, comme attirées par le sol. Cet arbre sera pour eux une explication vivante.

Et, pour conclure, je dirai : si l’expérience vous amuse, tentez-la. Un essai ne coûte rien.

J. LEFRANÇOIS.

Le Chasseur Français N°624 Février 1949 Page 334