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Pour bien nager le crawl

Les Jeux olympiques ont ceci d’intéressant que, tout comme un Salon ou comme une Exposition, ils sont l’occasion de présenter aux spécialistes et au public les dernières acquisitions de la technique et les progrès réalisés dans tous les pays du monde.

En matière de sports athlétiques ou de natation, où l’homme se trouve seul aux prises avec la nature avec comme seuls moyens ses quatre membres et son cerveau, il est bien évident que les records ne peuvent plus être battus que grâce à un perfectionnement continuel de la technique, c’est-à-dire du « style », car les possibilités de la machine humaine ont des limites et il est bien évident que les champions d’aujourd’hui ne sont pas des « surhommes », par leur valeur intrinsèque, par rapport à ceux d’il y a vingt ans. Il n’y a pas plus d’hommes à trois bras que de canards à trois pattes. Si les records continuent à monter, cela ne peut donc être que grâce à de meilleures pistes et surtout à des méthodes de préparation et d’entraînement plus perfectionnées, la cylindrée, le carburant et la puissance étant les mêmes chez tous les hommes depuis des siècles, et le chronomètre marchant au même rythme.

En matière de natation, la grande révélation des Jeux de 1936 nous était apportée par les Japonais, avec leur fameuse « brasse papillon ». En 1948, c’est dans la « nage libre » que les Américains ont imposé leur supériorité par leur perfection dans le style du « crawl », qui leur permit de remporter toutes les épreuves, faisant ainsi sombrer les espoirs justifiés que nous avions placés en notre champion toulousain Alex Jany. Celui-ci, il faut le dire, s’est présenté aux Jeux trop confiant, surentraîné et mal alimenté, ce qui ne l’empêchera pas de poursuivre sa brillante carrière, car il est jeune et sérieux.

Mais le nouveau style du « crawl » des nageurs et nageuses d’outre-Atlantique s’est démontré remarquable et efficace.

Il s’inspire des principes de l’ancien champion Sakamoto, qui, après avoir été un champion du monde, est devenu un grand entraîneur auquel toute une génération de jeunes nageurs doit sa gloire.

Ce phénomène, professeur-né et d’une activité inlassable, a trouvé le moyen d’apprendre le crawl à des centaines de débutants, utilisant le moindre ruisseau dans les agglomérations les plus éloignées, avec la même foi et le même succès que lorsqu’il met au point des champions dans les piscines les plus modernes.

Pour bien nager le crawl, dit Sakamoto, que je m’efforce de traduire en résumant l’essentiel :

Détendez la tête et le cou ;

Au lieu de sortir votre tête de l’eau — ce qui exige une certaine raideur — roulez la tête sur l’eau avec souplesse ;

Pliez vos bras naturellement en les sortant de l’eau ;

Gardez vos genoux souples pendant les battements ;

Tenez votre corps en surface et non en profondeur ;

Ne respirez pas brusquement. Aspirez avec la bouche, expirez avec le nez. (Il faut s’habituer à cette discipline, de la respiration dans l’eau, ce qui est le plus difficile puisque, dans les autres sports, on vous apprend au contraire à aspirer par le nez et à expirer par la bouche, ce qui serait naturellement impossible au contact de la surface de l’eau !) ;

Respirez sans à-coups. Inspirez sur le côté gauche, au moment où votre bras droit entre dans l’eau ;

Commencez à expirer au moment où le visage tourne dans l’eau. Inspirez de nouveau, sur le côté droit, lorsque le bras gauche plonge dans l’eau ;

Déployez votre force au moment favorable : lorsque votre bras forme avec la surface de l’eau un angle de 30°, jusqu’à un angle d’environ 45°. C’est le bon moment pour « appuyer ».

Le mouvement des jambes fournit 40 p. 100 de la force de propulsion. Il doit partir de la cuisse et se prolonger jusqu’aux orteils, en passant par les genoux, ceux-ci restant souples. Les pieds doivent à peine briser la surface de l’eau ;

Six battements de pied pour chaque cycle de mouvements des deux bras est la cadence la meilleure. On s’y habitue très facilement avec un peu de volonté ... et de patience !

À ces conseils du grand champion, nous nous permettrons d’ajouter celui-ci, dont j’ai maintes fois vérifié la valeur :

Apprenez à vos enfants à nager le crawl d’emblée, dès qu’ils savent flotter et qu’ils n’ont plus peur de l’eau. Il est très difficile d’apprendre cette nage, dont tout le secret est un style si spécial, à un nageur qui a déjà pris l’habitude et l’automatisme d’une autre nage telle que la brasse ou l’over-arm. Tandis que, chez un débutant qui n’a pas encore pris de mauvaises habitudes, le crawl, en apparence si difficile, peut s’apprendre en quelques semaines.

Enfin, conduisez les débutants dans les piscines pour assister aux grandes épreuves et pour voir nager les grands champions. C’est la meilleure leçon que vous puissiez leur donner.

Robert JEUDON.

Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 358