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Élevage

Le son

Après une longue période de complète privation ou de restrictions plus ou moins accusées, le son est à nouveau mis à la disposition des propriétaires, désireux de l’utiliser pour la nourriture de leurs animaux, et des chevaux en particulier.

Il existe des sons de toutes les graines de céréales (blé, seigle, orge, etc.), mais le son de blé est certainement le meilleur et, du reste, de beaucoup le plus utilisé ...

Le son est formé par les différentes couches d’écorce du grain, séparées par les opérations de mouture, puis de « blutage », celle-ci isolant la farine d’avec le son, formant, d’après son degré de finesse, les remoulages ou fleurages, les recoupes et les sons proprement dits : gros, moyens et petits, dont le mélange donne le son « trois cases ».

Tous les sons sont riches en matière azotée (protéines) et en matières minérales phosphatées ; malheureusement, ils ne sont pas très digestibles à cause de la cellulose qui forme la plus grande partie des enveloppes du grain, inconvénient plus marqué pour les estomacs de l’homme et des carnivores, tandis que ceux des herbivores y sont beaucoup moins sensibles.

En principe, on peut dire que le son convient pour tous les animaux, mais à des degrés divers, et, pour chaque espèce, il y a lieu de choisir le mode d’administration qui lui convient le mieux.

Si son emploi est surtout répandu dans les écuries de chevaux de trait ou de culture, il est aussi favorable aux vaches laitières, qu’on le leur distribue soit sec, soit « frisé », c’est-à-dire légèrement mouillé, ce qui les incite à boire plus abondamment et ne manque pas d’influencer la sécrétion lactée.

Les moutons et les lapins sont très gourmands de son sec, qu’ils assimilent fort bien, tandis que le porc, qui le mange aussi très volontiers, n’en tire que peu de profit, ainsi qu’on peut le constater à l’examen des déjections, où on le retrouve souvent intact.

D’une manière générale, le son est plus digestible quand il est sec que « frisé », mais, dans le premier cas, sa distribution, moins facile, s’accompagne de gaspillage de la part de l’animal, qui souffle sur sa ration ou bien en renverse une partie hors de sa mangeoire, en faisant des mouvements de tête pour chercher ce qu’il y a dessous !

D’après le professeur Cornevin, la quantité de son à faire entrer dans la ration journalière des animaux ne doit pas dépasser les chiffres suivants : pour le cheval, 2 kilos ; l’âne et le mulet, 1 kilo ; le bœuf à l’engrais, 4 kilos ; la vache laitière, 5 kilos ; le mouton, 0kg,500 ; le porc, 0kg,700. Donné en trop grande quantité, le son, qui a des effets rafraîchissants très prononcés, est préjudiciable aux animaux de travail, qu’il rend mous au point de provoquer une faiblesse générale, véritable anémie à laquelle on a donné le nom significatif de « maladie du son », assez fréquente chez les poulains. Les vieux chevaux, dont la dentition est irrégulière ou mauvaise, peuvent en consommer davantage, en substitution des fourrages qu’ils mâchent difficilement, mais la distribution devra en être faite en repas renouvelés et peu abondants. Le son peut être donné seul ou mélangé à d’autres denrées, auxquelles il sert en quelque sorte de condiment. On en saupoudre les racines et les tubercules, on le délaie avec du lait ou des eaux grasses, on l’incorpore à des herbes fraîches ou des pommes de terre cuites ; il peut encore entrer dans la composition de certains mélanges alimentaires. Chez les chevaux il est fréquemment distribué sous forme de « barbotages » ou de « mashes », pour les animaux ayant besoin d’être rafraîchis ou « retapés » au cours d’une convalescence ou indisponibilité.

Deux litres de son et un litre de farine d’orge délayés dans un seau d’eau de 8 à 10 litres forment une excellente préparation pour faire « barboter » deux fois par semaine, ou une seule fois la veille du repos, des chevaux habituellement fortement nourris en grains.

Le « mash » est un mélange d’avoine en grains et de son, dans la proportion en volume d’un tiers de son et deux tiers d’avoine, auquel on ajoute ordinairement une poignée de graine de lin. On dépose l’avoine et la graine de lin dans un seau en bois, on verse dessus l’eau bouillante, puis on ajoute le son et on recouvre le seau d’une couverture pliée en quatre. La quantité d’eau employée doit être telle que le mélange de son et d’avoine l’absorbe à la longue en totalité, après quoi on fait un brassage de la préparation, qui est distribuée alors qu’elle est encore tiède.

L’eau de son, obtenue en faisant bouillir une certaine quantité de son dans de l’eau, peut être utilement employée en breuvages ou lavements émollients et nutritifs dans les cas d’entérite ; pour lotionner la peau des animaux atteints de démangeaisons ; enfin, associée avec des mauves hachées et de la graisse, on peut en faire des cataplasmes pour le traitement des abcès, cors, phlegmons et, en particulier, toutes les plaies et lésions du sabot.

Le bon son doit être avant tout frais ou en bon état de conservation, sans odeur ni saveur désagréables, d’aspect engageant avec une couleur panachée, résultant du mélange de la teinte jaune de la pellicule du grain et de la blancheur de la farine. La présence de celle-ci se manifeste en blanchissant les mains plongées dans un sac de son, ou bien en troublant l’eau (eau blanche) quand on en verse une poignée dans un seau ; ces deux signes servent le plus souvent à l’appréciation, toute superficielle, de la qualité. Le son ne se conserve pas très longtemps, il s’altère facilement, surtout s’il est exposé à l’humidité ; il rancit, dégage une odeur aigrelette et peut être alors envahi par des moisissures qui en font un aliment dangereux ; ces altérations possibles, sinon fréquentes, donnent l’explication des appréhensions que montrent certains propriétaires à le faire consommer par leurs animaux. Maintenant qu’ils sont avertis, ils auraient grand tort de persévérer dans leur opinion : le son n’est pas une panacée, ni à lui seul le « trésor de l’écurie », mais un excellent aliment, surtout de substitution, dont il faut savoir user, sans en abuser.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 368