Au début, son créateur employa ce système surtout dans le
but de prévenir l’essaimage. Mais les résultats obtenus le font classer parmi les
méthodes de production et même d’accroissement du rucher, comme nous le verrons
plus loin. Du plan Demarie dérivent la plupart des procédés modernes
d’apiculture intensive.
Ainsi que nous l’avons déjà dit, il est nécessaire d’avoir
des ruches à agrandissement vertical : Dadant, Voirnot, ou mieux Langstroth.
En deux mots, il consiste à faire un essaim artificiel, sur
une forte colonie, et, pour que sa puissance ne soit pas divisée comme dans
l’essaimage naturel, la souche et l’essaim artificiel sont laissés dans la même
ruche et non séparés.
En voici la technique : opérer un peu avant l’époque de
l’essaimage naturel, dès la grande miellée ; choisir une ruche très
populeuse ; apporter à côté un corps vide semblable à celui de la colonie
à traiter et garni de rayons bâtis ou de cire gaufrée, ainsi qu’une grille à
reine ; sortir tous les cadres vides sauf deux, les placer sur le côté.
Ouvrir la ruche pleine ; enlever les cadres de
couvain un par un en brossant les abeilles pour ne pas les prendre ;
placer, au fur et à mesure, ces cadres de couvain sans abeilles dans le corps
vide et dans le même ordre où ils se trouvaient ; laisser, dans la ruche
ancienne, deux cadres de couvain ouverts dans le milieu ; achever de
garnir avec les cadres vides, qui sont placés de chaque côté des cadres de
couvain que l’on a laissés.
On a donc, dans la ruche primitive, la reine, les abeilles,
deux cadres de couvain et des cadres vides bâtis ou sur cire gaufrée.
Là-dessus, poser la grille pour que la reine reste dans le corps inférieur. Sur
la grille, une hausse vide, et, tout en haut, le corps de ruche avec le
couvain, sauf les deux cadres laissés dans le bas et remplacés par d’autres
vides. Refermer ensuite la ruche. L’opération est terminée pour le moment.
Que se passe-t-il ? Le bas, contenant très peu de
couvain, est en partie abandonné par les jeunes abeilles qui, passant à travers
la grille, vont s’occuper du couvain placé dans le haut et, de ce fait, la
reine réduit sa ponte dans de grandes proportions, évitant ainsi de créer des
abeilles inutiles, puisque venant après la miellée, et qui se nourriraient aux
dépens de la récolte sans aucun profit.
Dans le corps supérieur, la reine étant absente, un certain
nombre de cellules royales sont édifiées. Neuf jours après, enlever ces
cellules royales, qui peuvent fort bien être utilisées pour la création de
nouveaux essaims ou pour remplacer les reines défectueuses ne donnant pas
satisfaction. Petit à petit, à mesure de l’éclosion du couvain, les cellules
vides sont garnies de miel d’autant plus rapidement que la ponte réduite de la
reine a libéré un certain nombre de butineuses qui n’ont plus à s’occuper de
l’élevage.
Dans le corps inférieur, par contre, la reine reprend
progressivement sa ponte. Les nourrices, n’ayant plus d’occupations dans le
haut lorsque tout le couvain est operculé, descendent peu à peu rejoindre la
mère qui, dès lors, étant mieux secondée, atteint à nouveau sa ponte normale et
arrive à garnir le corps qu’elle occupe, redevenu ainsi une ruche normale à la
fin de la saison.
Le magasin supérieur rempli de miel est récolté. Si l’année
n’a pas été très favorable, on peut compléter rapidement les provisions du
corps du bas en puisant dans les cadres garnis prélevés ; ce qui évite les
ennuis d’un nourrissement tardif.
Une variante du plan Demarie permet de créer un nouvel
essaim. Il consiste à placer une seconde grille à reine sous le couvain
supérieur et sur la hausse au moment de l’exécution du plan. On laisse aussi un
passage pour la future reine et les mâles, soit en soulevant un peu un côté du,
corps supérieur, soit, mieux, en ouvrant en partie le trou nourrisseur du
plafond, sous le toit, en faisant bien attention qu’il y ait une ouverture sur
un côté du toit. Bien entendu, ne pas détruire les cellules royales qui vont se
former. Au bout de quelques jours, une nouvelle reine étant éclose et bientôt
fécondée, une nouvelle colonie est créée.
