Il existe chez le chien et le chat une affection qui a
beaucoup de ressemblance, au point de vue symptomatique, avec la « maladie
de la peur », que nous avons décrite dans une de nos précédentes
causeries : c’est la gale de l’oreille ou otite parasitaire. Dans certains
chenils, voire dans toute une région, elle affecte une allure épizootique, ce
qui lui a fait donner le nom d’épilepsie contagieuse des chiens de meute.
Observée surtout chez les chiens de chasse, on la rencontre aussi sur les
sujets de toutes races qui vivent en appartement. Elle est déterminée par la
pullulation, dans le conduit auditif externe, d’un acare spécial, le Symbiotes
auricularum, dont voici les dimensions : mâle, 350 à 380 millièmes
de millimètre de longueur sur 250 à 280 μ de largeur ; femelle ovigère,
460 à 530 μ sur 280 à 350 μ. Quand on saura que cette gale
atteint aussi le furet, on verra qu’il est utile de la bien reconnaître, ne
serait-ce que pour la distinguer d’autres affections (épilepsie, maladie de la
peur, rage, catarrhe auriculaire) avec lesquelles elle offre quelque
ressemblance.
Voici les symptômes présentés par les malades. Le chien
secoue souvent les oreilles ou se les gratte avec les pattes postérieures, d’où
parfois des plaies péri-auriculaires, des excoriations ou des abcès
sous-cutanés. Au chenil, à l’état de repos, non plus qu’au début de la chasse,
rien ne révèle l’existence du mal. Ce qui attire le plus souvent l’attention,
ce sont des accidents épileptiformes qui surviennent au cours d’une promenade
ou exclusivement à la chasse, alors que le chien est échauffé par une course
rapide. La crise éclate alors subitement : le chien se montre inquiet,
anxieux ; il s’élance droit devant lui, en poussant des gémissements ou
des cris rauques ou aigus, et, ne répondant plus à l’appel de son maître, il
bondit à travers les taillis, l’œil hagard, l’écume aux lèvres, semblant avoir
perdu la vue et hurlant chaque fois qu’il se heurte à un obstacle ; puis,
après avoir tourné en cercle deux ou trois fois, il tombe comme en proie à une
crise d’épilepsie. Bientôt il se relève hébété, épuisé de fatigue ; si
l’attaque n’a pas été trop violente, si le mal n’est pas trop ancien, le chien
peut, après quinze à trente minutes de repos, sortir de son abrutissement et se
remettre à chasser avec autant d’ardeur que si rien ne s’était passé.
Ces crises épileptiformes, dont la durée n’est
habituellement que de quelques minutes, sont d’abord rares, espacées de
plusieurs semaines, puis de plus en plus fréquentes ; nombre de ces
malades deviennent craintifs, apathiques, d’autres sont hargneux, agressifs.
Si l’on examine attentivement l’oreille des chiens atteints
de gale auriculaire, on peut faire les constatations suivantes : le
conduit auditif est tapissé d’une couche abondante de cérumen de couleur de
suie ou de chocolat, un peu fétide. Souvent la matière est située tout au fond
du conduit, dont elle comble la lumière ; ce cérumen a pris la consistance
du mastic. L’examen microscopique, qui peut être fait par le pharmacien ou le
vétérinaire, y dévoile, avec leurs œufs, une multitude d’acares, de tout âge et
de tout sexe.
La membrane du tympan, comprimée et refoulée, fait saillie
vers l’oreille moyenne ; cette compression est la cause des vomissements
constatés, même au début de l’affection. Corrodée par le pus, la membrane peut
se rompre ; la maladie se complique d’otite moyenne et même d’otite
interne, qui se traduisent par les violents phénomènes nerveux, d’où la gravité
de cette gale. D’autre part, elle ne guérit pas naturellement ; elle entraîne
la surdité, quand la mort ne survient pas au cours d’une attaque, et toujours
de l’amaigrissement.
Chez les chiens de petites races et chez le chat, la gale
auriculaire peut rester longtemps méconnue, parce que les troubles nerveux font
défaut et les symptômes restes frustes. Des vomissements après les repas,
l’existence de dépilations marquées à la base des oreilles, l’amaigrissement
progressif malgré une nourriture abondante doivent appeler l’attention du côté
des oreilles, dont le fond est alors rempli d’un cérumen poisseux, brunâtre,
contenant de nombreux acares.
Chez le chat, les excoriations péri-auriculaires sont un
symptôme vraiment révélateur, ainsi que Mégnin l’avait déjà signalé.
La gale de l’oreille, ou épilepsie contagieuse, se distingue
de l’épilepsie proprement dite par sa disparition sous l’influence d’un
traitement acaricide, par la présence d’acares dans le cérumen. En outre, la
crise acarienne est annoncée par quelques cris plaintifs qui manquent dans
l’épilepsie ; elle ne provoque pas d’émission d’urine ni de défécation
involontaire, signes presque constants dans les accès d’épilepsie vraie.
Les manifestations de l’otite parasitaire ont pu faire
penser à la rage ; mais la première ne s’accompagne pas des prodromes
mentaux (hallucinations, etc.) propres à la rage, et ses accès, tous passagers,
n’accusent pas la folie furieuse et méchante de cette dernière affection.
Dans le catarrhe auriculaire, le cérumen est fluide,
brillant, comme huileux, et le malade se livre à de violents mouvements de
défense à toute exploration du fond de l’oreille, alors que, dans l’otite
parasitaire, le chien éprouve une satisfaction évidente qu’il manifeste par un
grattage en l’air avec sa patte postérieure dès qu’on introduit un petit tampon
au fond du conduit auditif.
Le traitement doit répondre à deux-indications :
1° éviter la contagion ;
2° détruire les parasites et guérir le malade.
On empêchera la propagation de la gale auriculaire par
l’isolement des sujets atteints, l’enfouissement ou l’incinération de la
litière et la désinfection de la niche ou du chenil : lavage à l’eau
bouillante ou avec une solution chaude d’acide phénique ou de crésyl à 5
p. 100 ; laisser sécher, puis blanchiment à la chaux.
Comme traitement curatif, maintenir les oreilles dans une grande
propreté, en enlevant le cérumen apparent au moyen d’un tampon de coton imbibé
d’eau tiède savonneuse. Puis faire, matin et soir, durant trois ou quatre
jours, une injection dans l’oreille avec une solution chaude de sulfure de
potassium à 1 p. 100 ; puis, après assèchement complet, déposer au
fond du conduit auditif quelques gouttes de glycérine iodée à 1 p. 100.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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