Mise au champ d’élevage.
— Quand les jeunes ont trois semaines (1), on
porte les boîtes contenant les poules de ferme et leurs perdreaux aux endroits
choisis pour la deuxième période de l’élevage. Celle-ci s’étend jusqu’à
l’émancipation des élèves, c’est-à-dire au moment où ils quittent
définitivement leur mère adoptive pour vivre indépendants.
On choisira, autant que possible, comme emplacement la
bordure d’un champ qui se récolte assez tard comme maïs, betteraves,
topinambours, pommes de terre, ou, à défaut, en bordure d’un blé ou d’une
avoine qui se récoltent plus tôt.
Les boîtes sont placées à une certaine distance les unes des
autres, mais il faut que l’éleveur puisse les surveiller dans leur ensemble. À
ce moment, on peut mettre vingt-cinq jeunes avec une poule. Faire attention que
l’emplacement ne puisse être noyé en cas d’orage.
Écrasement des jeunes.
— Il arrive fréquemment que des jeunes d’une couvée
vont renforcer une couvée voisine, et l’on voit des poules abriter un nombre
trop élevé de perdreaux. Il convient de s’en assurer quand on va fermer les
boîtes le soir, car, dans ce cas, des étouffements sont à craindre. L’éleveur
reprendra donc un certain nombre de jeunes et les portera à une poule moins
chargée en élèves. Il veillera à ce que les oiseaux ajoutés soient à peu près
de même taille que ceux auxquels il les adjoint.
Nourriture.
— Nous n’y reviendrons pas, puisque, dans une
précédente causerie, nous avons indiqué ce qu’il fallait donner pendant toute
la période d’élevage.
Rappelons cependant que la réussite dépend principalement de
la façon dont seront nourris et soignés les perdreaux, non seulement en
quantité et en qualité, mais surtout dans le choix des aliments nécessaires, en
tenant compte principalement des conditions atmosphériques.
Fourmilières.
— Certains éleveurs mélangent les œufs de fourmis à la
nourriture qu’ils donnent aux perdreaux. D’autres préfèrent les donner en repas
séparés, et nous pensons qu’il est préférable d’agir ainsi. Nous les leur
distribuerons donc trois fois par jour, comme déjà dit.
Il y a deux sortes d’œufs de fourmis : œufs des fourmis
de bois, assez gros, et ceux des fourmis de prairies.
Ces derniers sont préférables pour les perdreaux, ceux des
fourmis de bois étant surtout récoltés pour les élevages de faisandeaux. Cette
question si intéressante de l’exploitation des fourmilières sera notée plus en
détail ultérieurement.
Maladies.
— Les perdreaux d’élevage, très délicats, surtout dans
les premières semaines de leur existence, contractent très facilement des
maladies contre lesquelles nous allons mettre en garde les éleveurs. Rappelons
que certaines de ces maladies sont à marche foudroyante et qu’il importe, dès
les premiers symptômes, de prendre, d’extrême urgence, les mesures propres à
enrayer le mal.
Nous allons aujourd’hui nous borner à les citer, mais nous y
reviendrons, car tout éleveur doit pouvoir identifier rapidement le mal dont
souffrent ses élèves et appliquer aussitôt le remède approprié.
Ces maladies sont : la pousse des plumes, la crise de
la mue, la diarrhée, l’entérite, la constipation, les vers rouges, le mal aux
pattes, la septicémie, la diphtérie, l’ophtalmie, la pullorose.
Claies de protection.
— Il est indispensable d’avoir dans un élevage des
claies de protection, afin d’abriter la poule conductrice et les jeunes soit du
trop grand soleil, soit du vent.
On donne à ces claies 1m,50 de longueur par
1 mètre de hauteur. Il faut pour construire une claie : six rondins
ayant 2cm,5 à 3 centimètres de diamètre et 1 mètre de longueur,
et six autres ayant 1m,50 de longueur.
On pose sur un terrain bien plat les trois rondins de 1m,
50 parallèlement à 0m,50 les uns des autres. Par-dessus, on cloue à
chaque bout un rondin de 1 mètre (en croisant les extrémités de 2 à 3
centimètres) et un troisième au milieu.
On fait une deuxième carcasse semblable à la première. On
pose sur le sol une des carcasses, les rondins de 1 mètre étant en
dessous. Pour la garnir, rien n’est meilleur que le genêt, mais, si l’on ne
peut s’en procurer, on pourra employer de la bruyère ou de la paille. Suivant
ce que l’on emploiera, on mettra la garniture en une ou deux hauteurs. Il faut
surtout que la couverture soit suffisamment épaisse pour ne laisser passer ni
le vent ni le soleil. Quand on aura étalé la garniture sur la carcasse, on
placera la deuxième carcasse sur la première (rondins de 1 mètre
au-dessus) et on les reliera fortement entre elles par du fil de fer, serrant
ainsi, entre les deux, la garniture.
Quand on aura terminé, on coupera tout ce qui dépasse.
Il faut en outre avoir autant de piquets de 1m,50
que de claies afin qu’à l’endroit où l’on voudra mettre chaque claie on puisse,
après avoir enfoncé le piquet dans le sol, la maintenir solidement en place,
afin que le vent ne l’emporte pas. Il est bon d’avoir au moins deux claies pour
chaque boîte d’élevage.
Res nullius, res propria.
— On nous a demandé plusieurs fois d’établir la
distinction qu’il y a entre le gibier res nullius et le gibier res propria,
c’est-à-dire quand il n’est à personne ou quand il est la propriété de
quelqu’un.
Dans l’état actuel de notre législation, le gibier sauvage
n’a pas de maître. Il ne deviendra la propriété légitime de celui qui s’en
emparera que si celui-ci l’a fait légalement, c’est-à-dire suivant les règles
édictées par la loi du 3 mai 1844 (modifiée les 22 janvier 1874, 16 février
1898 et 1er mai 1924). Autrement, l’acte qu’il commet s’appelle
le braconnage, et ce délit est réprimé par des peines spéciales visées à ladite
loi.
Mais, si ce gibier qui n’a pas de maître est capturé dans
une chasse avec l’autorisation préfectorale, afin d’être conservé un certain
temps en captivité, puis relâché dans un but de repeuplement (article 9 de
la susdite loi), il est, dès l’instant de sa capture, la propriété de celui qui
s’en est légitimement emparé, et celui qui le prendrait commettrait le délit de
vol. Par la suite, lorsque ce gibier qui a été tenu captif est relâché pour le
repeuplement, à l’instant où on lui rend la liberté, il n’est plus la propriété
de personne, et qui s’en empare illégalement ne le vole pas, mais le braconne.
Il en résulte que les perdreaux en élevage sont la propriété
de celui qui les élève, mais qu’à l’instant où ils s’émancipent, c’est-à-dire
abandonnent leur poule couveuse et ne viennent plus coucher avec elle, ils
redeviennent gibier sauvage et sont aux yeux de la loi sur le même pied que les
perdrix nées sur la chasse et y vivant en liberté.
René DANNIN,
Expert en agriculture (chasse, gibier) près des Tribunaux.
(l) Voir Le Chasseur Français, nos 619 et 623.
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