Lorsque la présence du jeune couvain est constatée, le corps
supérieur peut être enlevé, posé sur un autre plancher et coiffé d’une toiture.
Si la miellée continue, ce corps peut être surmonté d’une hausse. Le meilleur
système cependant est de laisser les deux colonies travailler ensemble en
plaçant des hausses intercalaires entre les grilles. Elles sont séparées
seulement après la miellée ou pour la mise en hivernage.
On peut utiliser aussi le plan Demarie pour le
renouvellement automatique des reines. La méthode est très simple, puisque on
élimine ce qui est le principal obstacle pour beaucoup d’amateurs : la
recherche de la vieille reine, qui devient inutile.
Opérer comme indiqué plus haut pour créer un nouvel essaim
dans le corps supérieur, en ne détruisant pas les cellules royales et en
laissant une sortie pour la fécondation de la jeune reine.
Après la miellée, au lieu de séparer les deux colonies, on
se contente d’enlever les grilles à reines en même temps que les hausses. Les
reines ne tarderont pas à se rencontrer pour une lutte sans merci où la plus jeune,
étant la plus agile, triomphera et prendra la tête de l’unique colonie, restée
très forte puisque non divisée. Elle pourra servir à nouveau l’année suivante
pour pratiquer le plan Demarie, la jeune reine assurant une ponte abondante,
donc une nombreuse population indispensable pour ce système.
Quelques conseils complémentaires ne sont pas inutiles pour
garantir le plein succès de l’opération :
1° Ne pratiquer le plan Demarie que sur des colonies
fortes en population. En effet, avec un essaim trop faible pour occuper
deux corps, les abeilles se portent sur le couvain et la reine, confinée dans
la partie inférieure, peut être abandonnée. Dans ce cas, le nid à couvain
risque de ne pas être reconstitué et on abordera l’hivernage avec une
population réduite composée en majorité de vieilles abeilles. L’année suivante,
une telle ruche ne donnera pas de récolte, ou très peu.
2° Ne pas monter de couvain de mâles dans le corps
supérieur si il ne laisse pas une ouverture pour leur sortie. Dans le cas
contraire, à mesure de leur éclosion, ils viennent obstruer en partie la grille
à reine, où ils ne peuvent passer, et gênent les butineuses dans leurs allées
et venues. Il est vrai qu’en soulevant de temps en temps ce corps du haut, ils
s’envoleront pour la plupart, mais c’est un travail supplémentaire qui peut
être évité.
3° Si on ne veut pas renouveler la reine ou créer de
nouvelles colonies, il ne faut pas oublier d’enlever toutes les cellules
royales neuf ou dix jours après l’exécution du plan sans en oublier une seule.
Sans cela, on risque un essaimage ou de n’avoir plus dans la ruche qu’une reine
arrhénotoque, puisque ne pouvant sortir se faire féconder dans les délais
normaux.
4° Laisser un cadre ou deux de couvain ouvert avec la
reine, ce qui oblige une partie des jeunes abeilles à rester et évite
l’abandon de la reine.
Enfin, dans le cas de la création d’une nouvelle reine, il
peut arriver que, lors de son vol de fécondation, celle-ci se trompe à son
retour et pénètre dans le corps inférieur occupé par la vieille reine. Il y a
lutte immédiatement et nous savons que la jeune, étant la plus agile, tue sa
rivale et s’installe à sa place. Si la vieille reine n’est pas marquée, on peut
ne pas s’apercevoir de cette substitution.
En résumé, en pratiquant le plan Demarie, l’essaimage est
évité et la production du miel est généralement doublée. De plus, nous pouvons
l’utiliser pour l’agrandissement du rucher. Ceci mérite la peine de quitter
résolument la routine pour s’adonner à ces pratiques si simples pour des
résultats nettement avantageux.
Roger GUILHOU.
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