Le Touring-Club de France a organisé, en octobre dernier,
une exposition particulièrement réussie sur la pêche fluviale, dans sa péniche
du quai de la place de la Concorde. À cette exposition, on pouvait admirer
vivantes, en aquarium, les espèces récemment introduites dans nos eaux
douces :
— perche-soleil, poisson-chat, crabe chinois parmi les nuisibles ;
— saumon de fontaine, truite arc-en-ciel, black-bass, gambusie et cambarus parmi les utiles.
Nous avons déjà parlé de la plupart de ces espèces.
Deux mots sur le gambusie, la plus récente et la plus petite
acquisition piscicole de nos eaux douces.
C’est un cyprinodonte, un tout petit poisson long de 2 à 6 centimètres,
et qui offre la particularité d’être ovovivipare, c’est-à-dire de pondre, non
des œufs, mais des petits.
D’autre part, il offre un dimorphisme sexuel très net, la
femelle étant plus grosse et présentant un gros ventre, le mâle présentant une
nageoire ventrale en forme de canalicule érectile qui lui sert d’organe
copulateur.
Trois espèces de cyprinodontes sont d’introduction toute
récente dans nos eaux douces françaises :
Le cyprinodon marmoratus dans les Alpes-Maritimes ;
Le fundue (Fundulus hispanicus) dans le Roussillon, tous deux très rares
et très peu répandus ;
Et enfin notre gambusie (Gambusia Holbrooki).
Ce dernier est originaire du Sud des États-Unis. Il fut
introduit en Afrique et à Madagascar, puis en 1921 en Espagne pour la lutte
antipaludique. Il vit en effet dans les moindres flaques d’eau, toujours en
surface, et gobe les larves de moustiques quand elles viennent respirer. De là,
il fut introduit en Italie et en Dalmatie, toujours pour la lutte contre les
moustiques.
En 1924, M. Brumpt, professeur de parasitologie à la
Faculté de médecine de Paris, l’introduisit en Corse, et en 1927 en Camargue,
où il pullula. En 1931, il en mit plusieurs exemplaires dans un marais proche
de Mont-de-Marsan. C’est là qu’il fut retrouvé en 1942 par un inspecteur des
Eaux et Forêts qui le répandit dans les étangs landais, où s’il s’est fort bien
acclimaté. Il exige toutefois pour se reproduire des eaux tièdes et dormantes.
Quel intérêt, me direz-vous, peut présenter un si petit
poisson qui n’est pas comestible ? Tout d’abord, il ne nuit pas aux autres
espèces, et, pouvant vivre dans quelques centimètres d’eau, utilise une
nourriture inaccessible aux autres poissons.
Ensuite, il peut être facilement utilisé autour des villes
et des villages du Midi, pour combattre — non le paludisme qui est
rarissime en France, — mais les moustiques, toujours gênants pour le
sommeil des habitants. Il suffit, au printemps, d’en mettre deux ou trois
couples dans la moindre mare et ils prolifèrent très vite.
Il peut également être utilisé comme vif. On le prend très
facilement avec une épuisette à mailles fines ; il fait un excellent appât
pour la perche.
Enfin, et c’est surtout cela qui intéressera les pêcheurs,
il constitue dans un étang donné une nourriture supplémentaire et gratuite très
intéressante pour la perche.
Il est bien connu que, dans de nombreux lacs, la perche
« dégénère », se multiplie à outrance. Les perchettes nombreuses,
pesant 20 à 30 grammes, ne grossissent pas et n’offrent plus aucun
intérêt.
Or, en l’espèce, il ne s’agit nullement de
« dégénérescence », comme le disent la plupart des pêcheurs. Prenez,
en effet, deux ou trois de ces perchettes, mettez-les dans une mare ou un petit
étang bien pourvu en blanchaille, et elles grossiront. C’est tout simplement
que les perches, très prolifiques et frayant dès la deuxième année, se
reproduisent trop et deviennent rapidement trop nombreuses pour la nourriture
qu’elles pourront trouver dans l’étang. Elles végètent donc indéfiniment. Il
faut soit en diminuer le nombre par des pêches exceptionnelles, soit augmenter
leur nourriture.
La présence d’innombrables gambusies, qui, je le répète,
poussent en utilisant une nourriture que les autres poissons ne peuvent aller
chercher sur les bords, donne aux perches un aliment de choix.
J’ajoute enfin que le gambusie est très facilement
transportable et ne craint que le froid en cours de transport. Il vit très
facilement en aquarium et s’y reproduit.
DE LAPRADE.
|