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Causerie juridique

Pouvoirs des maires

en matière de permis de chasse.

Le permis de chasse, aux termes de l’article 5 de la loi sur la chasse, est délivré, sur l’avis du maire, par le sous-préfet de l’arrondissement dans lequel celui qui fait la demande a son domicile ou sa résidence. Rappelons qu’à l’origine le préfet seul avait la charge de délivrer le permis pour tout le département, sur l’avis du maire et celui du sous-préfet. Actuellement, le sous-préfet n’a plus à exprimer d’avis ; il l’exprime, en fait, en accordant ou en refusant le permis. Dans l’arrondissement du chef-lieu du département, c’est le préfet qui en décide et qui délivre le permis.

On a beaucoup épilogué sur le pouvoir ainsi conféré aux maires. Dans les petites communes où tout le monde se connaît, où le maire est journellement mêlé à la vie de ses concitoyens et entretient avec eux des rapports continuels, mais où des rancunes, des inimitiés et parfois des haines arrivent à naître entre le maire et certains de ses administrés, soit en raison de divergences politiques, soit pour des motifs d’ordre privé, on a trouvé que le maire jouissait d’un pouvoir dangereux chaque fois qu’il était appelé à exprimer un avis au sujet d’un de ses concitoyens, soit à l’occasion d’une demande de permis de chasse, soit pour tout autre motif.

Théoriquement, le fait n’est pas niable, mais il faut reconnaître qu’en réalité il sera extrêmement rare que le maire ait la possibilité de satisfaire ses rancunes personnelles, surtout si l’on se borne à envisager le cas spécial des demandes de permis de chasse. Au surplus, celui qui se croirait victime d’une appréciation désobligeante du maire ne serait pas désarmé ; le maire qui agirait comme nous l’envisageons se rendrait coupable d’une faute personnelle distincte de la fonction et pourrait être l’objet d’une demande en dommages-intérêts portée devant la juridiction de droit commun ; il pourrait même, le cas échéant, être déféré aux juridictions répressives, sans parler des sanctions administratives qu’il pourrait encourir. À l’inverse, le maire qui, par amitié envers un de ses administrés, ou par crainte de soulever des rancunes ou de perdre des électeurs, donnerait, par complaisance, des renseignements favorables au sujet d’une personne demandant un permis de chasse alors qu’elle n’est pas en situation d’en obtenir un, s’exposerait à des sanctions analogues dans le cas où l’individu ayant, grâce à lui, obtenu le permis se livrerait à des agissements répréhensibles et porterait ainsi préjudice à des tiers.

En définitive, les pouvoirs conférés aux maires en la matière ne peuvent présenter que de rares inconvénients, lesquels sont largement compensés par les avantages qui en résultent. En effet, placé à proximité de ses administrés, les connaissant souvent personnellement, le maire est bien qualifié pour donner à leur sujet aux préfets et sous-préfets les renseignements dont ils ont besoin pour savoir s’ils doivent accorder ou refuser le permis de chasse.

À côté du cas où le maire pourrait, à l’occasion d’une demande de permis, exprimer un avis inspiré par la malveillance ou la complaisance, on peut placer le cas où le maire s’abstient ou refuse de donner l’avis qui lui est demandé. Cette attitude serait non moins répréhensible que celle que nous avons précédemment envisagée. Cependant, d’après la jurisprudence du tribunal des conflits, un tel manquement aux devoirs de la charge ne pourrait justifier une demande de dommages-intérêts relevant de la compétence des tribunaux judiciaires ; le fait ne saurait être considéré comme constituant une faute personnelle se détachant de la fonction, il constitue un acte administratif ne pouvant donner lieu qu’à un recours devant les juridictions administratives. D’autre part, dans l’hypothèse envisagée, le préfet ou le sous-préfet pourrait déléguer un fonctionnaire à l’effet de recueillir les renseignements nécessaires pour apprécier s’il y a lieu d’accorder ou de refuser le permis.

Au surplus, la mission que la loi de 1944 donne aux maires ne consiste pas à donner des renseignements plus ou moins vagues sur la conduite et la moralité des personnes demandant un permis, elle consiste uniquement à faire savoir si cette personne se trouve ou non dans un des cas dans lesquels les articles 6, 7 et 8 de la loi portent que le permis devra ou pourra être refusé.

Ainsi, suivant le cas, le maire doit se borner à déclarer qu’à sa connaissance l’impétrant ne se trouve dans aucune des catégories pour lesquelles le permis ne peut être accordé, ou tout au moins peut être refusé, ou, au contraire, qu’en raison de telle ou telle circonstance le permis devrait ou pourrait être refusé. Or les divers cas à envisager à cet effet sont déterminés avec la plus grande précision par les articles en question, sans laisser aucune place à l’arbitraire ; il s’agit uniquement de savoir si l’impétrant est ou non inscrit au rôle des contributions, ou s’il a encouru ou non une ou plusieurs des condamnations énumérées dans les articles 6 à 8 de la loi, et à quelle date la peine a été subie. Ce sont là des faits précis qui ne permettent.pas aux maires de formuler une appréciation plus ou moins arbitraire.

Paul COLIN,

Avocat à la Cour d’appel de Paris.

Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 338