On ne saurait trop prêter attention aux succès remportés par
les Pointers aux épreuves en montagne, sur un gibier qui ne leur est pas
familier, pas plus que le milieu.
Ces victoires d’un chien réputé surtout pour la plaine, et
voué d’après certains à la seule chasse de la perdrix grise, témoignent de ses
facultés d’adaptation aux difficultés, des plus mauvais terrains et aptitudes à
vaincre les défenses de tous les gibiers.
Elles n’ont pas surpris les chasseurs habitués à s’en servir
tant au bois qu’au marais, où ils le savent aussi efficaces qu’en plaine ;
mais il est bon que cela ait été démontré par les épreuves officielles et
publiques.
À noter que, parmi les lauréats, certains ne proviennent pas
d’élevages régionaux et n’étaient donc pas spécialement entraînés.
Donc triomphe de la finesse du nez, au premier chef
qualité à rechercher chez le chien dont le rôle consiste à découvrir le gibier
sur émanation directe.
Dans ce rôle, le pointer de race pure et au système nerveux
en équilibre a toujours fait montre d’une maîtrise dont ces épreuves en
terrains escarpés viennent de nous donner démonstration.
Ceux auxquels certain excès d’excitabilité peut jouer de
mauvais tours en plaine doivent éprouver les effets bienfaisants d’une saison
de chasse en tel milieu, où le train se trouve rompu, imposant ainsi recours au
nez et à la cervelle.
Comprendra-t-on enfin que le pointer n’est pas le chien voué
à la seule plaine et à la seule perdrix grise, ainsi que le veulent quelques
littérateurs de la cynophilie, qui ont achevé d’en éloigner les chasseurs
moyens en le disant au-dessus de leurs possibilités ?
Lorsque les mêmes s’expriment sur notre objet, ils ne
pensent jamais, en effet, qu’aux représentants de la race, les plus rapides
spécialistes des trials à grande quête, dont la conduite demande un
savoir-faire que tout le monde ne possède pas.
Le pointer qu’il faut bien appeler « littéraire »
a si souvent été chanté en divers écrits qui couvraient de sarcasmes ceux que
nous avions ici dans l’Ouest, il y a une trentaine d’années, qu’ils ont contribué
à l’abandon relatif de la race, dont le setter anglais a profité.
Or le pointer bien dans le type médioligne, capable d’un
train soutenu durant tout un jour de chasse, avec ses qualités de nez, son
style d’arrêt, ses facultés diverses d’adaptation telles que l’expérience les
enseigne, demeure pour le chasseur un auxiliaire inégalé.
De même n’avons-nous jamais admis en France la valeur qu’il
représente en tant qu’améliorateur du nez et autres qualités psycho-physiques,
de tout chien d’arrêt présentant une physionomie qu’il faut bien dire corniaudée,
avec attitudes en action rappelant le chien pisteur. À cet égard, les pays
centraux, en particulier, en ont tiré un parti que le succès mondial de leurs
races transformées avère judicieusement choisi.
Si nous n’avons pas su ou voulu exploiter cette veine, cela
tient à deux causes. La première est notre respect des traditions,
seraient-elles entachées de routine. La seconde, l’erreur de quelques
expériences mal conçues et mal exécutées, inspirées toujours d’idées
littéraires auxquelles on a dû de recourir aux offices d’étalons rapidissimes.
La connaissance de principes zootechniques élémentaires eût évité ces erreurs,
dans lesquelles nos voisins ne sont pas tombés. Enfin, il y avait la technique
des suites à donner à l’opération du croisement intercurrent qui n’a pas été
mieux observée.
Pour tout dire, il est difficile d’expliquer pourquoi
l’amateurisme de chez nous en est venu à cacher comme honteuse jusqu’à l’idée
d’alliance, même lointaine, voire hypothétique, avec un chien qui représente,
en somme, le prototype du chien éventant de loin et arrêtant ferme.
Laissons cela et espérons que les événements ouvriront bien
des yeux.
Le Setter anglais a été mieux compris dans notre
pays, c’est pourquoi il est légion. Mais peut-on espérer qu’un jour le chasseur
moyen renoncera à l’appeler Laverack et à le vouloir sans grande tache à
l’instar de feu Rossigneu, prophète et père spirituel de la secte ? On ne
saurait croire combien de chiots ont été sacrifiés à cette stupide exigence
dont se gaussent nos amis anglo-saxons. Nous devrions aussi porter attention
aux lignes trop refoulées de certains de nos élèves : têtes courtes,
épanouies, corps en harmonie avec ces têtes, provenant à n’en pas douter de
l’alliance indésirable jadis entreprise avec le pointer, qui n’a rien à faire
de bon en l’occurrence. Lorsque tout cela sera bien compris, comme il y a
beaucoup de setters anglais chez nous et qui chassent, la beauté leur
sera-t-elle généralement impartie comme elle l’est déjà pour beaucoup. La
qualité y est, nous sommes donc en bonne voie.
Lorsque Paul Caillard introduisit le Setter Cordon en
notre pays, il insista beaucoup sur l’inconvénient de produire des sujets trop
volumineux, sous prétexte d’une interprétation défectueuse du standard.
Celui-ci dit, en effet, que ce chien doit être plus étoffé que les autres
setters. De là à le produire trop grand et trop lourd, il n’y avait qu’un pas à
franchir par les dévots d’orthodoxie. Il le fut, et c’est pourquoi ce setter,
très justement apprécié il y a cinquante.ans, n’a pas vu se développer une
popularité que le modèle rationnel mérite en tout point. Nous voici revenus à
de meilleurs sentiments et à plus de clairvoyance. Espérons donc un renouveau
pour ce beau et superbe animal, dont les moyens et le style conviennent si bien
à la chasse française.
C’est ainsi qu’en ces dernières années nous avons vu
remonter les actions du Setter irlandais, ce roi de la beauté canine,
auquel une inconcevable mode, universellement admise, avait joué le mauvais
tour d’imposer crâne étroit et corps en lame de couteau, sous prétexte de
distinction. Le standard pourtant proclamait en vain le développement du crâne,
afin de donner place à la cervelle. Mais la mode a des raisons que la raison ne
connaît pas. Tant il y a qu’en dépit de thuriféraires proclamant que tout était
bien ainsi, la qualité allait s’évanouissant. Cette plaisanterie ayant assez
duré, la réaction du bon sens vint. On vit un excellent chien briller aux épreuves,
qui, sous sa robe magnifique, n’avait pas absolument le gabarit imposé par le
snobisme. C’est à peu près de ce temps que data la réaction dont nous goûtons
maintenant le bienfait.
On voudrait pouvoir dire que le danger est écarté. C’est
pourquoi ferait-on œuvre de sagesse en s’éloignant de quelques têtes légères de
temps à autre perçues, et ceci quelle que soit l’harmonie d’un ensemble
éperdument distingué, parce que cette distinction confine à la dégénérescence,
aristocratique si l’on veut, mais déplorable et dangereuse.
Qu’on me pardonne quelques pointes éparses en ces lignes et
que le lecteur n’y perçoive que le désir de servir la cause de races
précieuses, qu’il est permis d’admirer et d’aimer à l’égal des nôtres. De
celles-ci, nous parlerons une autre fois.
R. DE KERMADEC.
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