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Dressage

Le chien d'arrêt au bois

S’il est agréable, en septembre, de voir un pointer ou un setter battre la plaine à toute allure, il n’en est pas de même au bois quand la feuille est tombée.

Le chien qui galope fougueusement fait forcément pas mal de bruit et fait fuir lapins et faisans avant qu’il ait pu les arrêter. Certains chiens anglais, en prenant de l’âge, arrivent d’eux-mêmes à modérer leur allure et deviennent possibles pour cette chasse. Cependant les épagneuls, les griffons, les braques et même les spaniels : springers ou cockers, y sont plus indiqués. Dans les pays où la chasse à la bécasse est uniquement pratiquée, c’est plutôt à ceux-ci que va la préférence des chasseurs.

Avec certains appareils spéciaux, quand ils sont bien ajustés, on peut y employer les chiens anglais les plus ardents. La quête perd son ampleur et l’arrêt son style, mais, en revanche, les rappels trop fréquents sont évités. Mais, pour que ces appareils donnent de bons résultats, il est nécessaire que les courroies en soient réglées suivant les mensurations spéciales à chaque chien.

Un moyen simpliste pour calmer l’ardeur du chien d’arrêt au bois consiste à lui mettre la patte dans le collier. Mais si, grâce à son amour de la chasse, le malheureux consent à quêter, quel triste spectacle que celui de ce boiteux obligatoire, sautillant sur trois pattes et peinant. Inutile de dire que cette torture ne lui apprend rien et qu’aussitôt sur ses quatre pattes il repartira de plus belle faire de longues randonnées.

Avant la guerre de 1914-1918, on trouvait dans les magasins et chez certains armuriers un masque pour chiens partant sur le poil ; je n’en trouve plus trace sur les catalogues actuels. Ce masque en cuir rigide, fixé à une courroie se bouclant en arrière des oreilles, descendait un peu plus bas que les yeux. Un espace, réglé aussi par une petite courroie, était laissé au-dessus du chanfrein. Le chien étant à l’arrêt ne voyait pas le départ du lapin, ou, s’il le voyait et cherchait à le poursuivre, se cognait aux branches et s’arrêtait.

Pour la même raison, sa quête était rendue plus lente et plus prudente. J’ai employé ce masque avec un pointer qui, sans cet appareil, était absolument impossible au bois et qui y était presque parfait quand il en était muni. Serait-il possible de trouver encore des masques de ce modèle ? Je l’ignore.

Enfin un dernier moyen de calmer l’allure trop fougueuse des chiens trop ardents, mais il ressemble fort à la patte dans le collier et peut causer une boiterie permanente : il consiste en une ligature faite avec un caoutchouc souple au-dessus du jarret. Je n’ai employé cet expédient que pour un chien courant trop vite pour ses compagnons de chasse et dont je ne voulais pas me défaire à cause de ses qualités. Son train fut diminué, mais, à la troisième ou quatrième chasse, il revint boiteux et le resta toute sa vie, sans paraître heureusement en souffrir.

Certains chiens se spécialisent au bois : un de mes amis posséda une chienne, croisement épagneul français et breton, qui n’arrêtait que les lapins et passait à côté des faisans sans s’en occuper ; en plaine, elle en faisait autant pour les perdreaux et cependant les rapportait avec plaisir.

Défunt M. le comte de B ..., propriétaire habitant près de Gien, eut une chienne pointer parfaite en plaine, ne s’occupant au bois que de la bécasse. Elle aussi, quêtant à proximité de faisans et de lapins assez nombreux dans les bois où elle chassait, ne leur donnait aucune attention.

On ne devra pas conduire au bois un jeune chien, surtout s’il est très chasseur ; il faut généralement attendre sa troisième année de chasse avant de pouvoir en tirer bon parti, à moins d’avoir affaire à un sujet d’un tempérament lymphatique.

Le springer, quoique n’arrêtant pas, peut, ainsi que le cocker, y être conduit plus tôt.

Une race presque disparue, le braque Saint-Germain, excellait à cette chasse. Sa quête, quoique active, mais naturellement assez restreinte, en faisait au bois un auxiliaire de tout premier ordre ; le braque français, lui aussi devenu assez rare, peut le remplacer.

Certains griffons et épagneuls y deviennent quelquefois très bons. Mais, pour cela, tous doivent être immuables au départ du gibier et au coup de feu, et, pour obtenir ce résultat, la mise au down est encore plus nécessaire qu’en plaine. Le rapport doit être parfait, car la prise de gibier blessé hors de la vue du maître aura souvent lieu.

Un bon exercice pour obtenir ces qualités est le furetage au fusil. Le chien, en laisse, sera vertement réprimandé chaque fois qu’il tentera de s’élancer à la sortie du lapin ou au coup de feu. De même la chasse en battue.

En un mot, le chien parfait pour la chasse au bois doit être un retriever sûr et en avoir le dressage.

Pour la chasse à la bécasse, beaucoup de chasseurs munissent le collier de leur chien d’un grelot ; quand celui-ci cesse de résonner, ils en concluent que le chien est à l’arrêt et le recherchent. Cette méthode peut avoir son bon côté, car la quête peut être plus étendue, mais, dans les chasses où il existe d’autres gibiers, le bruit du grelot les fera fuir, et chacun sait que le faisan, une fois sur pied, trotte longtemps avant de se laisser rejoindre et arrêter. Jeannot lapin, quand il a déjà été chassé, se dégîte au moindre bruit, et le chien ne prend l’arrêt que sur des gîtes vides.

A. ROHARD.

Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 349